Parlons chiffons, de ces choses inutiles et superficielles qui pullulent dans les magazines, parlons de la Mode. Et qui pourrait mieux en parler qu’un grand couturier ?
Ce couturier est Jean-Louis Beaujour, couturier immensément connu, porté même aux nues par de nombreuses femmes. Souvent on pense à Lagerfeld (pour sa verve et ses gants aussi), mais c’est avant tout un couturier contemporain type.
Dans ce livre, qui est en fait une longue interview fictive découpée en séquences, Beaujour compte dévoiler sa vision de la mode. Et cela ne va guère être tendre.
D’emblée, la presse féminine est critiquée : ainsi il explique, dans cette interview-confession, pourquoi il prend des filles anorexiques pour porter ses créations : Si la fille est plus forte que le vêtement, on ne voit qu’elle. (…) On choisit souvent des mannequins squelettiques, il faut toujours vendre un peu de danse macabre aux gazettes. Les anorexiques sont les gladiateurs de nos jeux du cirque, celles qui vont mourir te saluent.
Le ton est donc donné.
Beaujour n’a pas envie de manier la langue de bois et il compte bien dévoiler les coulisses de la mode, quitte à se mettre à dos toutes les fashionatas, ces femmes à la cervelle de noisette. Pour un homme qui s’est bâti grâce à ses créations, voici qui est peu banal.
Le ton est donc grinçant mais toujours juste, et c’est parfois un rire jaune qui parcourt les lèvres du lecteur, parfois un hochement de tête qui appuie les propos lus.
Cet homme est, comme il se décrit lui-même, un profiteur de la folie du temps : il suffit qu’il lance une mode pour qu’elle soit reprise par des milliers de personnes.
L’ego de ce couturier est donc démesuré. Même celle qui l’a lancé n’est pas épargnée par ses piques. Voici ce qu’il dit d’elle, alors qu’il sait qu’elle ne peut avoir d’enfants :
« Ovipare ne puis, vipérine suis. » Charmant, n’est-ce pas ? Mais en même temps, cela décrit bien cette femme qui pense que les gens autour d’elle ne sont que des jouets ou des marionnettes. Ainsi chaque critique ne peut qu’être approuvée …
Après la femme qui lui a donné sa chance, c’est au tour de ses clientes de passer à la casserole :
Une actrice, c’est d’abord une angoisse.
Ou encore
Une morte au Texas, cela fait dix robes de moins dans l’année.
Quant aux divorcées, elles polluent l’atmosphère :
Vendre quelques robes consolatrices à des divorcées fortement pensionnées est un bénéfice qui ne me satisfait pas vraiment. Comme leur malheur est souvent un déni d’intelligence, ça pollue l’atmosphère. Et moi j’ai envie de les dépolluer.
Puis c’est au tour des autres couturiers d’être passés à la moulinette :
Nello (…) est un laquais en queue de pie. Un rossignol obséquieux qui picore du grain dans la paume de ses patrons. (…) [Il] porte des complets qui trahissent le croupier de casino, avec cette insupportable façon de jeter son bréchet en avant comme un coq asthmatique.
Mais finalement ce n’est pas seulement le monde de la Mode qui est ici critiqué. En filigrane se dresse aussi une satire de la société moderne : On contemple sur un écran les malheurs du monde en se réjouissant secrètement de ne pas les subir.
Ainsi, à travers cette interview fictive du couturier Beaujour, s’étale une belle critique de notre société. Satire qui peut rappeler certains grands moralistes comme La Bruyère ou Saint Simon. Le premier pour le sens de la formule, le second pour son art de croquer des portraits grinçants.
Grâce au dialogue qui parcourt ce livre, cette satire se fait légère car plus animée que de longs paragraphes sentencieux. Elle prend donc un tour moderne pertinent.
Voici un livre sensé qui revisite l’opposition entre l’Être et le Paraître, thème cher aux Moralistes classiques. Lambron a l’art de la formule, il réussit ici en outre à rendre sémillant un thème qui aurait pu paraître désuet. Une réussite.
Ed. Grasset, 162 pages, 11€90
Voilà un texte qui ne doit pas manquer de piquant à en lire les citations que tu nous proposes !
Un livre caustique sur la mode et la société,c’est très tentant!
Des textes comme je les aime ! Je devrais me régaler.
