Dans cet ouvrage, la psychothérapeute Sylvie Tenenbaum revient sur l’acte du pardon : faut-il pardonner, voire même faut-il tout pardonner ? Est-ce une démarche nécessaire pour aborder sereinement l’avenir ?
Cet essai se compose de 5 parties. La première concerne plus le pardon en général, notamment comment cet acte est perçu dans les différentes religions. Aussi parle-t-on des demandes de pardon collectif toujours soldées par un échec car bien souvent le pardon total est impossible car il faut que la démarche originelle soit authentique. Ainsi en 2001 quand la France reconnaît la traite négrière comme un crime contre l’humanité, comment le pardon serait-il possible ? Toujours dans ce même chapitre, la psychothérapeute revient sur l’expérience de Milgram, et montre à quel point l’homme a tendance à reporter la faute sur autrui. Comment pardonner à quelqu’un qui n’a même pas conscience de sa faute ?
Ensuite, Sylvie Tenenbaum parle de la thérapie. De nombreux thérapeutes pensent que le pardon est un acte indispensable dans une thérapie. Mais l’auteur trouve au contraire que le patient n’a pas à pardonner à son père de l’avoir violentée quand elle était petite (par exemple). Comment pourrait-on demander à cette dame aujourd’hui mal dans sa peau de pardonner à son père ? Ainsi Tenenbaum préfère que ses patients apprennent à vivre avec, à essayer de comprendre autrui.
La suite est davantage centrée sur les enfants. Être aimé et recevoir l’amour d’un parent est primordial pour le bon développement de l’enfant. C’est un acte irremplaçable que de nombreux cadeaux ne pourraient remplacer. Seul l’amour permettra son épanouissement. Selon l’auteur, les carences affectives développent chez l’enfant un manque d’estime de soi qu’il gardera à l’âge adulte.
S’ensuivent des petites remarques qu’on a plus ou moins entendues lorsqu’on était plus jeune : « C’est le bon dieu qui t’a puni », « Dis pardon à la table si tu t’es cogné dessus », « T’es vilain », « J’ai honte que tu ne saches pas ça ». Ces phrases aussi banales soient-elles marquent l’enfant. Pourquoi dire pardon à un objet ? Pourquoi mes parents ont-ils honte que je ne connaisse pas cette réponse etc.
Ainsi les parents ont-ils d’énormes responsabilités en élevant leur enfant. Mais bien plus ! Les enfants agissent comme un miroir de leurs parents. Aussi bien souvent un enfant deviendra heureux en miroir si ses parents le sont aussi.
D’ailleurs l’enfant n’ira jamais dire qu’un de ses parents lui fait du mal : il lui trouvera toujours des excuses. En revanche, il est possible que lui développe des sentiments de peur, de honte voire de culpabilité.
Et que deviennent ces enfants meurtris dans leur enfance ?
Généralement ils manquent d’autonomie. Par exemple si une personne a manqué de repères affectifs dans son enfance, il essaiera toujours, même à 50 ans de faire plaisir à ses parents. Imaginons que cette personne perde son travail. Il ne dévoilera rien à ses parents de peur de ne pas être conforme à l’image qu’il doit avoir. Cette personne ne veut pas faire de la peine à ses parents, aussi âgé soit-il.
Quels sont les différents types de ces parents nuisibles ? (C’est l’avant-dernière partie de l’ouvrage.)
Plusieurs catégories : un parent qui veut que son enfant soit conforme à son image ou qui rend son enfant adulte bien avant l’âge, qui commet des violences psychologiques comme la dévalorisation, ou encore des violences physiques voire des maltraitances sexuelles.
Mais que faire alors face à ces meurtrissures souvent muettes ?
Sylvie Tenenbaum dit qu’il faut quitter le silence, oser parler de soi, de son histoire. Mettre des mots permet non pas de pardonner mais de se réhabiliter car le passé ne peut jamais cicatriser s’il n’est pas dit.
Voici un œuvre claire et bien construite et largement documentée comme le montre la bibliographie.
Bien-sûr, comme dans tous les essais, l’auteur défend sa thèse bec et ongles, sans vraiment la nuancer, mais c’est vraiment un ouvrage intéressant qui permet de réfléchir sur certaines démarches éducatives. Et je pense que certaines victimes vont être soulagées d’apprendre que pardonner à son bourreau est loin d’être indispensable. Je serais curieuse de lire d’autres livres sur ce même thème car les thérapeutes ne me semblent pas s’accorder sur ce point.
Ed. InterEditions, 194 pages, 18€50
Une interview de l’auteur ici.
C’est un Je remercie Antigone pour ce prêt. Voici son billet « une lecture libératrice et instructive », Sylvie écrit que c’est une lecture salutaire ».