Il pleut sur le square Kennedy.
Cette phrase liminaire invite le lecteur à passer quelques heures dans une station balnéaire en hiver. A Royan. Les volets des maisons sont clos, les touristes se font rares, préférant la haute saison, et pourtant c’est en hiver que notre narrateur a choisi de passer dans cette ville.
Il a un rendez-vous.
Un rendez-vous avec une jeune femme.
Il doit la retrouver dans une maison, mais il ne connaît pas son adresse car, de la maison, il ne connaît que son aspect extérieur grâce à une photo.
Pascal s’installe alors à l’hôtel Océanic, hôtel sur le point de fermer. D’ailleurs il est le seul client. Le seul touriste dans une ville fantôme.
Mais l’atmosphère n’est pas pesante : le gérant de l’hôtel, un homme qui s’apprête à partir à la retraite, est aux petits soins de ses clients. Le lendemain, arrive un second client. Un habitué qui voudrait bien récupérer la chambre, sa chambre, actuellement occupée par Pascal. Mais là encore, aucune animosité entre les deux hommes. Cette anecdote va même leur permettre de faire connaissance. Comme Serge est un commercial itinérant qui connaît bien la région, peut-être a-t-il déjà vu la maison que recherche Pascal ?
Jardin d’hiver est un roman d’atmosphère.
Quiconque a déjà travaillé dans une station balnéaire sait à quel point la ville n’est guère accueillante en hiver. Comme si elle se mettait en veille avant le prochain printemps. Les volets sont fermés, les boutiques tournent au ralenti, et la plage ressemble à un paysage lunaire. Pourtant, c’est aussi l’époque où l’on peut admirer la ville sans se faire bousculer : on peut contempler la mer et faire vagabonder nos pensées. Une station balnéaire en hiver est une ville hors du temps, et Royan permet à Pascal de revenir par la pensée à cet été qu’il a vécu avec cette jeune femme, à Paris. Le récit alterne donc différentes époques, mêlant la bruine hivernale à la moiteur estivale.
Ce va-et-vient conjugue différents personnages : à la femme idéale et maintenant inaccessible se joignent des personnages plus singuliers : la bibliothécaire aigrie et pointilleuse qui a toutes les peines du monde à retenir les ouvrages dans sa bibliothèque, Serge le VRP en mal de clients, M. Smeyers et son sandwich au pâté. Pourtant, rien de prosaïque dans l’écriture de Dancourt car il sait insuffler une certaine beauté même dans les descriptions les plus communes.
Et puis, parmi tous ces personnages attachants, il y a Abigail, une jeune étudiante qui symbolise à elle seule le renouveau dans cette ville aux personnages attachés à leur passé ou à certaines habitudes tenaces.
L’écriture est plus fluide que dans Hôtel Lausanne qui a obtenu le premier du premier roman en 2008. Les personnages sont moins torturés, mais la griffe de Dancourt est bien là. Une fois encore, l’auteur manie parfaitement l’ellipse, donnant au lecteur la possibilité de combler ces blancs. Ces blancs qui souvent en disent beaucoup.
Et puis, ces hôtels, lieux de passage déjà présents dans son premier roman, permettent avant tout aux personnages de reprendre leur envol. Les hôtels sont alors comme des perchoirs sur lesquels les personnages se posent avant de repartir vers une nouvelle vie, qui sera davantage tournée vers le moment présent.
Une écriture douce qui fait naître dans l’esprit du lecteur de belles images, des personnages nostalgiques, un hôtel comme refuge et une ode à une femme aimée mais absente, ce roman est parfait pour se préparer à accueillir l’hiver en douceur.
Auteur Thierry Dancourt
Éditeur Table ronde
Date de parution août 2010
Collection Vermillon
ISBN 2710367335
17 €
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