Dans ce roman au titre musical, le lecteur croisera la route d’une femme dont la vie a pris un tournant inattendu.
Avant la rentrée de septembre, sa vie était bien rodée : un mari aimant, des enfants qui poussent comme de jolies petites graines, un gros chien blanc attentionné, l’envie de reprendre une activité … Une vie sereine et qui semble toute tracée.
Alors, lorsqu’en ce jour de rentrée Clothilde se prend enfin du temps pour elle loin de ses petites tornades, que le téléphone sonne, elle tombe de haut quand la maîtresse lui apprend que sa fille a fugué.
Vite, prendre la voiture, aller chercher Madeleine. La truffe de Beau sera d’un grand secours. Arrivés près de la rivière, Beau perd la trace de la petite fille. Clothilde pousse alors un hurlement animal, elle crie le prénom de sa fille mais seul le vent fait écho à ce cri.
Heureusement, elle aperçoit une silhouette de l’autre côté de l’arbre : elle plonge dans l’eau et prend enfin dans ses bras Madeleine.
La vie peut reprendre son cours.
Enfin, presque.
Si Madeleine a été retrouvée, Clothilde a perdu sa voix.
Après avoir été surprise par la perte de sa voix, Clothilde s’en accommode, mais ce n’est pas le cas de son mari ni de sa meilleure amie. Pour eux, c’est une véritable catastrophe : cette jeune femme qui gérait tout, n’était jamais malade, se retrouve soudain handicapée. Son mari ne la reconnaît plus, son amie ne voit pas l’intérêt de lui parler, seuls les enfants semblent trouver cette situation rigolote … De son côté, Clothilde, qui avait besoin de soutien, se trouve bien démunie face à la réaction de ses proches.
Heureusement qu’elle va chez le phoniatre : ce médecin l’aide à retrouver confiance en elle, à débloquer sa voix, mais rien n’y fait. Aucun son ne sort.
Un jour, cependant, le médecin lui propose de faire le cours en chantant, et là, miracle, la voix de Madeleine est pure et d’une belle intensité.
Une belle ouverture pour Clothilde. Elle, l’ancienne musicienne, reprend ses partitions de piano et commence à jouer des fugues, autres que celle qu’a jouée sa fille au mois de septembre.
Une nouvelle vie commence, avec de nouveaux horizons : chanter devient essentiel pour la jeune femme. Même si la parole lui fait toujours défaut, le chant est là.
Voici un roman qui nous emporte de la première à la dernière page. Il y a tout d’abord la vie de cette jeune femme, vie qu’elle s’est dessinée selon les désirs de ses proches. Enceinte 4 fois en 5 ans, Clothilde a tout d’abord vécu pour ses enfants, ne s’est jamais posée, et lorsque le lecteur rencontre ce personnage, il sait que Clothilde est à un tournant de sa vie, que la chrysalide se transformera en papillon, et ce, même si parfois ces changements ressemblent à un tsunami.
Un portrait de femme vibrant et touchant.
Mais il y a aussi le portrait de ceux qu’on ne fait que peu parler : les enfants et ce magnifique chien. Les enfants, d’abord, et surtout Madeleine, petite Clothilde en miniature qui aime jouer sous le piano, véritable forteresse. Et puis il y a Beau, le gros chien des Pyrénées, véritable source de réconfort, toujours là quand Clothilde a besoin de lui.
Là aussi ce sont des portraits croqués avec justesse.
Outre ces personnages, il y a aussi le cadre de vie, ce décor coupé par cette rivière, symbole de renaissance, mais aussi cette abbaye, lieu du silence par excellence.
Je pourrais aussi vous parler du père dont un pied est encore coincé dans le passé, du mari dont la voltige peut lui faire perdre la tête, de Baptiste l’illuminé, ou encore de la mère de Clothilde, mais ce serait vous en dire trop.
En somme, voici un roman que je conseillerais aux jeunes mamans, aux mélomanes, aux amoureux des chiens, à ceux qui aiment lire des tranches de vie avec ses hauts et ses bas …
Une réussite.
Je vous laisse en compagnie de pages que j’ai cornées, le rythme qui s’élève de la plume d’Anne Delflotte Mehdevi montre qu’elle connaît bien elle aussi la musique :
Les amitiés meurent : même la leur ?
Elles meurent souvent de mort naturelle, rarement ravalées par de grandes fâcheries. Elles meurent parce que le chemin inconscient et singulier qu’empruntait telle amitié est soudainement coupé, par un éboulis, une veine de terre étrangère au chemin qu’elle recouvre.
Heureusement que Clothilde bégayait, cette insupportable bride au langage, cette prison, avait au moins des barreaux repérables de loin.
Auteur : Anne Delaflotte Mehdevi
Broché: 326 pages
Editeur : Gaïa (1 septembre 2010)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2847201741
326 pages
21€
Lu grâce à Babelio.
D’autres avis ?
Mirontaine : ce roman est une pépite.
Marie des Carabistouilles : A l’image de son sujet et de son personnage, le style est « fin », composé de longues périodes qui entraînement doucement et sereinement le lecteur, loin du style haché et cru de nombreux contemporains. On a l’impression de suivre les gammes d’une partition tant l’écriture est mélodieuse.
Saxaoul : une histoire envoûtante écrite avec talent.
Cynthia en revanche n’a pas été séduite.