Le réveil fut brutal. Une lumière blafarde, des murs nus, un bruit répétitif à ma droite.
Où étais-je ?
J’étais allongé sous des draps rêches et tendus. Des deux côtés du lit, des barrières avaient été montées. Je sentis mon pouls s’accélérer, une sueur froide le long de mon échine.
Une chambre d’hôpital.
Comment étais-je arrivé là ?
Un bruit de porte me sortit de mes pensées. Une femme d’âge mûr entra.
Une infirmière sans doute.
Sa surprise fut réelle, son visage s’allongea, ses yeux s’ouvrirent.
Oui, j’étais réveillé depuis quelques minutes, non je ne me souvenais de rien, oui je pouvais sentir mes orteils et les bouger, oui je savais en quelle année nous étions, non je ne me souvenais plus de mon nom.
Un interrogatoire en règle.
Était-ce un hôpital ou un commissariat ?
Avais-je atterri dans une histoire kafkaïenne ?
Un médecin vint plus tard la seconder et mit des termes médicaux sur cette amnésie partielle.
J’étais resté deux mois dans le coma, aussi était-il normal d’avoir les idées embrouillées. Il me fallait être patient.
Ce qu’il pouvait être drôle, ce médecin …
L’intérieur de ma tête ressemblait à un dîner du dimanche : on y avait mis tous les restes possibles et inimaginables, on avait bien remué le tout, on avait même ajouté un peu d’extra, et en il était ressorti un plat complètement atypique. Si dans une assiette les couleurs bigarrées pouvaient être alléchantes, la bouillie de mon cerveau n’était guère appétissante.
Quand je fermais les yeux, de nombreuses images se superposaient. Une petite fille blonde, un air espiègle avec son doigt près du nez. Un homme barbu, un regard froid et antipathique posé sur moi, des jambes surréalistes terminées par des converses noires. Et puis surtout une enseigne incompréhensible : »Restauration – Tapisserie ».
Je devenais fou, il me fallait découvrir la clé de cette énigme.
Les lampes suspendues de l’image ne m’aidaient guère à y voir plus clair, mais peut-être faisaient-elles partie de cet ensemble ?
Et puis, surtout, que venait faire cette barre de métro parisien dans ce patchwork sibyllin ?
Lorsque la porte s’ouvrit sur cet homme barbu, les machines qui contrôlaient mon rythme cardiaque s’affolèrent.
J’étais perdu, je le savais.
Cette petite fille était Sarah. Ma petite fille que j’avais protégée de ce fou intégriste religieux.
Il n’avait jamais été bon d’être un juge impartial et incorruptible pour ces terroristes prêts à tout au nom de leur Dieu.
J’étais perdu, il ne me restait plus qu’à appuyer sur ce bouton d’urgence, seule bouée de sauvetage dans tout ce marasme.
©Leiloona
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Vos liens :
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Jean-Charles : Adieu Nina
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