Ma vie avait déjà été bien remplie. D’amour, de désillusions aussi. Je n’attendais plus rien. Mes plus belles années étaient derrière moi. La mélancolie n’avait aucune prise sur moi, c’était ainsi, il fallait s’y faire, cela ne servait à rien de se lamenter.

Comme dans une romance de série B, je ne m’attendais donc pas à cette confusion en te voyant pour la première fois. Certains parleraient de coup de foudre. Je parlerais plutôt de trouble. Je n’ai plus l’âge, maintenant, de croire aux contes de fées.

Cette émotion rejaillissait à chaque fois que je te croisais : nous avions des amis communs, il n’était pas rare de participer à la même soirée. Les sexagénaires mènent une belle vie, n’allez pas croire le contraire.
Tu étais un beau parleur, tu avais du succès, tu avais le monde à tes pieds. Amusée, je regardais de loin ce petit manège, riant sous cape, même, quand les donzelles fripées se comportaient comme des adolescentes.

En fait, je ne le savais pas encore, mais une certaine désillusion de l’amour m’avait prise dans ses filets. Mais la vie se charge souvent de nous jouer des tours … A nos dépens.

Je te regardais donc, tes courtisanes à tes côtés. Elles ne semblaient avoir aucune prise sur toi, et pourtant, à chacune tu donnais ce qu’elle voulait. Un habile stratège tu aurais fait …

Puis, un jour, sans que je recherche davantage ta compagnie, nous avons discuté. Une brèche s’est alors ouverte : de beau parleur, tu es rapidement devenu un être sensible, mystérieux. De près, tu n’étais plus un miroir aux alouettes.

Intriguée, j’ai donc voulu te connaître davantage. De nos rendez-vous chez nos amis communs, nous sommes alors passés à des soirées en duo. Avec toujours ce même ravissement …

A 60 ans passés, nous n’avons plus de temps à perdre : nous passons alors chaque seconde à nous émerveiller de cette belle rencontre inattendue. La plus belle de ma vie.

Depuis, c’est avec amusement que je regarde cette peau fripée, ces seins vides et ce ventre flasque. Dans ma tête, la midinette est de retour, et mon sourire « patte d’oie » efface toutes les marques du temps.

Et là, dans ce pub londonien, nous avons de nouveau nos 20 ans avec nous. L’expérience en plus.

© Leiloona, Lundi 24 juin 2013 

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 Vos liens : 

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Yosha : Illusions perdues

Gaëlle : Sa perte

Jean-Charles : La vie est belle