formats
Publié le 10 mai 2009, par dans Chez Babel.

Un homme marche sur les bords de la mer des Brigantes, la brume l’enveloppe. Il est perdu dans ses pensées quand tout à coup de cet épais brouillard surgit un vieil homme, un gardénia à sa boutonnière. Il suit cet homme qu’il ne connaît pas mais qui l’intrigue. Le vieil homme se dirige vers la mer, mais une fois devant les vagues, il ne s’arrête pas ! Au contraire, il entre intégralement dedans !
Notre premier homme accourt alors pour le secourir avant de s’apercevoir que le vieil homme se dirige en fait vers un bar situé sous la mer.
Irrésistiblement il suit le vieil homme, et c’est perplexe qu’il pousse la porte de ce lieu insolite. Il  se retrouve alors devant une groupe hétéroclite (le groupe de la couverture du livre). Le barman qui aurait pu sortir d’un film d’horreur lui dit alors que ce soir, les membres du groupe vont chacun raconter une histoire …

Voici un prologue des plus curieux qui donne le ton du livre.
Comme vous le voyez, notre jeune homme se trouve face à un groupe  très étrange qui a un petit air de déjà vu : un vieil homme très hugolien, une femme qui a piqué une des robes de Marilyn Monroe, un homme  affublé d’un chapeau et de lunettes noires tout droit sorti des Blues Brothers, une petite fille qui aurait pu venir avec son lapin (mais peut-être court-il encore après le temps ?), une femme au chapeau vert qui a sans doute une affaire policière à résoudre, un marin mais pas d’eau douce, un homme au foulard vert des plus seyants et qui semble avoir pour initiales E.A.P, et d’autres personnages ou auteurs que je n’ai pas su identifier.

Et que font ces personnages ?
Eh bien, ce sont tous des conteurs hors pair qui vont chacun leur tour raconter une histoire. Chacun apportera sa touche personnelle à cette nuit que personne ne voudrait voir finir. Les Mille et une nuits ou encore le Décaméron ne sont pas loin.
Comme le dit la quatrième de couverture : Qui parodie quoi ou qui ? Au lecteur de jouer le jeu et d’entrer dans ce labyrinthe de pastiches.
J’avoue avoir joué le jeu (je suis une grande joueuse). Regardant à chaque fois quel était le narrateur du récit et essayant de deviner quelle était l’œuvre pastichée. Mais ce livre ne se limite pas à ce jeu car ces pastiches sont extrêmement bien faits. Même si on ne reconnait pas l’œuvre originale, on se laisse bercer par les différentes nouvelles.
Et c’est un véritable patchwork !
Fantastique, policier, burlesque, mais aussi science-fiction, conte philosophique, iliade moderne, satire et récit surréaliste. C’est un véritable florilège ! (Et encore, je ne les cite pas tous car il y a 21 nouvelles dans ce livre, et chacune appartient à un genre différent.)
Ainsi ai-je souri en voyant qu’Achille et Hector se battent pour un vélo, ai-je vraiment frémi en lisant la nouvelle de « l’homme au manteau », et ai-je de nouveau souri quand j’ai lu cette nouvelle où un extra-terrestre essaie de comprendre les mœurs terrestres … En somme des nouvelles toutes différentes qui font passer le lecteur par de nombreux états. 

Voici en quelques phrases, les différents tons qu’on peut trouver dans ce livre :

Immédiatement après, la grêle. Ça commençait à chaque fois par trois coups de tonnerre, puis on entendait dans le ciel une grosse voix criant « Allez » et des panettones de grêle nous tombaient sur la tête. A Biolo, il tomba un grêlon grand comme un moule à parmesan, avec un corbeau, bien conservé, à l’intérieur.Une chaleur africaine nous envahit à nouveau. Les gens dormaient dans les rues, à l’intérieur des frigos, avec une rallonge. Le glacier travaillait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et, à la fin de l’été, il acheta un gratte-ciel à Monte-Carlo.
***
De tous les animaux qui vivent entre les pages des livres, le vers disicus est certainement le plus nuisible. Aucun de ses collègues ne l’égale. Pas même la punaise majophage, qui mange les majuscules, ou le pas-de-mule, petit hyménoptère qui se nourrit de consonnes redoublées, avec une préférence pour les M et les N, et est gourmand de mots comme canonnière ou mammaire.
***
- Mademoiselle Mapple, épargnez-nous votre habituelle ironie.
***
Un frisson me passa dans le dos. (…) Quand l’individu leva la lampe, je vis que c’était une vieille femme. Une vieille femme affreuse, avec des yeux exorbités de crapauds, sur un visage abîmé par ce qui ressemblait à une brûlure. Elle était déformée par l’arthrose et se déplaçait comme si des fils invisibles la tordaient.

Chez Babel, 252p, 7€50

Allie aussi l’a lu et a aimé.