Belle journée,
Clara
Pas trop le temps de lire en ce moment ? Ce n’est pas étonant, mais ça reviendra, d’ici quelques mois.
Portez-vous bien.
Bon, je n’arrive pas à être tentée… ni par le thème, ni par le ton.
l’auteur ne me tente pas et le thème non plus, je ne dois pas être assez fashionista !
Ta critique met l’eau à la bouche : je note
Moi non plus je ne suis pas accrochée, l’impression tout au plus que j’aurais envie de taper sur la tête de cet individu avec ce même livre ^^’
J’ai lu un roman de cet auteur et je n’ai pas été convaincue du tout (je crois que ça s’appelait les Menteurs) . Alors, je passe.
C’est un thème qui m’intéresse, une question que j’essaie de placer un peu partout, avec les jeunes surtout: l’être et le paraître. Aussi, ce livre m’intéresse beaucoup!
Allez, je file sur la site de ma biblio pour voir si j’ai une chance de le trouver!
@ Moka :
Et encore, j’avais corné plein d’autres pages du même acabit !
@ Mango :
Et bien écrit. Que demander de plus ?
@ Clara :
Je l’espère !
@ Alex :
Merci !
Finalement j’arrive tout de même à lire, mais écrire des billets est une autre affaire.
@ Kathel :
Un livre de moins pour ta PAL !
@ Ys :
Justement, elles en prennent pour leur grade, les addictives de la mode !
@ Stéphie :
Si jamais tu veux qu’il fasse un tour chez toi, fais-moi signe.
@ Sabbio :
Mouarf ! C’est vrai qu’il peut être très agaçant !
@ Valérie :
Ah … c’est la première fois que je le lis, je n’ai donc pas de point de comparaison.
@ Marie L :
Il vient de sortir, si jamais tu as du mal à te le procurer, n’hésite pas, il voyagera jusque chez toi !
J’aime beaucoup aussi cette thématique qu’on retrouve souvent en littérature.
Je vais faire le vilain petit canard, mais ce titre ne me tente pas pour le moment…
Tiens ça a l’air caustique à souhait non ?
Comment vas-tu ? Pas trop fatiguée ?
Il est justement sur ma table de chevet ! Ce que tu en dis achève de me convaincre !
Bises de Capp
En tant que fashionista, je m’insurge contre la publication de ce livre. Bon, en vrai, j’aime bien les extraits que tu cites. Et la comparaison avec Saint-Simon ou La Bruyère, ça donne envie!
Je suis tentée… mais est-ce bien raisonnable ?
Ce texte me tente bien car le monde de la mode me hérisse un peu avec le paraître à tout prix, y compris au détriment de la santé des jeunes mannequins.
J’espère simplement que le ton de l’auteur n’est pas trop mégalo…
en fait non le theme ne me tente pas.
L’eau à la bouche aussi: ça a l’air puissamment original… et sans doute pas cousu de fil blanc.
J’aime bien l’idée du « rire jaune » évoquée dans ce billet: quand on voit la couleur du livre, on fait tout de suite le rapprochement…
Tu me donnes envie, je note aussi!!
@ Pimprenelle :
Mais tu as tout à fait le droit, miss ! C’est vrai que c’est un livre qui sort des sentiers battus.
@ Restling :
Caustique, c’est clair ! Et je suis épuisée aussi … mais j’aime garder ces petits instants de lecture. )
@ Capp’ :
Chic, hâte de lire ton avis !
@ Lolli :
Mouarf !
@ Lounima :
Depuis quand doit-on l’être ?
@ Marie :
Oh, je n’ai pas trouvé que l’auteur l’était … son personnage oui, en revanche !
@ Alinea :
Peut-être le prochain, alors !
@ DF :
Original, oui ! C’est ce qui m’a plu !
@ Lancellau :
Il se lit tout seul (ou presque) en plus !
Un milieu que je déteste ! Donc bof, je passe même si j’aime l’humour caustique !
rien que le titre, je suis tentée !
@ Manu :
Mais ce couturier déteste lui aussi cet univers !
@ Theoma :
Alors fonce !
Et bien je ne serai pas allée vers ce texte toute seule mais tu sais attirer l’attention!
ce livre fait partie de ma sélection de la dernière rentrée littéraire, j’avais mis je n’aime pas parler chiffons mais j’aime les beaux textes, ça semble se confirmer par ton billet, donc je le lirai …