Ce récit-témoignage est un véritable coup de poing : à travers le récit de plusieurs personnes qui ont vécu dans les années 30, Igort brosse le portrait d’une Ukraine inconnue du grand public.
Ils sont encore trop peu nombreux ceux qui savent qu’une famine a eu lieu dans les années 30 en Ukraine, et cet album permettra, je l’espère, que cet holodomor soit davantage connu.
Un petit topo historique.
Staline dans les années 30 a relancé le plan quinquennal, bouleversant la production agricole. L’Ukraine, grenier à blé de l’Union Soviétique, est particulièrement touchée. Sauf que Staline se heurte aux paysans ukrainiens. Pour faire plier ces hommes, l’État réquisitionne les récoltes, et les paysans n’ont plus rien à manger.
C’est le début de la famine.
Elle fera 5 millions de morts.
Ce n’est pas le premier récit que je lis sur cette famine. A chaque fois, je suis révulsée, mais par devoir de mémoire, je me force à lire ces témoignages.
Avec cet album, les images s’ajoutent au récit, donnant encore plus de poids aux témoignages.
En noir et blanc ou encore en sépia, les images se suivent et se figent dans notre œil. Je mettrai longtemps avant de ne plus avoir en tête les visages cadavériques de ces familles.
Cette période fut l’une des plus cruelles pour les Ukrainiens. N’ayant rien à manger, une femme explique que de la sciure était mélangée à la farine pour le pain. Et en hiver, avec le froid, il leur était difficile de trouver ne serait-ce que des racines pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent.
Ce fut aussi à cette période que des cas de cannibalisme furent recensés.
Des ventes d’êtres humains ont même été faites …
Un peu plus loin dans l’album, une vieille femme en train de faire la manche raconte qu’elle regrette le temps de Brejnev, temps où la nourriture ne manquait pas. C’est une femme qui a vécu la famine, dont la mère a été déportée par les nazis, dont la fille est partie travailler en Corée du Nord en tant que physicienne, et qui en est revenue malade. Aujourd’hui, en 2009, après avoir donné tout son argent pour soigner sa fille et son gendre, voici qu’elle mendie.
C’est une femme qui attend la mort.
Comment ne pas être touché par ces différents portraits ? Comment ne pas être révulsé par tous ces destins brisés, par cette nation brisée ?
Voici un pays qui possédait une vraie richesse (la terre noire est une terre extrêmement fertile), mais qui est devenu un fantôme.
A l’heure actuelle, cette famine n’est pas reconnu comme un génocide au sein de l’ONU car la Russie a droit de véto et menace d’y recourir.
Un indispensable pour moi. Mon seul bémol ? Quelques coquilles qui auraient pu être évitées. Mais face à un tel sujet, j’ai fermé les yeux.
Les Cahiers Ukrainiens (T1)
Mémoires du temps de l’URSS
par Igort
Editions Futuropolis
Prix : 22€
Merci Sabbio de m’en avoir parlé !