Commentaires sur La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq

Des artistes repliés sur eux-mêmes mais visionnaires, une sublime jeune femme russe, un écrivain qui se réinvente, un père qui passera bientôt de l’autre côté de la rive, un crime atroce à résoudre, mais aussi une soirée où l’on croisera un Pierre Pernaut avant-gardistes et surdoué …
Le dernier roman de Houellebecq fourmille de milliers de chemins, et pourtant seul Jed accèdera au rang de route nationale dans La Carte et le Territoire. A lui la voie principale, aux autres de se partager les petits chemins campagnards.

Jed est un artiste surdoué, mais un brin misanthrope. La vie solitaire lui plaît et il aime vivre reclus. Seule Olga parviendra à le sortir quelques temps de sa tour d’ivoire.
Car Jed est avant tout un artiste.
C’est aussi un homme marqué par le suicide de sa mère. Même s’il ne le dit pas, cette absence est pesante, et il aimerait bien que son père lui parle de cette mère qu’il n’a que peu connue.
Malgré son caractère qui donnerait presque envie de fuir ce personnage, les turpitudes de Jed émeuvent, et son talent de créateur rend le lecteur curieux.

En fait, Jed est avant tout un double de l’auteur lui-même.
D’ailleurs, celui-ci se met aussi en scène dans ce roman. D’une drôle de façon puisque dans cette histoire, Houellebecq s’est amusé à peindre un personnage sous les traits que la vox populi a de lui. Il a servi sur un plateau un personnage que tout le monde semble connaître via la presse. Il a même poussé le jeu en mettant en scène son propre meurtre, et même son enterrement …
Certains y verront peut-être une mise à mort virtuelle qui permettra à l’auteur de renaître de ses cendres, d’autres y verront un adieu de l’auteur tel qu’on le connaît, un adieu au monde de l’écriture.
Pour ma part, j’y vois surtout une boutade de la part de l’auteur.
Une boutade comme seul peut le faire un homme qui écrit que la France deviendra le pays du tourisme sexuel, ou encore qui dépeint Pernot en visionnaire gay.

Second degré, ironie, le livre aborde aussi des points plus profonds comme la relation entre un père et son fils, deux hommes bien plus semblables qui veulent bien se l’avouer.
De ce livre se dégage aussi une certaine vision des artistes. Ils seraient des êtres qui pour échapper à la réalité s’inventent un nouveau monde puisque Le monde est médiocre.

L’écriture de Houellebecq est surprenante, elle n’hésite pas à user et abuser de digressions : le narrateur nous embarque sur de petits chemins de campagne, des chemins secondaires mais qui font toute la beauté du paysage. Souvent la plume s’attarde ainsi sur des points de détail, comme le ferait une caméra. De cette écriture foisonnante s’échappe un monde impressionniste dont on perçoit tout de même l’ensemble en prenant de la hauteur.

Un roman pince sans rire, une mise en abyme étonnante et attachante : on referme ce livre avec une drôle d’impression, celle de s’être fait balader sur de nombreux territoires éparpillés. Et cette impression a besoin d’une décantation : ce Jed est un double de l’auteur sans l’être, le Houellebecq de l’histoire n’est pas non plus le vrai Houellebecq. Finalement ici l’auteur a bien joué avec son lecteur et il nous livre ici une réalité vue à travers un kaléidoscope. Tantôt surréaliste, tantôt vraie. 

Broché: 428 pages
Editeur : Flammarion (3 septembre 2010)
Collection : LITTERATURE FRA
Langue : Français
ISBN-10: 2081246333
ISBN-13: 978-2081246331
21 €

Lecture faite dans le cadre du match qui opposera Despentes à Houellebecq chez Price Minister.

George aussi l’a lu dans le même cadre que moi.

29 comments

  1. Ellcrys says:

    Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais Michel Houellebecq ne me tente vraiment pas. Pourtant, il parait que ce livre-ci est son meilleur… Mais non, décidément, il y a bien d’autres ouvrages qui me tentent. Je passe mon tour (à moins que tu arrives à me convaincre).

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  2. Violette says:

    Houellebecq et moi… J’ai lu un seul de ses livres et j’ai été écoeurée. Je crois que je ne tenterai plus jamais.

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  3. George says:

    c’est vrai que l’impression finale c’est de s’être fait balader comme des débutantes !!! ton avis rejoint bien le mien !

