Zelda est toute jeune lorsqu’elle rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald qui rêve de devenir écrivain. Ces deux-là se sont trouvés : Zelda qui est la fille d’un juge sudiste s’est très jeune fait remarquer par sa désinvolture, et arrivée à l’âge adulte elle continue ses frasques Je suis la fille du Juge, la petite fille d’un sénateur et d’un
gouverneur : je fume et je bois et je danse et je trafique avec qui je
veux. Je suis une salamandre : je traverse les flammes sans jamais me
brûler…. Quant à Scott, son ambition n’a d’égal que son outrecuidance.
Les débuts du couple sont merveilleux : les livres de Scott marchent bien et tout le monde aime ce couple très charismatique. Et sous le crépitement des flashs des photographes le couple resplendit. Une vie mondaine s’ouvre alors à eux et ils en profitent.
Mais très vite, le caractère fort de ces deux personnes ternira cette belle relation …
Le route ne sera pas un chemin de roses.
A travers cette biographie fictive de Zelda Fitzgerald, le lecteur se trouve plongé au sein d’une vie dissolue et vertigineuse. Cette jeune femme pétillante et impertinente avait toutes les cartes en main pour être heureuse, mais certains choix de vie la laisseront meurtrie à tout jamais …
Grâce à de savants allers-retours (une ligne directrice qui commence en 1918 et qui suit l’axe chronologique et une autre qui début en 1940), Zelda nous fait part de sa vie. La deuxième ligne narratrice permettant à Zelda d’apporter des ajouts ou des compléments aux évènements des années 20.
Cette femme est tout simplement une énigme pour moi. Jeune, elle semblait tellement libre et aventurière que sa déchéance n’en est que plus terrible. Ainsi, à travers le portrait de cette femme, un portrait lucide et distancié fait par Zelda elle-même, le lecteur se rend compte à quel point cette « Belle du Sud » a tout perdu par amour et a en retour « gagné » des dépendances dont elle se serait bien passée.
En outre, même si c’est une biographie fictive, Gilles Leroy a fait un travail de titan en se documentant sur ce couple terrible. Ainsi, même si ce ne sont pas forcément les pensées de Zelda que le lecteur a sous les yeux, les véritables lignes directrices de la vie de ce couple sont bien là.
Et quel destin !
Voici un couple qui s’est brûlé les ailes : virées mondaines, alcool, sexe débridé. Pour l’époque, c’était un couple bien atypique. Ainsi, même si l’histoire se passe entre les années 20 et les années 40, les mœurs de ce couple pourraient faire penser aux années 60.
Cela dit, Zelda n’a tout de même rien de la femme libérée … Son mari est un être imbuvable et égocentrique qui ne pense qu’à sa réussite, et c’est en parasite qu’il se place auprès de Zelda puisqu’il utilise la vie de sa femme comme matière pour ses romans, quand il ne pille pas directement les écrits de sa douce… Ecrire, je savais et j’ai alimenté tous ces chefs d’œuvre, non pas comme muse, non pas comme matière, mais comme nègre involontaire d’un écrivain qui semblait estimer que le contrat de mariage incluait le plagiat de la femme par l’époux.
De quoi meurtrir la pauvre Zelda, éloignée de son Alabama natal.
D’habitude, je ne lis pas les romans qui ont obtenu le prix Goncourt qui a mes yeux relève plutôt de la mascarade … mais le titre et la couverture me plaisaient bien (oui, je suis faible et superficielle quand je choisis un livre). Quand je l’ai commencé, je ne savais même pas de quoi parlait l’intrigue. J’avais bien entendu quelques doutes concernant l’époque, vu la femme sur la couverture …
J’ai donc commencé ma lecture en pensant que j’allais lire un roman, jusqu’à ce que je tombe sur le nom du futur mari de Zelda. Un rapide coup d’œil à la quatrième de couverture me fit alors comprendre que j’étais vraiment en train de lire un roman puisque l’auteur a mêlé « éléments biographiques et imaginaires ». C’est ainsi que je l’ai lu. Comme un roman.
Ne connaissant que peu la vie de ce couple, je n’ai pas fait la différence entre les éléments avérés et les ajouts. Un peu comme Cécile Ladjali pour Ordalie, Gilles Leroy a donc brodé son histoire après s’être documenté sur ce couple.
Il est étonnant de voir qu’en littérature, les auteurs aiment parfois combler les vides et les silences de la vie de personnes réelles. Comme dans Ordalie, Alabama Song raconte une histoire d’amour compliquée, et la vie de ce couple était tellement surprenante que l’auteur avait déjà là une belle matière pour transformer Zelda et Scott en êtres de papier. Il est vrai que le destin de ce couple ressemblait fort à un mélodrame.
