Pigeon, vole : un titre bien énigmatique qu’on comprend mieux en se penchant sur la vie de Ildiko, ce personnage de papier qui a pas mal de points communs avec l’auteur … Née en Yougoslavie (en Serbie de nos jours), Idilko voue un attachement sans bornes à sa grand-mère qui l’a d’abord élevée en Pannonie avant que la jeune femme parte vivre avec ses parents en Suisse.
Roman de l’exil, de ces personnes apatrides qui ne se sentent finalement jamais chez elles où qu’elles soient, Pigeon, vole est avant tout un roman sensuel, mais au sens premier du terme : c’est un roman qui décuple nos sens et nous donnerait presque envie de prendre le prochain train pour la Serbie …
Il y a effectivement toutes ces descriptions culinaires qui ont eu l’effet d’une madeleine de Proust chez moi. Ces gros cornichons aigre-doux, ce goulash, ces oignons rouges en salade … J’en salive encore.
Outre ces plats qui fleurent bon les vacances et l’enfance (pour un peu, je me serais vue dans le jardin de mes grands-parents), il y a aussi la chaleur du corps de Mamika, ses chants nocturnes aussi : oui, un roman qui décuple les sens et nous emporte très vite vers ce lieu idyllique que nous avons presque tous dans un coin de notre tête. Un lieu désormais perdu, mais tellement important : un lieu que le temps ne semblait pas changer … Pourtant, quand la guerre éclate, voici cette région elle aussi touchée.
Il serait tout de même faux de dire que ce roman n’est qu’un éloge de cette région de Serbie. L’intrigue revient aussi sur ce sentiment de l’exilé, sur la difficulté de se fondre dans un autre pays,de s’intégrer aussi (l’administration suisse ne leur fera pas de cadeau), mais aussi de la guerre qui a à jamais détruit cet îlot de l’enfance d’Idilko.
La langue de l’auteur (ou plutôt sa traduction) est quant à elle lumineuse, vive et sincère. Un peu à l’image de Mamika : voluptueuse et bienveillante. Un je-ne-sais-quoi qui nous pousse à adopter d’emblée ces personnages comme s’il faisait partie de notre famille.
Pigeon, vole : des petits instantanés de vie qu’on aimera pour ses hauts et ses bas, le tout porté par une écriture pétillante.
L’auteur a reçu le Prix allemand du livre (le Buchpreis de Francfort) pour ce roman, l’équivalent du Prix Goncourt (dites-le moi si je me trompe).
Pigeon vole
Auteur Melinda Nadj Abonji
ÉditeurA.m. Metailie
Date de parution 23/08/2012
Collection Bibl.allemande
Format 14cm x 22cm
ISBN 2864248778
EAN 978-2864248774
238 pages
20 €
Lu grâce à la librairie Dialogues
Le roman participe au challenge 1 % littéraire 6/7