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  4. Leiloona says:

    Les filles, tout comme vous, j’avais du mal avec cet auteur, mais je me suis laissé tenter, et finalement, j’ai aimé … de manière étonnante, d’ailleurs !

    Stéphie :
    Je crois que l’échéance approche.

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  5. Sabbio says:

    Intéressant ton billet, tu en parles d’une belle manière… mais pourtant comme les premières commentatrices j’ai développé une allergie à Houellebecq :/

    Sinon c’est quoi ce « match » dont tu parles?

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  6. Violette says:

    Leil, tu es convaincante… et je suis têtue quand il s’agit de Houellebecq !
    mais bon, il n’y a que les imbéciles qui…

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  7. gambadou says:

    moi aussi je suis en train de le lire dans ce cadre, alors j’ai juste survolé ton article, je reviendrai quand j’aurais terminé !

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  8. Didi says:

    Je retente un commentaire …. ça ne passait pas tout à l’heure … grève d’internet peut être …

    Excellent billet Leiloona où enfin un lecteur (toi) s’attache au fond de ce livre (à sa substantifique moelle en qq sorte ) et non pas à ce qui peut l’entourer, sa vie médiatique du livre et de l’auteur (je sais pas si je suis claire…)
    Bref, je comprends enfin, grâce à toi, de quoi parle ce livre et c’est déjà beaucoup ! Tu en as tracé la carte !
    A lire, alors merci !

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  9. Nina says:

    J’aime bien ton article, il fait bien le tour de ce roman vaste et complexe et excellent !! Moi aussi j’ai beaucoup aimé ce roman et j’ai participé aussi à ce matche entre Despentes et Houllebecq, c’est mon premier livre de cet auteur j’avais des préjugés ridicules car c’est un excellent écrivain.

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  10. Leiloona says:

    Je ne connaissais pas cette polémique, Capp’ !
    Merci, c’est super intéressant ! Ça me donne envie d’écrire un billet là-dessus ! Pas si catégorique que toi, pour le coup.

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  11. Leiloona says:

    @ Didi :
    Merci pour ce commentaire.
    En lisant ce livre, j’ai laissé de côté mes préjugés, et finalement, contre toute attente, j’ai aimé !

    @ Nina :
    Tout comme toi.

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  12. Dolly says:

    je suis en train de finir de le lire, dans le même cadre que toi et je dois dire que j’aime beaucoup. quant à la pseudo-polémique, elle me pase bien au-dessus…

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  13. Lolli says:

    J’avais bien aimé les premiers Houellebecq, et j’ai cessé de le lire lorsqu’il est devenu un phénomène médiatique plus que littéraire. Je trouve que ses romans, si on les prend comme tels, montrent des choses intéressantes sur le monde d’aujourd’hui. Et j’aime bien son écriture. Ce dernier roman va peut-être me faire revenir à lui, tiens! Merci pour ton billet, qui a le mérite de parler uniquement du livre, et c’est très rare en ce qui concerne Houellebecq!

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  14. Géraldine says:

    Ma dernière lecture de Houellebecq, il y a quelques années, m’avait traumatisée. Au fil des billets traitant de ce livre ci, j’ai l’impression que l’auteur a changé… Alors peut-être, plus tard, après le batage médiatique.

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  15. L'Ogresse says:

    Pas du tout fan de ce monsieur mais ce que tu nous en dis n’a pas l’air si mal. J’attendrai quelques annees je crois avant de me lancer, bien apres le battage mediatique et les prix litteraires…

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  16. La plume... says:

    Je suis toujours aussi tentée par ce livre malgré les avis partagés et je vais essayer d’oublier la polémique « Wikipedia ».

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  17. bruno chauvierre says:

    Oui, comme vous le dîtes, la mise en abyme est épatante.La mise en abyme est au cube: Jed dessine Houellebecq écrivant. Dans ce livre Houellebecque personnage se meut dans le monde de MH écrivain. Est-ce le même que le nôtre ? Devons-nous nous inventer pour exister ?

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  18. Nico says:

    Je me suis ennuyé au cours de ce roman: on y trouve pas mal de longueurs, un style assez fade, une intrigue bancale… Je n’ai pas non plus compris l’intérêt d’avoir mis en scène des people. Bref, hormis quelques points positifs (l’ascension de Jed, ses rapports avec son père), ce roman est une déception.

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