Elles étaient là, encore gorgées de la chaleur du soleil. Tièdes entre nos mains, juteuses à souhait.
Il suffisait de tendre nos bras pour les cueillir : ces guirlandes orange dansaient au-dessus de nos têtes, nous narguant parfois de leur hauteur.
Nous prenions alors la vieille échelle en bois, montions lentement sur les barreaux brinquebalants avant de nous acquitter de notre trésor orangé. Un mince sourire aux lèvres cachait notre joie.
Il fallait alors attendre Natália, c’était elle qui pouvait se servir de ce presse-agrumes. Pour tromper l’attente, nous rangions alors les oranges de la plus claire à la plus foncée, de la plus petite à la plus grosse.
Nous l’entendions arriver de loin. Ses sabots cinglaient le sol d’un rythme rapide et lourd. Nous aimions cette femme faite de tendres rondeurs, et nous blottir dans ses jupons, le soir, au moment de l’histoire du soir, était un régal. Du coton remontait alors le zeste amer des oranges pressées dans la journée.
Elle ne manquait jamais de venir faire un tour dans le jardin après la sieste. Un mince sourire dessinait le plus souvent ses lèvres pleines. Nous l’attendions comme le messie.
Elle s’asseyait alors derrière le presse-agrumes, puis soupesait les oranges une à une, choisissant toujours les plus juteuses.
De sa main droite, elle écrasait alors le métal. Ce geste assuré faisait alors couler le nectar divin dans notre gobelet.
Une, deux, trois oranges : le jus était là, scintillant de mille feux au soleil.
Il nous fallait encore attendre l’approbation de Natália. Elle nous tendait alors ce verre béni entre tous, notre bouche, remplie d’envie déjà, s’ouvrait alors pour un véritable feu d’artifices sucré.
Aujourd’hui est un jour particulier. Mon frère doit venir avec ses enfants, nous faisons une pendaison de crémaillère : ma première maison avec un jardin. Alors, même si Natália n’est plus parmi nous, même si nous ne cueillerons pas ces pommes du jardin des Hespérides, au moins, quand nous presserons le jus, grâce à cet outil récupéré dans une brocante, Natália sera parmi nous. Et notre enfance aussi.
©Leiloona, le 23 septembre 2012
Crédits Photo ©Romaric Cazaux
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Et voici vos liens :
Valentyne : Épicerie la jarre d’or
Zelda : Une citronnade, sinon rien.
Jean-Charles : Vitamines
Cardamone : Conte du fruit d’or d’Olmaksoum
De jolis souvenirs évoqués avec une pointe de nostalgie.
J’ai essayé de participer cette semaine, voici mon lien : http://hisvelles.wordpress.com/2012/09/24/vitamines/
Bonne journée et bonne semaine.
Oui, la nostalgie des jours passés …
Un beau souvenir et là encore comme chez plume la vie continue, les souvenirs se transmettent… J’aime cette idée.
Oui, j’aime ce pont entre les générations, peut-être pour cette raison que je fais le métier que j’exerce, tiens ! 😆
Joli !
Merci, miss ! ♥
Bonjour Leiloona!
Ma participation:
http://bergamotteetcardamone.over-blog.com/article-conte-du-fruit-d-or-d-olmaksoum-110432101.html
Hop, ajouté ! 😀
Désolée, je n’ai que peu accès au net en ce moment, mon activité bloguesque tourne au ralenti !
Une madeleine de Proust. Si cette histoire est entièrement vraie, quels beaux moments vont se renouveler 😆
Je vais essayer de jouer lundi prochain.
Bisous d’O.
Non, elle n’est que pure fiction ! 😉
Un bel hommage à Natalia, et au goût sucré de l’enfance ….Les yeux des enfants pétillent à l’idée du jus de fruits frais … Et de l’histoire du soir..;-)
Oui, je les vois bien se lécher les babines pleines de jus ! 😀
ça donne soif!!
Manon
Commentaire très spamesque, attendons de voir la suite …
j’ai écrit quelque chose lundi mais pas fini alors je n’ai pas posté, je n’ai pas lâché l’atelier t’inquiète mais les mots doubs m’ont bien occupés.
Mais Manon a raison, tu devrais te faire sponsoriser par les producteurs d’oranges! Cette belle évocation fait sournoisement monter en nous une grave envie d’orange pressée!!!
Après la madeleine de Proust, le jus d’o de Leiloona?