Petite Abeille est le surnom que s’est donné une jeune nigériane alors qu’elle fuyait son pays. Au début du roman, cela fait deux ans qu’elle se trouve dans un centre pour réfugiés en Angleterre.
Deux ans qui n’ont rien eu d’une sinécure.
Un matin, elle quitte le centre avec quelques autres femmes. Juste avant de partir, elle a appelé la seule personne qu’elle connaissait : un jeune homme rencontré sur une plage du Nigéria, alors qu’elle tentait d’échapper à un groupe d’hommes.
L’appel est des plus énigmatiques car ce jeune homme semble effrayé d’entendre la voix de Petite Abeille.
Que s’est-il passé sur cette plage ? Pourquoi cette rencontre a-t-elle scellé à jamais le destin de ces deux personnes et de leurs familles ?
Au fil des pages, grâce à un entrelacement des narrateurs réussi, ce secret sera dévoilé. Secret qui entraînera de nombreux rebondissements …
Dès les premières pages, l’humour et la verve de Petite Abeille m’a emportée ! Cette jeune nigériane qui a appris l’anglais grâce à deux ans de rétention dans un centre pour réfugiés commence son histoire en disant qu’elle aimerait mieux être une pièce d’une livre britannique qu’une fille d’Afrique.
La description qui suit permet alors de faire la connaissance de cette jeune fille pétillante malgré les affres qu’elle a subies avant de quitter son pays.
Ainsi, voici comment elle explique comment elle a appris l’anglais :
Si je suis en vie, c’est uniquement parce que j’ai appris l’anglais de la Reine. Vous pensez peut-être que ce n’est pas bien compliqué. Après tout, l’anglais est la langue officielle de mon pays, le Nigéria. D’accord, mais le problème est que chez nous ; là-bas, nous le parlons bien mieux que vous. Pour parler l’anglais de la Reine, il a fallu que j’oublie les meilleurs trucs de ma langue maternelle. Par exemple, jamais la Reine ne dirait : Tu parles d’un sacré wahala, cette fille, elle a joué du popotin pour enjôler mon fils numéro un, et tout le monde aurait pu se douter qu’elle finirait dans un mauvais buisson.
Voici ce que la Reine doit dire à la place : Mon ex-bru a usé de ses charmes féminins pour se fiancer avec mon héritier, or n’importe qui aurait pu prévoir que cette faire connaîtrait une malheureuse issue. C’est un peu triste, vous ne trouvez pas ? Apprendre l’anglais de la Reine, c’est comme de retirer le vernis rouge vif de vos ongles de pied, le lendemain d’un bal.
Mais sous cet humour se cache un lourd passé. Et si Petite Abeille semble résolument tournée vers l’avenir avec l’envie d’être heureuse, ce qu’elle a vécu chez elle est au-delà du dicible …
Enfin, pour le moment, le lecteur se demande surtout pourquoi l’homme qu’elle a appelé est dans tous ses états. Pourquoi donc ne souhaite-t-il pas la revoir ? Pourquoi sa voix tremble-t-elle au téléphone ? Pourquoi lorsqu’elle arrive chez lui, est-ce sa femme en deuil qui ouvre la porte à notre petite nigériane ?
Le narrateur alterne à chaque chapitre : la voix de Petite Abeille laisse la place à celle de Sarah, la femme que Petite Abeille a rencontrée dans son pays. Et cette alternance permet à la fois de retarder les différentes révélations, mais aussi de comprendre la détresse de ces deux femmes qui viennent de subir l’une comme l’autre de terribles pertes. Comme le lecteur a le point de vue des deux femmes, il ne peut s’identifier à l’une ou à l’autre, et il ne peut s’empêcher non plus de vouloir connaître le fin mot de l’histoire.
Que s’est-il passé sur cette plage ?!
Puis, une fois la révélation passée, voici qu’une autre surgit, relançant alors l’intrigue !
C’est aussi un livre qui montre le fossé qui existe entre la vie dans un pays européen et celle dans un pays en guerre :
Dans votre pays, si vous trouvez que vous n’avez pas déjà assez peur, vous n’avez qu’à aller voir un film d’horreur. Et puis vous sortez du cinéma en pleine nuit, et un moment l’horreur rôde partout. Il y a peut-être des assassin qui vous attendent chez vous. C’est ce que vous pensez en voyant de la lumière dans votre maison alors que vous êtes sûrs d’avoir tout éteint en partant.(…) Dans votre pays, l’horreur est une chose dont vous prenez une dose pour vous rappeler que vous n’en souffrez pas.
