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Je suis parti de chez moi le jour de mes 36 ans. Je n’ai eu aucun regard pour ces toiles de cheveux blonds endormis. Deux que j’avais pris l’habitude de brosser tous les jours, une autre, la sienne, que j’aimais empoigner le soir, à la nuit tombée, lors de nos joutes nocturnes amoureuses.
Pas un regard.

Je n’avais pas non plus pris de valise. J’avais jeté dans mon petit sac à dos quelques changes. Moi non plus je ne croyais pas à ce départ. Et pourtant.

La route avait été bien longue. Quand on n’a aucun but, on peut continuer sa route à l’infini.
Vos empreintes étaient mes dernières reliques. Dans la rue, elles me furent bien souvent précieuses. Parfois je tentais d’imaginer les différents tableaux de votre vie. Un nouveau père avait-il fait son apparition ? Comment s’occupait-il de vous ? Qu’avait raconté votre mère après mon départ ?

Jamais je ne suis revenu sur mon choix de vie. Par orgueil. Je suis un homme après tout. Mais parfois mes compagnons de route me disent que le seul moment où mes yeux s’animent, où un semblant de vie dans mon regard apparaît, c’est lorsque je pense à vous, mes trois lumières.

Mais que feriez-vous d’un père comme moi ?
Vous me manquez tellement …

© Leiloona, le 1er août 2013

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 Jacou : 

Le vol de l’histoire

 Manteau de laine râpée,

Chapka, sur ma tête vissée

Souvenirs du temps oublié ;

Refuges de ma mémoire.

Où sont les mérites et les gloires,

Que j’ai cru récolter ?

 

Tout au long d’une vie,

D’espoirs et d’illusions,

Me suis-je manipulé ?

Le pouvoir et la connaissance,

A ce point, je les ai falsifiés.

Souvenirs du temps passé.

 

Ils ont dit, ma liberté,

Rêves jolis d’humanité.

Alors, quand de l’autre côté

Enfin j’ai pu accéder,

Le masque s’est déchiré.

La vie aurait dû commencer.

 

Ce mur, que l’on dit écrasé,

A fait de moi un déraciné.

De ces joies, de ces bienfaits,

Je suis un abandonné,

Rejoignant ces invisibles,

Que l’Histoire a maltraités.

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Le texte d’Expatriée perdue : 

Bleu

Ce qui m’avait marqué chez lui, c’était son changement de regard.

Cette lueur si vive et intense dans ses yeux qui, avant, m’avaient paru si froid et narquois.

Désormais, quand j’entrais dans la pièce, un grand sourire illuminait ce visage que personne n’avait réussi à percer jusque-là.

Un espoir si fou, si intense dans ses prunelles bleues glacier que toute trace de jugement que j’avais pu émettre jusqu’à cet après-midi se retrouvaient dans les plus profondes oubliettes de ma mémoire. Seuls des sentiments de curiosité et de satisfaction m’envahissaient.

Je découvrais que cet homme que je prenais pour un jeune maître hautain et froid pouvait peut être avoir des sentiments ou du moins une véritable expression faciale.
Ma curiosité venait du fait que je me demandais si, en lui donnant un peu d’amour, d’affection, il pourrait complétement se transformer en prince charmant.
Bien évidemment je connaissais la réponse mais on ne refait pas une princesse qui cherche son crapaud.

Des décennies plus tard, alors que je ne voyais plus rien autour de moi, avalée par le deuil que je croyais sans fin de mon tendre époux, je le croisais, cet être au regard d’acier.

Mon crapaud n’avait pas dû rencontrer l’amour car il ne s’était pas transformé.

Après enquête, j’appris que l’on vivait dans le même quartier. Son sourire n’avait pas laissé de trace en lui ; on le disait taciturne et sauvage.

Alors, je retrouvais la vue. Que voulez-vous, on ne refait pas une princesse.

 

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 Les liens vers vos textes écrits à partir de la même photo : 

- Za : Petites bêtises

- K Mill : Un cadeau

- Cardamone : Seul

- Yosha : Le poids des remords

- MitiMoana : Pattes de mouche

- Sabine : Mon vieux et moi

- Stephie

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