Nos cheveux blanchiront avec nos yeux : un titre poétique qui libère instantanément l’imagination, le roman ne pouvait être mauvais.
Le thème de ce récit tient en deux phrases, et pourtant on pourrait parler de son univers toute une nuit tant il est riche.
Roman en deux parties presque oxymoriques, l’une parle de voyages, d’un départ de l’être aimé pour se retrouver ; l’autre parle de retour, de maternité et d’attachement à ces petits riens qui font la beauté de la vie.
Quand on aime, il faut partir, Blaise Cendrars :
Walther a donc besoin de partir, pour se retrouver. Ce voyage est complètement atypique. Avec pour compagnon de voyage un oisillon tombé du nid qu’il faut protéger, notre homme est déjà une figure à part.
Il croise de nombreuses personnes sur sa route, trouve facilement de l’aide, émeut souvent. Le voici qui nous livre ses états d’âme de poète errant sur la macadam : des phrases tronquées, des instantanés de sa vie, et mises bout à bout voici qu’elles forment une histoire, celle de Walther.
Et puis, à la fin, une révélation, un accomplissement de soi.
J’ai l’obstination farouche d’être doux, Victor Hugo :
Et voici la seconde partie. Touchante, bluffante. Walther a grandi, il est prêt à accepter certains changements. Être père en fera partie.
A croire que vivre équivaut à s’éloigner lentement
du monde. A lui courir après. Un enfant qui naît
est la réalité. Il est Dieu, il crée le monde qu’il perçoit,
ne dissocie pas l’un de l’autre. Lorsqu’il grandit, il a
le nez collé aux choses. Lorsqu’il a peur, c’est immense.
Lorsqu’il sourit, il rit de toutes ses dents, de tout
son souffle. C’est plus tard que ça se complique.
Le voici à l’écoute du monde, le voici redevenu un animal avec un instinct primaire. Ses sens sont alors en émoi et peuvent vraiment appréhender le monde :
Finalement la liste est longue des superbes insignifiances
qui me tiennent debout.
Et l’absence, celle de l’etre aimé paraît alors inconcevable.
Une magnifique déclaration d’amour s’étale alors en quelques phrases, déclaration qui pourrait rendre n’importe quelle femme amoureuse …
Il y a des heures sans fond, des journées blanches,
perdues, à vivre loin de toi. Chaque jour de la semaine,
la buée des vitres de ta voiture et ta main qui s’en va.
L’odeur de ton écharpe et de ton rouge à lèvres.
des kilomètres de lumière qui nous éloignent. Le bruit
rouge du réveil. Le temps qui manque, ce précipice.
Et d’autres fois plus rien qui avance. L’impression
persistante d’habiter dans une faille. Le soir, casser
des brindilles, souffler sur des braises et recoller
nos morceaux.
Notre Walther, notre courant d’air, cette fille de l’air de la première partie a bien grandi :
Je me dis que c’est bien d’accepter de grandir.
C’est bien d ‘accepter d’assumer. Sinon, à partir
d’un certain âge, cela reviendrait à refuser de commencer
à être. Cela reviendrait à refuser de vivre.
De seul, puis à deux, le voici qui devient trois; et c’est apaisé qu’il trouve le sommeil chaque soir :
Je respire vos respirations dans le confort
bleu de la nuit. Je m’endors.
Bien entendu, grandir, c’est aussi quitter l’enfance, accepter que d’autres meurent, ou le soient déjà un peu de leur vivant. En plein glissement vers un ailleurs, déjà :
Mon grand-père est assis au milieu de deux cents
personnes debout. (…)
Je voudrais y aller,
le prendre dans mes bras et répondre à son sourire perdu,
mais je sais qu’il est trop tard. Quand je le vois, je vois
la mort et elle me paralyse.
Le temps glisse alors. On ne se rend pas compte du temps qui passe. L’enfant grandit, inexorablement : le temps a accéléré son mouvement :
Il y a bien six huit mois que ces chaussettes sont
pendues à la corde à linge … Il s’en est passé des choses en six ou huit
mois. Sans elles, je m’en rendrais peut-être moins compte…
Elles sont mon marque-page
dans le livre du temps.
Laisser une trace, une empreinte dans les sillages de la vie : l’écriture permet alors de se réconcilier avec ce monde complètement absurde. Faire de ces petits riens un tout.