Mais donner la voix à cette femme souvent brimée par ce mari qui lui enlevait jusqu’à ses écrits permet aussi de lui faire prendre une sacrée revanche ! Ne croyez pas que je le déteste. Je fais semblant de le haïr. Je l’admire. J’ai lu ses manuscrits, je les ai corrigés. Gatsby le magnifique, c’est moi qui ai trouvé le titre, tandis que Scott s’enlisait dans les hypothèses saugrenues. j’estime mon mari …
Aux auteurs alors de transformer des personnes réelles en êtres de papier ; aux lecteurs de lire ce livre comme un roman.
Pour ma part, j’ai été subjuguée par cette femme qui se révèle tout de même forte. Du moins, c’est ainsi que je l’ai perçu. Malgré les internements et les différentes dépendances, elle est restée fidèle à elle-même et consciente aussi que son amour pour Scott la détruisait. J’ai compris que l’obscénité n’était pas ma tenue ni ma nudité sous la robe, mais ce bonheur qui m’envahissait comme une ivresse, cet air d’extase qu’il ne m’avait jamais connu, je crois, et qui n’a pas pu lui échapper puisque même les marchands du port le voyaient sur moi.
(…)
Je crois bien que je ne me suis jamais sentie aussi minable que dans cette cure d’insuline … on m’a fait bouffer des féculents, on m’a gavée de sucres, par voie orale et sous perfusion … puis les shoots d’insuline me plongeaient dans le coma. Ils l’ont tellement fait que je ne suis pas sûre d’avoir repris conscience dans ces trois mois que durèrent les chocs sucrés, où j’ai pris vingt kilos.
Comme elle écrivait, j’ai vraiment envie de découvrir sa plume. Plume que j’aime déjà tant le portrait fait par Gilles Leroy est envoûtant.
Je ne connaissais que Francis Scott Fitzgerald, j’ai maintenant envie de découvrir Zelda. La part d’ombre.
Ed. Folio (et Mercure de France), 215 pages, 6€10
La revue de presse :
« Ce qui me séduit chez ce couple, c’est la précocité, justement, la vitesse et la consomption. Tout leur arrive très vite et leur est retiré aussi vite. Bonheur, succès, argent. Je ne sais pas ce que c’est, d’avoir été adulé puis de voir le monde s’éloigner, les lecteurs déserter… j’imagine que ça peut flinguer quelqu’un. Et bien sûr, je désirais mettre en scène ce couple pour des raisons qui touchent à ma personne, à mon histoire. J’ai entendu plusieurs fois dans mon existence qu’il était impossible, ou trop douloureux, de partager la vie d’un écrivain. C’est la première fois que je le dis, et sans doute la dernière : il y a dans Alabama Song une demande de pardon adressée à une personne bien précise. »
(Extrait de l’entretien de Gilles Leroy avec Dominique Demangeot, publié dans Diversions, à l’occasion des Mots Doubs, septembre 2008)
Evene : L’écriture de l’auteur s’imprègne de cet esprit malmené, persécuté et
incompris, que l’on dit aliéné… Mais les mots restent profonds et la
force de caractère de Zelda éclatante. Gloire et décadence, amour et
désillusion, clarté et folie. (…) Entre
fiction et réalité, Alabama Song invite le lecteur sur les rives
d’une époque révolue, dans les pas d’une femme bafouée, à l’ombre d’un
grand auteur.
Lou a été gênée par le fait que ce livre appartienne au genre romanesque. Gio dit que c’est un portrait éblouissant qui donne envie d’en savoir plus sur cette femme. Fashion a trouvé que c’était un excellent roman au style flamboyant. Pour Amanda, ce livre fut un bonheur.
Je reste cependant mitigée sur le résultat avec une grande envie de lire cette fois une vrai biographie.
Les grands esprits se rencontrent
Les grands esprits se rencontrent
Zelda a toujours rejeté F. Scott, sauf quand celui ci a connu le succès. Seulement à partir de ce moment, elle a bien voulu l’épouser. Elle était complètement folle, la pauvre, et l’alcool n’arrangeait rien à leurs relations. Ses écrits s’inspirent de son couple chaotique, notamment Gatsby le Magnifique, qui parle de la désillusion de l’amour – thème qu’il connaissait parfaitement.
A l’instar de Zarline, j’ai moi aussi du mal avec ces biographies fictives !
Pour info, contrairement à ce que vous avancez, il ne s’agit pas de « lignes directrices » : TOUT est fictif dans ce roman, chose d’ailleurs précisée par l’auteur il me semble.
