Il me tardait de recevoir ce livre de la chaîne : lire l’histoire d’Ulysse à travers les yeux de son épouse Pénélope m’intriguait. J’avais lu sur les blogs des différents enchaînés que l’écriture était on ne peut plus moderne, ce qui m’intriguait encore plus.
Les lettres classiques, c’est un peu mon rayon, et toucher ainsi à Pénélope, à une figure tout de même emblématique, peut être très risqué et faire valser mon petit coeur tout mou …
C’est une Pénélope morte qui nous parle, une Pénélope omnisciente donc, et elle aimerait bien que son histoire soit enfin écoutée car elle souhaite rétablir les faits.
Elle commence donc par son enfance, puis son mariage. D’emblée elle se positionne par rapport à Hélène. Ah, la belle Hélène, qui fait tourner les coeurs des hommes, a fait du tort à Pénélope qui n’avait pour elle que son intelligence. Ainsi, lorsque les prétendants au mariage ont commencé à affluer, il s’agissait avant tout pour eux d’un lot de consolation : n’ayant pu avoir Hélène, voici qu’ils se rabattaient sur Pénélope. Et ce fut aussi le cas d’Ulysse.
Bon, finalement, comme tout le monde le sait, Pénélope se marie avec Ulysse et elle part de son pays pour rejoindre celui de son mari. Ils filent là des jours heureux (ils manient tous deux très bien l’art du langage) jusqu’à ce que son héros parte à la guerre …
Commence alors pour la jeune femme une longue attente …
A travers le récit de Pénélope, le lecteur apprend une autre version de l’histoire : comment Pénélope a-t-elle vécu l’absence de son mari ? Comment la fidèle nourrice l’a-t-elle aidée à élever Télémaque ? Comment de son côté, en grandissant, a-t-il réellement vécu la présence des prétendants ?
Les différents chapitres sont ponctués par l’intervention du choeur des servantes, un peu à la manière du choeur antique présent dans les tragédies grecques. Ces servantes parlent, en mélangeant les genres, de leur condition de vie, ou encore d’Ulysse, mais elles n’ont aucune fonction dramatique dans ce livre.
Le récit de Pénélope apporte quant à lui un nouvel éclairage au récit antique, mais j’ai trouvé que l’auteur, prise dans les filets du mythe (il ne fallait pas non plus qu’elle transgresse la légende), n’avait que peu de latitude finalement … Par exemple la Pénélope d’Atwood n’a pas été si sage que ça, mais rien n’est finalement explicitement dit. Aussi sous nos yeux se dessine le portrait d’une femme qui possède une intelligence certaine (ainsi elle a reconnu son mari quand il est revenu à Ithaque, contrairement à ce que Homère a écrit), mais elle ne se démarque que peu de la Pénélope que nous connaissons.
Les différentes péripéties qui ponctuent l’odyssée sont vues à travers des yeux plus réalistes, aussi le lecteur apprendra-t-il qu’il y avait en fait deux versions au voyage d’Ulysse : celle où se mêlent des éléments merveilleux comme la nymphe Calypso, et celle plus proche de la réalité qui parle de prostituées. Il en va de même pour le cyclope qui devient tout à coup un aubergiste … Bien moins glorieux pour Ulysse, mais savoureux pour le lecteur.
En somme, j’ai aimé l’humour cynique de Pénélope ainsi que sa clairvoyance. Margaret Atwood donne ici une autre image de la sage et fidèle Pénélope tout en restant assez proche de le légende, même si l’auteur féministe apporte un nouvel éclairage de la pendaison des 12 servantes.
L’Odyssée de Pénélope
Margaret Atwood
traduite de l’anglais par Lori Saint-Martin & Paul Gagné
Flammarion, 2005
ISBN : 2-08-068594-5
159 pages
14 €
The Penelopiad, parution au Canada : 2005
Chez Ys, on peut voir les liens des différents enchaînés
17/25.