Des cagettes de livres, plus ou moins lus, plus ou moins cornés, plus ou moins aimés. Bradés pour la plupart. En fin de course. Un peu comme ces vieux qu’on ne sait plus où placer.
Bradés.
Qui en veut de mon vieux ?
Et pourtant, le livre aussi aurait mille et une choses à raconter, à transmettre. Tiens, que dire de L’enfant-roi qui a tant fait couler d’encre dans les magazines de psychologie. Peut-être pourrait-il être utile à ma petite-fille ? A mon époque, on ne se posait pas de questions. L’enfant n’était même pas une personne à vrai dire : il fallait qu’il obéisse. Il n’avait pas le choix. Ce n’était pas forcément mieux avant, mais plus simple pour ces parents qu’on assène de préceptes à la con.
Tiens, La porte du traître. Ce titre-ci irait bien pour ma belle-fille. Elle a bien caché son jeu jusqu’à la mort de Jean. Et puis, voilà qu’après l’enterrement de mon Jean, elle avait voulu savoir quelle serait la part d’héritage de son Jacques.
Certains ne manquent pas d’air. Si tôt enterré, déjà oublié. Les corbeaux n’avaient pas tardé à tourner.
Jean est bel et bien là, encore une fois, avec Il faut marier Jean ! Ce titre me fait sourire ! Ah pour ça, il a été marié. Quarante-trois ans même. Et ça n’a pas été une partie de plaisir tous les jours. Mais en quarante-trois ans, nous en avons connu des hauts et des bas. Mais jamais nous ne nous sommes plaint. Et puis, il faut dire que chez les anciens on divorce moins. Pas forcément une meilleure chose, cela dit.
Partir, oui, ce titre aurait pu lui aussi me correspondre. Parfois on me regarde déjà comme si j’étais sénile. Alors, après avoir élevé mes enfants, trois en tout, gardé mes petits-enfants, six pour l’instant, j’aurais peut-être aimé plus de condescendance. Mais non, la vieille a tout son temps, elle peut au moins gardé ses petits-enfants le week-end …
Finalement, J’ai choisi la liberté, oui, comme ce livre un peu caché, sur ma gauche.
La liberté de pouvoir dire non, de partir quelques semaines en voyage avec mes copines. Du moins celles qui sont encore là. Après tout, j’ai tellement de choses à raconter, tout comme ces livres, d’ailleurs.
» – M’sieur, vous m’en mettez une douzaine de côté ? Je repasserai les prendre juste avant Noël. »
©Leiloona, le 18 novembre 2012
Crédits photo © Romaric Cazaux
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Le texte de Morgane :
ELLE
Mais si ! C’est elle … ça ne peut être qu’elle.
Ces doigts longs et fins. Cette élégance naturelle. Cette façon de s’abandonner corps et âme à l’ouverture d’un livre : des mots et toujours des mots.
Être transporter par sa lecture comme cela : C’est elle ! J’en suis sûr !
Paulette – Paulette GRANGER
Combien de fois ai-je répété et rêvé de ce prénom, de cette jolie jeune fille lorsque j’avais à peine 18 ans … J’étais si timide …
Je le suis sans doute encore puisque je reste là, les bras ballants, à la fixer du regard à son insu, au lieu de m’adresser à elle.
Sans doute reconnaitra-elle le timide fils du chauffeur. Ou pas …
Elle a toujours été gentille et aimable avec moi ; sans pour autant me considérer comme l’un de ses potentiels prétendants. Il est vrai que je n’avais pas grand-chose en commun avec les jeunes hommes de bonne famille invités par son père lors des réceptions estivales. Comme j’ai pu imaginer de faire partie des invités ! D’arriver sur le perron, entièrement vêtu de blanc, fier comme un jeune officier lors de la remise des gallons, saluant l’assistance avec l’aisance d’un homme qui se sait être beau. Rêver de lui offrir une petite coupe, de l’inviter à danser, de la tenir dans mes bras et de pouvoir sentir l’odeur de ses cheveux …
Alors bon sang ! Qu’est ce que j’attends ? Qu’elle s’en aille ?! N’est-il pas terminé le temps de la timidité ? Lance-toi grand nigaud !
Peut-être est-elle veuve et souffre de la solitude comme moi ? Au point de venir flâner le dimanche après-midi dans une foire aux livres anciens, histoire de voir du monde et de dénicher LA perle rare : le roman qui meublera de personnages imaginaires l’esprit durant quelques soirées.
Inspire, Expire. Quel abruti je fais quand même ! Pffff …
Bon, je me lance :
« Paulette ? Excusez-moi, vous êtes bien Paulette GRANGER ? »
Elle hoche la tête. Elle fronce un instant les sourcils le temps d’une légère réflexion et elle prononce mon prénom, le regard maintenant étonné et amusé. Elle me fait le plus beau des sourires.
J’ai le cœur qui bat. Je rajeuni. Je suis heureux.
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Voici vos liens :
Stéphanie : Coup de pouce du destin
KMill : Bel Air
Cécile MdL : Lire, relire, délire
Yosha : Un vieil ami
V.beLecteur : Le dernier livre
Lilou : Un roman de gare
Cardamone : Vague de mots
Leiloona j’aime cette pérégrination dans les souvenirs…
Merci, miss !
Morgane, jolie et émouvante retrouvailles autour des livres…
@ Leiloona : décidément, les titres ont inspiré pas mal de textes, il faut dire qu’ils sont évocateurs !
@ Morgane : très belle rencontre mêlée de nostalgie et d’espoir…
Bonne semaine !
Oui, et j’ai lu que je n’avais pas été la seule à me servir des titres des livres !
@morgane, j’aime beaucoup ce regard ce celui qui se souvient et qui croit avoir été insignifiant, l’observateur de la vie des autres à laquelle il ne participe qu’à la seconde place, mais elle le reconnait, j’aime beaucoup ton style.
@leiloona, plus sombre cette semaine, un regard critique sur notre société qui se termine sur un essentiel, la libérté.
Oui, sans doute une mise en avant de certains faits personnels.
nb: merci à ceux qui me mettent des commentaires, souvent je n’y réponds pas car je ne sais pas comment on fait sur mon blog, je vais bientôt trouver, j’en suis sure, mais merci en tous cas pour vos critiques.
Ah zut ! :/
@Leiloona
Joli titre, joli texte – j’aime ces beaux glissements des titres des romans à ses proches, à sa vie
@Morgane
Belle façon d’évoquer cette rencontre – j’adore en particulier la description du 2ème paragraphe
Parce que notre vie n’est qu’un roman aussi !
Des réflexions si vraies, Leiloona, quelques unes un peu amères…
J’aime bien la fin de l’histoire, la liberté de dire et de faire, les séniors ne s’en privent pas !
Bisous d’O.
Oui, ce serait bien de ne pas oublier qu’ils restent des personnes à part entière, avec des envies, des désirs aussi.
@ Morgane : Peu importe l’âge, l’amour nous redonne toujours l’impression d’avoir 15 ans !
Merci pour vos commentaires sur mon texte.
J’ai beaucoup aimé les créations de cette semaine : les livres, les séniors, les rencontres, les souvenirs … Ça ne me dépayse pas puisque je découvre Barbara Constantine actuellement.
Merci encore Leiloona pour cet atelier qui permet d’écrire mais aussi de pouvoir lire chaque début de semaine de courtes histoires variées mais aussi des poèmes. Du plaisir donc !