Un tout magnifiquement écrit dans ce roman au titre si évocateur et déjà si beau … Un premier roman fin et délicat qui ne laissera pas son lecteur indifférent. On quitte à regret ces tranches de vie, ces instantanés en vers libres avant de s’apercevoir que nous aussi nous avons des instantanés à vire aussi. Un roman qui change notre vision du monde et nous fait prendre conscience de l’instant présent. Un livre à garder dans son sac, comme un porte-bonheur. A réouvrir de temps en temps.
Merci monsieur Vinau.
Auteur : Thomas Vinau
Editeur : Alma Editeur
Date de parution : 18/08/2011
EAN13 : 9782362790003
Genre : LITTERATURE FRANCAISE ROMANS NOUVELLES CORRESPONDANCE
12 € 80
111 pages
Livre choisi, lu et chroniqué pour
Merci à la librairie Dialogues. Brest a bien de la chance d’avoir une telle librairie …
Des avis avant de courir commander cet indispensable ?
Skriban : Il se dégage de l’ensemble un bouquet d’impressions fugaces, d’esquisses colorées, de questions légères comme des ronds de fumée. Le charme opère et l’on se laisse emmener par cette prose qui n’en finit pas de flirter avec la poésie.
Anne : Des textes qui s’étirent sur quatre saisons, qui parlent de la pluie, du soleil, des feuilles mortes, de la neige qui craque. De la nuit et de l’aube. De l’écriture comme une source pour vivre. Des images surgissent sans cesse de la plume de Thomas Vinau, et sa poésie, son sens de l’épure m’ont positivement charmée, ravie.
Antigone qui nous parle du blog de l’auteur : J’aime énormément les petits textes, minuscules, qui parsèment ses billets. Ils sont comme des pépites de moments volés à l’intimité. Mes préférés sont ceux qui débordent de tendresse contenue. Ils aident à vivre et à aimer, je trouve.
Liliba est en revanche restée en marge du texte.
Que des avis élogieux sur ce livre !
Moi aussi j’ai adoré ce roman et je relis souvent des pages au hasard ! Il y en a même une que j’ai en tête de mon carnet… Et je vais sur le blog de Thomas Vinau de temps en temps ! Une belle découverte…
Noté chez Liliba qui pourtant était plus que mitigée concernant ce livre, ce que tu en dis me le fait surligner. Très beau billet en tout cas.
Je suis contente de voir que c livre suit sa route et séduit ceux qui veulent bien se laisser toucher par sa petite musique de simplicité. J’aime beaucoup aller sur le sit de Thiomas Vinau de temps en temps et grapiller ses fragments de vie. Merci de m’avoir citée.
Craquer sur un titre, ça vient de m’arriver avec « Dormir avec ceux qu’on aime » : très bonne pioche aussi.
Le thème me parle énormément, donc il est fort possible que je craque…
Je viens de lire l’avis de Liliba, éloigné du tien. Je le prendrai à la bibliothèque, pour me faire une idée.
Merci. La citation de Hugo est » j’ai l’obstination farouche d’être doux ».
C’est déjà dans ma PAL!!!! Tu me donnes encore plus envie!!!
Le titre est en effet trè beau. Ton billet aussi d’ailleurs, bravo à toi.
Un coup de coeur pour moi aussi (billet à venir) !
On sent à lire ton billet que tu as vraiment aimé. Je « connais » cet auteur depuis longtemps, j’en suis donc bien bien contente !!
Je suis complètement sous le charme des quelques extraits !!! Je suis très très envieuse, et j’ai hâte de me plonger à mon tour dans cet univers…
Encore un livre qui risque de rejoindre ma bibliothèque très prochainement… merci pour cette appétissante découverte, Leiloona !
Je réponds vite fait à l’auteur : désolée, mes doigts ont dû riper sur le clavier, ou bien mon inconscient … Je file corriger ça tout de suite !
Sinon, oui, prenez la peine de découvrir cet OVNI. Une très belle rencontre.
Je n’avais pas vu que Liliba avait écrit sur ce livre, ce billet était programmé depuis une semaine. Je file ajouter son lien.
rien que le titre du livre donne l’envie de le lire …merci de ce conseil de lecture
et oui Brest a en effet une chance énorme d’avoir une librairie, une vraie librairie indépendante et ceux depuis plus de 30 ans
je sais ça car j’y travaille là-bas
bises et belle nuit
Gaël
http://paul-andrews1973.blogspot.com/
Oui pas de souci, je ripe moi même beaucoup de l’inconscient… Merci aux lecteurs partageux et belle route à vous.
Sans nul doute, il me faut ce livre !
Encore une lectrice conquise…
Le titre est bien joli et ton billet ne me donne pas le choix Merci