Pour moi, et pour les filles de mon village, l’horreur est une maladie dont nous sommes toutes atteintes. Ce n’est pas une maladie dont on guérit en se levant et en laissant se rabattre le grand siège rouge du cinéma. Ce serait un bon truc. Si je pouvais faire ça, croyez-moi, je serais dans le hall du cinéma …
Vous l’aurez compris, ce livre, très bien écrit, mêle intelligemment la grande histoire avec la petite, celle des gens comme vous et moi ; le tout mené comme un roman à tiroirs où les révélations pleuvent.
En somme, c’est un roman qui m’a énormément touchée, émue, et en même temps il m’a tenue en haleine sur près de 400 pages.
Et si le sujet peut vous sembler triste (ce que je redoutais en commençant ce roman), l’intrigue menée tambour battant permet au roman de ne pas se focaliser exclusivement sur les violences qui ont cours dans certaines parties de l’Afrique. En outre, ce roman permet aussi de brosser deux très beaux portraits féminins !
En somme, voici un roman tout autant instructif que palpitant.
Une réussite !
Ed. Nil, 345 pages, 20 €
« Puissant… bouleversant, passionnant et profondément émouvant… un roman magnifique.»
The Independant
« De loin, et sans hésitation, le meilleur livre de 2009. »
Metro
Ohlala, tentatrice du mardi , va!
Que des thèmes qui me plaisent! Ce livre est pour moi …je sais que je vais chavirer d’émotions !
Je le note en rouge!!!!
Oh c’est rigolo, c’est aussi ton choix Babelio ! Je suis en train de le lire, je reviendrai donc dans un jour ou deux quand j’aurai écrit mon billet
Après avoir vu un avis mitigé, ton billet attire mon attention sur ce livre… j’hésite,j’hésite !
Intéressant et formidablement bien chroniqué !
Comment passer à côté de ce livre après un tel billet! Spontanément il ne m’attire pas mais vu ce que tu en dis, je deviens curieuse de le lire
Tentant !
Le sujet me parle et en plus le livre ne semble avoir que des qualités
Je l’avais aussi coché chez Babelio mais j’ai reçu un autre livre finalement (très bien aussi, donc pas de regret). Ce livre me tente quand même et après ton billet, il rejoindra sûrement ma PAL très prochainement.
ça a l’air bien . Je le note
Eh bien, quelle verve pour défendre ce livre ! On te sent accrochée ! C’est vrai que j’ai tendance à éviter les livres qui parlent de choses trop lourdes à porter, mais si je croise celui-là sur les étagères d’une bibliothèque, je crois que je lui proposerai de venir faire un tour à la maison …
Je suis curieux de le lire !
Je le veux !!
Tout pareil que Mango. Un roman, qui à la base ne me tente mais que tu vends très bien !!!!
Mon billet est en ligne. Quel superbe livre !
Je l’ai tellement aimé que je ne savais pas comment faire passer mon avis élogieux. Bon, on dirait que le message est passé !
Ahhh …. tu en parles trop bien … ça donne envie de le lire aussi
Si, comme toi, j’ai adoré le tout début du roman, je n’ai pas été touchée par le reste. Cette femme qui perd son mari mais se perd aussi dans les bras de son amant m’a paru froide. Bref, une déception pour moi.
je l’ai lu l’année dernière en V.O « Little Bee ». Même si la fin m’a semblé un peu « baclée », je l’ai adoré. EN plus c’était une lecture intéressante en V.O car les pages narrées par Little Bee diffèrent vraiment de celles de l’autre narratrice. Est-ce aussi le cas dans la traduction?
Je l’ai déjà noté chez Stéphie et les extraits que tu cites ne font que confirmer mon envie de découvrir ce livre!
Intéressant, je note….
Bien reçu hier, merci pour le prêt.
A qui dois-je le faire passer une fois lu ?
Bon week-end.
Biz
si tu le fais voyager je suis intéressée
J’ai aimé, beaucoup. Et j’en parle ici: http://essaipat.wordpress.com/2011/03/19/et-les-hommes-sont-venus-de-chris-cleave-aux-ed-nil/