Zelda n’a jamais influencé l’écriture de Gatsby en quoi que ce soit (ils n’étaient plus ensemble) bien que le livre fasse constamment référence à elle, c’est Scott qui était en situation de dépendance vis à vis d’elle et non l’inverse, il l’a suivie partout, il s’est occupé d’elle lorsqu’elle est tombée malade (« J’ai abandonné ma capacité d’espérer sur les petites routes qui menaient au sanatorium de Zelda »).
Zelda, quant à elle, l’a trompé à de très nombreuses reprises, notamment avec un pilote pour qui elle a failli quitter Scott. Elle a écrit un roman, qui n’a jamais marché. D’ailleurs, c’est Scott qui lui a reproché d’utiliser des morceaux de leur vie, et non elle. Quant à l’image de la femme privée de liberté, elle était la fille de l’un des nantis de l’Alabama, et a passé sa jeunesse (comme sa vie d’adulte) à voguer d’hommes en hommes. C’est Scott qui est mort de chagrin et d’épuisement, pas elle.
Bref, sans prétention aucune, et bien que je sois conscient que mes petites précisions seront peut-être perçues comme de l’arrogance, cette biographie est une réécriture A L’ENVERS de la vie des Fitzgerald. Je comprends que la plume de Leroy et son portrait insufflent des désirs protecteurs à l’encontre de Zelda, mais il s’agit d’une biographie romancée et donc fictive. Zelda n’était pas la victime, mais le bourreau. Tout est livré ici à l’envers, c’est là d’ailleurs tout l’intérêt du bouquin.
Et encore une fois, j’ai bien noté que vous précisiez l’avoir lu comme un roman. Donc rassurez-vous, je ne vous attaque pas, c’est même l’une des premières critiques où je vois quelqu’un ayant compris qu’il s’agit d’une oeuvre de fiction. C’est juste que Leroy a réécrit la vie des deux personnages en les inversant, et que j’avais à coeur de le préciser.
C’est si rare !
@ Zarline :
Ici, ce n’étaient pas les personnages historiques qui m’ont le plus intéressée, mais bien l’écriture de l’auteur ainsi que la mise en place d’un personnage hautement envoûtant.
@ Lily Rature :
Mais Leroy a bien mis en avant que c’était un roman. En lisant l’histoire de Zelda, je n’ai pas du tout éprouvé de la pitié ou de la sympathie au sens étymologique.
Non. Je crois que c’est plutôt l’écriture de cet auteur qui fait tout. Après, on peut évidemment penser différemment. 
Ah, carrément un arnaqueur !
@ Didi :
)
Hé hé !
@ Schlabaya :
Merci !
@ Mirontaine :
Arff, oui, je l’ai écrit en plusieurs fois (un bébé n’attend pas) et du coup, mon billet est long … cela dit, j’aurais pas mal de choses à écrire sur ce livre.
@ Restling :
Je file me cacher, alors !
@ Bouh :
Arff, c’est vrai que l’auteur a pris le parti de Zelda, et je comprends que cela puisse énerver ceux qui connaissent la vie de ce couple.
Je me renseignerai, à l’occasion.
@ Karine

Voilà, nous l’avons lu sous le même angle.
@ Paul Deschanel :
Oh, un président mort sur mon blog, et qui plus est académicien (si mes souvenirs sont bons …)
Quand je parle de « lignes directrices », il s’agissait des très grandes lignes : la venue au monde de leur fille, l’alcoolisme de Zelda, ses internements, les sorties littéraires etc. Après tout ce qui concerne Gatsby par exemple ne fait pas partie des lignes directrices.
Vos précisions ne sont pas perçues comme de l’arrogance, puisque votre commentaire est bien étayé et apporte même quelques informations que je ne pourrais pas donner, vu que je ne connais pas la vie de ce couple.
Cela dit, est-ce vraiment une biographie à l’envers ? En effet, certains faits sont tout de même avérés, non ?
En résumé j’ai beaucoup aimé et Zelda et la musicalité de l’écriture de Gilles Leroy !
Cependant, l’histoire m’a laissée de glace et je ne me l’explique pas vraiment… peut-être une histoire de moment…
Passionnant en tout cas et cette fois ci j’ai plus envie de lire Zelda que Francis !
Elle intrigue toujours autant cette Zelda F. Une insupportable ensorceleuse la « Zelda de Scott »
Oui, tu as tout à fait raison !
Il y a même une chanson d’Yves Simon des années par là, la concernant, de manière indirecte – « Zelda »
« Tous les mots étouffés par les baillons
Sont dans les rêves des femmes et les prisons
Plus jamais, elles ne quitteront les villes
Comme Zelda, pour entrer dans un asile »