Griffin aurait dû la jouer autrement. Attendre Joy une journée de plus et faire la route avec elle n’aurait en rien gâché ses vacances de professeur. Mais il avait joué le fier et voici qu’il se retrouvait seul dans un motel.
Avec une insomnie en plus.
L’angoisse qui le tenaille cette nuit-là semble même prémonitoire, car le week-end qui aurait dû être enchanteur sera au contraire dévastateur …
Et pourtant, aller à un mariage aurait pu être synonyme de romantisme.
Mais comme souvent dans la vie, rien de ce qui est prévu arrive …
Le dernier roman de Richard Russo est une peinture contemporaine d’un couple américain. La peinture d’une vie désabusée d’un homme qui, malgré une situation confortable, une femme et une fille, est hanté par l’insatisfaction. L’ombre de ses parents le guette et régit sa vie. Griffin, cet homme de 60 ans, porte sa croix au quotidien.
En entrant dans l’âge adulte, il était rempli d’espoirs et de conquêtes : il écrivait des scenarii et avait envie d’espaces. Gonflé de projets à 20 ans, force est de constater que le ballon s’était lentement mais sûrement dégonflé. A 60 ans, il était un professeur et ne vivait pas dans la région de ses rêves.
Une pilule dure à avaler.
Était-ce de revoir le Cap Cod, de replonger dans ses souvenirs d’adolescent qui le faisait sombrer dans cette douce mélancolie ?
A partir de quel moment lui et Joy avaient emprunté une mauvaise route ? Lors de la naissance de Laura ? Lors de l’argent emprunté au beau-père ?
Ou bien est-ce que son couple était parti dès le début sur de mauvaises bases, un peu comme ce scénario dont il n’arrivait pas à terminer l’intrigue ?
Oui, voilà.
Son histoire avait Joy n’avait fait que s’enfoncer dans une voie sans issue.
Ce couple désenchanté pourrait être le vôtre, le mien. Qui a suivi scrupuleusement ses rêves de jeune adulte ? Qui n’a jamais réalisé avec amertume que le chemin de vie qu’il suivait n’était pas le sien ?
Alors, avant d’arriver droit dans un mur, Griffin et Joy décideront de prendre deux routes séparées.
Le temps que Griffin comprenne enfin pourquoi il s’est retrouvé sur ce chemin-là.
Voici une peinture acide mais lucide et surtout criante de réalisme. Le tout mâtiné d’une pointe d’humour cynique.
Rien d’extravagant dans ce roman, pas de rebondissements alléchants ou de scènes croustillantes. Il s’agit seulement de la vie telle que nous la vivons, mais justement, cette peinture est tellement fraîche et vivante qu’on prend plaisir à découvrir l’histoire de Griffin, ses pensées sur son couple, son enfance avec des parents particuliers, et à la fin on a l’impression de connaître sur le bout des doigts cette famille, si réelle.
Richard Russo possède ce petit plus qui donne vie aux personnages. On y croit très vite, on est avec Griffin au Cap Cod, avec lui dans ce bar où il tente de déchiffrer une affichette … On suit sa vie avec le même entrain que celle de notre meilleur copain, et après avoir refermé le livre, on réfléchit aussi aux voies qu’on a empruntées et on se méfie un peu plus de l’influence que pourraient avoir nos parents sur notre histoire.
Un roman grinçant qui se laisse aussi aller sur les pentes de l’émotion.
Auteur Richard Russo
Editeur Quai Voltaire Eds
Date de parution 16/09/2010
ISBN 2710331675
Traduit par Céline Leroy
21 €
315 pages