Commentaires sur Brasiers – Derek Nikitas

De ce roman je ne savais rien. Un rapide coup d’oeil à la quatrième de couverture attisa ma curiosité (je suis une femme, que voulez-vous).
Oates y louait son écriture, un journaliste de « l’Express » parlait d’entrée en littérature par la grande porte, une autre de Télématin disait que même si nous n’aimions pas les polars, nous aimerions cette intrigue, Ken Bruen ajoute même que l’auteur lui doit une nuit blanche. 
Soit.
Alors quand en plus l’auteur enseigne l’écriture créative à Richmond, on se dit qu’on va passer un sacré bon moment. Si tant est qu’un thriller peut faire passer un « bon » moment.

Me voici lancée.
Dès les premières pages, j’ai conscience que j’aurais du mal à le lâcher. Malgré l’heure, malgré les copies là qui s’amoncellent sur mon bureau (ne pas les voir, ne pas les voir), malgré la fatigue accumulée de la semaine.
Je lis.

Le début n’est guère réjouissant. Une ado mal dans sa peau va avec son père au centre commercial. Là-bas, elle y vole un CD. Pour sa copine, ou peut-être pour l’adrénaline. En tout cas, la voici qui court vers la sortie. Vite, un crochet vers le café pour rejoindre son père. Un rapide coup d’oeil derrière elle. Non, personne ne la suit. Vite, s’engouffrer dans la voiture. Partir de ce parking glauque. Vite, que son père démarre. 
Mais on frappe à la vitre de la voiture. Un flic ? Est-il venu pour elle ? Et puis, là, tout bascule. Le « quoi de neuf docteur ?  » très cartoonesque est accompagné d’un pistolet. Mais il n’est pas en plastique. 
La suite, vous vous en doutez, un tir, un mort. La vie de Lou bascule.

Et la chute sera longue et douloureuse.

Lou entraîne avec elle le lecteur dans son plongeon. D’ado bougonne la voici plongée dans la réalité la plus crue, où plus rien n’a de valeur, où la vie peut se finir aussi rapidement qu’un battement de cil. Tourbillon, descente aux Enfers : où cela s’arrêtera-t-il ?
Ce ne sera pas avec Tanya, enceinte jusqu’aux yeux qui ne se rend pas compte que son homme ne vaut pas un kopek. Cet homme qui veut entrer dans ce gang à tout prix. Mais après tout, une fois dans le gang, ils ne seront plus jamais seuls. Alors s’il faut se sacrifier, voire même contenter les bas-ventres des copains de son homme, ce n’est pas grave, hein. Ils les protégeront bien, pas comme son ex copain toxico jusqu’à la moelle.
Ce ne sera pas non plus Greta qui redorera cet univers, puisqu’elle est chargée de l’enquête, et en voit des vertes et des pas mûres toute la journée.
Univers pesant, donc. On ne sait sur quelle route nous voici embarqués, si ce n’est qu’elle est très chaotique. Et la révélation n’apaisera pas vraiment ces affres abyssales.

La gangrène se poursuit inéluctablement, les femmes sont souvent perdues ou naïves, rêvant d’un ailleurs inaccessible, quant aux hommes ils ne sont que des brutes épaisses sans aucune once d’humanité. 
Et puis, au milieu de tout ce bazar, il y a cet enfant à naître : quel avenir pour lui dans ce monde sans queue ni tête ?
Violences psychologiques et physiques, certaines d’une cruauté sans nom, nos doigts ne décollent pas de ces pages au récit si parfaitement maîtrisé. Notre petit coeur saigne avec ces pages si noires que notre héroïne est bien obligée de se créer un univers merveilleux, ponctuant ça et là ce thriller d’une touche onirique. Quand la réalité est trop cruelle, seul le merveilleux pourra faire naître l’espoir … 

Face à une telle cadence infernale , on ne peut que sortir de ce roman soufflé.
Un auteur à découvrir, puis à suivre. 

 

Auteur : Derek Nikitas
Editeur : Telemaque
Collection : Entailles
Date de parution : 22/11/2010
EAN13 : 9782753301184
Genre : romans et fiction romanesque
Nombre de page(s) : 402
22 € 

Le lien vers la chronique de Choco : elle a adoré elle aussi. 


16 comments

  1. Mango says:

    Ça a l’ai si glauque que ça ne me tenterait pas du tout si Choco et toi ne l’aviez pas aimé et si Oates ne l’avait pas aussi fortement cautionné!

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  2. Leiloona says:

    Noir, oui, mais une fois qu’on est lancé, on a du mal à s’arrêter. Et moi qui d’habitude n’aime pas du tout le glauque (j’ai détesté le David Vann par exemple), là j’ai aimé car selon moi ça a du sens.

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  3. Choco says:

    T’as vu ça, c’est bluffant hein ! On ne sait pas du tout à quoi s’attendre et on descend aux enfers sans qu’on puisse rien faire. Et puis cette fin !!
    Bon, je suis vraiment contente que tu lui apportes ta caution toi aussi

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  4. Leiloona says:

    @ Choco : Oh que oui, et c’est d’autant plus une surprise que ce genre de livre n’est pas vraiment pas tasse de thé !

    Sinon, oui, le bandeau peut faire fuir, mais ce serait dommage.

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  5. lucie says:

    rha désolée, je n’ai pas aimé… pas autant que j’aurais du visiblement compte tenu des éloges, trop glauque…

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  6. Leiloona says:

    @ Lucie : beuh non, tu n’as pas à ressentir ce que le plupart ressente ! Généralement ce genre de bandeau ou d’éloges me fait fuir. Mais pas dans ce cas, et la lecture a confirmé. Mais heureusement que nous n’aimons pas tous !

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  7. Laurence says:

    Je te l’ai dit, je ne rejoins pas les lectrices enthousiasmées, mais c’est ça qui est bien justement, qu’un livre fasse un tabac chez certains et qu’il en laisse d’autres parfaitement de marbre. Je n’ai pas aimé ce roman parce que je le trouve terriblement truffé de toutes les ficelles qui en font un bouquin « bankable ». Sa galerie de portraits est certes bien cernée, mais curieusement, je n’y ai cru à aucun moment. Brefeu, la lecture ne m’a pas convaincue, d’autant moins que je venais de lire un vrai chef-d’oeuvre juste avant d’un auteur dont ce fut le seul livre parce que terriblement décédé. C’est une variété de polar, mais une variété seulement, c’est très documenté, c’est à la hache parfois, tant le décor est d’une sobriété épuisante, c’est lourd et grave mais c’est un vrai formidable étonnant bouquin et ça s’appelle  » En mémoire de la forêt » chez Sonatine et l’auteur Charles T. Powers et je recommande chaudement. Un grand épisode de l’histoire polonaise sur fond d’après-guerre et de ce que font les strates de l’histoire lorsqu’on s’obstine à vouloir en remettre une couche.
    ps : ma prochaine lecture sera plus calme

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