Judy Bishop est chroniqueuse dans un magazine féminin. Dans ses
articles, elle colle à l’image qu’on se fait d’une journaliste hype :
belle, à la pointe de la mode, des amis à foison, un humour décalé,
toujours de bonne humeur, la petite pointe stylistique qui fera mouche
…
En réalité Judy B. n’est rien de tout ça.
Elle vit seule dans
son appartement, s’enfile des tonnes de nourriture, n’a aucun ami et sa
seule rencontre dans la semaine est son professeur de chant. En fait,
elle a sombré dans la dépression depuis que son amie est morte dans un
accident de voiture. Mais ça, personne ne le sait. Même sa famille ne
connaît pas ses conditions de vie. Pour ses parents, elle est une jeune
femme qui a réussi à percer, même si bien-sûr la préférée reste la
petite sœur de Judy : belle, mince, sympathique, avec une myriade
d’amis.
Ce livre commence par une chronique de Judy Bishop. Un
article qui fait de suite penser à ceux que peut écrire une Carrie
Bradshaw. Le ton est léger et légèrement piquant, le sujet est lui aussi
futile …
Mais dès la chronique finie, cet univers de paillettes,
de gloss et de jean slim s’évanouit. Derrière la plume, c’est une autre
jeune femme qui apparaît. La première description est sans appel : Pour un gros, tout prend dix ans de plus
(…) C’est dur, mais on s’y fait.
Ainsi la
vraie Judy est l’opposé de ce personnage crée pour ce magazine.
Le
ton mordant de la chroniqueuse reste tout de même présent, et cette
jeune femme souhaite avant tout changer car même pour elle la situation
n’a que trop duré.
Je n’ai aucune excuse
pour être comme je suis. Mais je sais au moins une chose : il faut que
ça change, et vite. Je m’encroûte. Chaque semaine qui passe, une
nouvelle porte se ferme devant moi.
Ainsi elle
souhaite que trois choses changent : ne plus être vierge car cette
situation lui pèse à 23 ans, triompher sur scène (le chant est pour elle
un exutoire), et laisser tomber sa chronique.
Le roman suivra alors
Judy en quête de bonnes résolutions. Chaque chapitre est ponctué par
une chronique de Judy B., chronique qui rappelle combien cette jeune
femme s’est créée un double envahissant. Un parasite qui ne fait
qu’enfoncer la jeune femme qu’elle est vraiment car l’abîme entre ces
deux personnes est immense.
J’ai débuté
la matinée en larmes, comme toujours le lundi. Une gueule de bois
post-traumatique d’avoir vu la chronique de Judy B. imprimée noir sur
blanc.
Judy se décrit de façon tellement
mordante, son auto-dérision est tellement réussie que le lecteur rit au
départ de ce personnage complètement perdu.
Puis, au fil du roman, il
voit cette jeune femme aller de mal en pis et on se demande où cela se
terminera. Le sourire fait alors place à l’inquiétude.
L’histoire qui au
départ pouvait faire penser à un roman léger devient finalement un portrait assez sombre de l’entrée dans l’âge adulte. Les fans de Juby B. sont loin de penser que leur chroniqueuse préférée vit recluse. L’opposition entre l’être et le paraître est ici au summum.
Et une question taraude le lecteur : pourquoi ? Pourquoi s’infliger une telle souffrance ?
Un style mordant, des situations complètement improbables (Judy s’impose des situations éprouvantes : en fait, elle ne sait pas très bien elle-même pourquoi elle agit ainsi.) et un personnage qui devient attachant.
Si au milieu du roman une certaine lassitude m’a envahie (la vie quotidienne de Judy devient un vrai capharnaüm … et à la longue on a l’impression que cela ne finira jamais.), le virage adopté pour conclure cette histoire est terriblement prenant.
Un roman réaliste qui remet au goût du jour le thème de l’être et du paraître.
En somme, il ne faut pas se fier à la couverture rose girly. Derrière ce rose se cache un personnage complètement déjanté mais aussi terriblement humain. Le tout est bien mené, même si des longueurs existent.
Ed. Naïve, 430 pages, 23 €
La sardine compare le personnage de Judy B. à une Bridget Jones plus trash que l’originale.