Elle était tombée en désamour au mois de juillet : la danse du temps avait fait son oeuvre, craquelant de ses talons aiguilles le vernis du désir. Elle avait pourtant pris soin de calmer ses démons, mais la déliquescence était arrivée, et ses grands pieds avaient tout piétiné.
Lasse, encore une fois, Adeline s’échappait avant que n’arrive le sombre déclin.
Que pouvait-elle y faire ? Devait-elle être plus diplomatique et accepter cette vie triste et soumise ? Le désespoir devait-il faire partie de son quotidien ? Devait-elle courber l’échine et se terrer ?
Non, l’amour s’était envolé, et elle devait elle aussi s’en aller.
Le fuir avant de tout détruire.
Garder en tête ce qui autrefois avait été divin, et éviter de dévorer les dernières miettes de l’amour.
Elle le voyait déjà battre des bras, moulinant l’air, espérant la rattraper, elle, alors que ses pieds la conduisaient déjà vers un ailleurs dont il serait absent.
Oui, elle imaginait déjà sa diatribe sur le temps qui passe et qui envoie tout valser. Pour la garder il irait même jusqu’à sortir son plus bel atout : le diamant de sa grand-mère, comme si une bague au doigt pouvait la retenir.
Il n’y avait que les pigeons pour revenir.
Alors, elle décida qu’elle devait partir sans faire de bruit. Le silence avait toujours été son meilleur ami.
Mais pour sa dernière pirouette dans cet appartement, elle lui ferait son petit plat préféré, un boeuf en daube dont elle avait le secret ; elle mettrait la table, un seul couvert, ouvrirait une bonne bouteille de vin qui aurait le temps de décanter.
Pour achever ce rite d’adieu, elle ferait, comme un druide, une incantation à cet amour perdu, puis elle chausserait ses ballerines, s’éclipsant sur la pointe des pieds.
Là, sur les dalles froides, ses pas commenceraient une petite sarabande, et se termineraient par une danse macabre. Il fallait bien enterrer cet amour avant de saluer une nouvelle vie.
©Leiloona, le 27 juillet 2011
Il s’agissait pour les Plumes de l’été, un atelier d’écriture qui a vu le jour chez Asphodèle, d’écrire un texte avec des mots en D, mais pas n’importe lesquels. Les voici :
DALLE – DIVIN – DÉCLIN – DIAMANT – DÉSIR – DÉLIQUESCENCE – DANSE – DÉMON – DÉSAMOUR – DÉSESPOIR – DAUBE – DEVORER – DIPLOMATIQUE – DRUIDE et DIATRIBE
J’avoue avoir eu du mal à caser « druide ». Quant au mot « danse », il est finalement devenu un leitmotiv ! 😉
J’ai hâte de lire les textes des autres !
j’ai eu peur qu’elle l’ait envoyé ad patres… texte joliment tourné comme une danse des 7 voiles….
belle manière de mettre la danse des mots en scène !
Tes mots ont une musique particulière que j’aime beaucoup ! Danse triste mais c’est tellement vrai… Bravo, exercice réussi !
très beau texte ! j’aime beaucoup « Il n’y avait que les pigeons pour revenir. » ! beaucoup de sensibilité dans ces lignes ce qui ne m’étonne pas de toi ! vivement la semaine prochaine
Quelle belle musicalité dans tes phrases ! ça ne m’étonne pas que danse soit devenu un leitmotiv ! On s’y croirait ! J’ai cru aussi qu’elle allait s’en débarasser…plus violemment ! Cruel, le repas à un couvert…Vivement les prochaines lettres pour te lire.
Au fil des balades de blogs en blogs , je découvre des merveilles avec ce » D «
Merci pour ce texte , danse macabre pour se dire « adieu » ….
Je vous remercie pour tous vos commentaires. Lire qu’une certaine musicalité s’échappe de mes phrases est à mes yeux l’un des plus beaux compliments qu’on puisse me faire.
Effectivement, cette Adeline est une sans-coeur, du moins ses sentiments se sont taris, et elle agit froidement.
Remarquez, elle aurait très bien pu claquer la porte sans rien dire.
Marrant aussi que certains aient cru qu’elle allait être plus expéditive ! Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai qu’on pouvait aussi le croire, vu ses gestes de serial-killeuse.
J’aurais même pu ajouter une description d’Adeline en train de dépiauter la viande de boeuf.
Merci encore.
J’aime aussi beaucoup ce texte (comme celui d’Amélie) effectivement c’est une danse que l’on suit, une danse orchestré par une demoiselle qui fuit de façon libre et »légère » la réalité du désamour! Drôle de cérémonie la daube de la rupture, j’ai trouvé ça très original! Bravo!
Je suis contente de lire ton joli texte !
Elle agit froidement ? On peut la comprendre, du moins, moi je la comprends, quand l’amour est mort, il n’y a plus de retour possible…
Une fin ambiguë à souhait… C’est amusant de voir comment quelques mots donnent toute sa tonalité au récit!
très joli texte ! bravo !
Ah oui! j’aime aussi beaucoup
Je relève la musicalité de tes mots qui se suivent de manière fluide et « dansante »
Le sujet du désamour est empreint de nostalgie et de fermeté à la fois…
Oui, elle est déterminée mais en même temps elle ne renie pas le temps passé avec lui … d’où cette cérémonie de rupture.
Merci encore de vos passages et commentaires !
J’ai beaucoup aimé : notamment deux images :celle des talons aiguillies au début , qui fait miroir avec les ballerines de la fin et où ton personnage part legère,libérée . On la voit danser effectivement vers un nouveau départ.
J’ai eu peur qu’elle l’empoisonne ! Je ne la trouve pas sans-coeur ! Elle se protège.
Beau texte !
@ Valentyne :
Oui, plus simple hein de danser avec des ballerines que des talons !
@ Syl. :
Hé hé, j’aurais dû semer le doute encore plus alors ! Zut !
Superbe !
C’est simple : j’ad-o-re !!!
Très beau texte! Comme on dit certains avant moi c’est plein de musicalité ^^
J’aime énormément les textes courts et tranchants comme des dagues. La force de ton histoire m’a saisie à la gorge.
C’est un très joli texte, effectivement, chapeau pour avoir casé le « druide » là-dedans …
Bises !
Quel texte ! J’avoue avoir eu un peu peur aussi… elle est froide effectivement ! Beau texte en tout cas, je suis bien heureuse de découvrir ton blog, même s’il m’a fallu du temps pour te trouver (le lien sur le blog d’Asphodèle ne marchait pas…).