Commentaires sur Une force de la nature

Helmut était une force de la nature. Très vite, sa croissance avait étonné ses proches. Sa taille faisait même peur à sa mère : jusqu’à quand allait-elle pouvoir canaliser son fils ? 

Il s’était fait au regard des passants, toujours en biais. Qu’ils étaient hypocrites ! Helmut le voyait bien que sa carrure impressionnait : il était inutile de le regarder comme une bête curieuse.
Aujourd’hui encore, il se rendait bien compte qu’on le dévisageait. Si encore il avait pu s’asseoir, il aurait pu ranger ses grandes pattes sous le fauteuil. Mais, là, debout, comment se cacher dans un coin ? Comment se fondre dans la masse ? 
Mais à bien y réfléchir, Helmut s’en fichait.
Du moins pour aujourd’hui.
Car il allait voir sa mère.

Une fois arrivé, il irait d’abord voir la mer : cette immensité l’avait toujours calmé lorsqu’il subissait des injustices. Face au déchaînement des vagues cette montagne de muscles était bien petite. Au moins la nature ne lui faisait pas payer sa différence, elle l’acceptait tel qu’il était. Et puis il sonnerait chez elle, chez sa mère. Elle ouvrirait de grands yeux. Ça faisait tellement longtemps …
Deux mois déjà.  

C’était pour elle qu’il avait mis ces beaux habits. Y aller avec sa tenue de tous les jours était impossible. Il fallait qu’il soit beau. Pour marquer le coup. Pour croire que l’espoir n’était pas encore mort.  Alors, comme sa mère lui avait toujours dit que le blanc était la couleur de la pureté, Helmut avait voulu mettre cette chemise. Le foulard et le chapeau étaient un cadeau de Joe, son ange gardien. Il n’y avait que lui qui pouvait calmer les colères d’Helmut. Joe était son sauveur. Il l’accompagnait d’ailleurs aujourd’hui, pour cette première sortie.
A quelques pas d’Helmut, il était là. Il veillait au grain.
Joe avait dit à son grand gaillard qu’il serait là, qu’il lui faudrait fixer son regard s’il se sentait partir, s’il sentait monter en lui cette colère qu’il n’avait jamais su maîtriser. 

Respirer à fond, lentement. 
Ce n’était pas ces jeunes là-bas qui allaient lui faire perdre la face. Non, pas aujourd’hui. C’était un jour si important.
Calmer sa nervosité, fixer le regard de Joe. Respirer lentement. Ne pas sombrer. Ne pas sombrer.
Fixer le regard de Joe. Et faire taire une fois pour toutes cette maladie qui était en lui. 
C’était un jour si important. La mer, le regard de Joe, sa mère. La mer, le regard de Joe, sa mère. Fermer ses yeux et faire taire cette colère. 

Joe fixait Helmut, il se doutait que quelque chose clochait. Etait-ce ces jeunes qui faisaient du bruit ? Cela rappelait-il à Helmut un sale épisode de son enfance ? A quoi pouvait-il les associer ? Il voyait bien que son grand gaillard flanchait. Alors il lui prit les mains et les serra de toutes ses forces. Helmut était sous traitement, la dose fonctionnait bien pourtant. Bien sûr que c’était un risque de prendre le métro, mais il fallait bien qu’Helmut reprenne un jour ou l’autre une vie normale. 

Voilà dix ans que Joe faisait ce métier, et il n’arrivait pas encore à s’habituer à cette maladie au nom barbare. Ce trouble qui entravait la vie de plusieurs de ses patients. Jamais il n’avait bien su placer les « h » dans schizophrénie. 

©Leiloona, le 11 décembre 2011

***

Le texte de Roswelette :

 

Leurs corps entassés, leurs membres repliés, leurs mines renfrognées, leurs expressions figées, leurs habits sombres pour appuyer la lourdeur de leurs âmes.

 

Et lui. On ne voit que lui.

 

Il prend tout l’espace, il l’illumine, comme une touche d’exotisme dans cet instantané crépusculaire. Mon regard s’aimante à sa chemise claire, puis parcourt son corps… Ses bras écartés comme une offrande, ses mains viriles, ses épaules carrées, son dos tout en courbes, ses fesses provocantes. Son corps ondule comme une invitation. Même de dos je devine son sourire, son air malicieux, le plaisir qu’il prend à être ainsi observé, et à suggérer la tentation.

 

Il sait.

 

Trop court instant de sensualité volé dans le métro parisien avant de retrouver la monotonie de la vie familiale.

***

 

 

 

 

Et voici vos liens : 
 

Clara : Une dernière fois

Mathylde 

Miss So : Le fantasme de Solange

Lucie 

Lilou

10 comments

  1. ceriat says:

    J’aime ton texte où l’on plonge lentement dans les méandres de la maladie.
    Celui de Roswelette est joliment poétique.

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  2. Leiloona says:

    J’aime beaucoup cette figure quasi christique décrite par Roswelette ! Bien vu ! Effectivement on ne voit que lui !

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  3. Leiloona says:

    J’ai eu du mal avec cette photo … Et je crois que je ne suis pas la seule vu le peu de participants !
    A moins que la période ne soit pas vraiment calme … Moi aussi je cours partout !

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