Liaison des âmes (atelier d’écriture)

pont

Sous le pont des Arts
Combien d’eau a coulé,
Combien de bateaux ont fendu
La foule des flots
De leur coque désargentée
Transportant en leur sein
Des touristes trop pressés ?

Sur le pont des Arts
Combien d’amants ont embrassé
De leur regard la ville lumière
Avançant à pas lents
Profitant de la vue
Ils se promettent à coeur perdu
Une vie sans ombrages.

Et ce pont des Arts
Leur prête son dos avec élégance
Ployant ses bras de métal et de coeurs cadenassés

Se rejoignent alors les deux tourbillons
L’amour les flots déversent inlassablement leur bluette éternelle.

© Leiloona, le 17 novembre 2013

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 Le texte de Jacou : 

Mise en Seine

 

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends

Passent mes eaux

Coulent verseaux

Te voilà, enfin,

Toi, le levantin.

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends

Chantent mes eaux

Coulent gémeaux

Te voilà enfin,

Toi, l’amérindien.

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends

Nagent mes eaux

Dansent taureaux

Te voilà enfin,

Toi, l’africain.

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends.

Quand passent les visages

Et les sombres nuages

Sur le pont de l’Alma

Je sais que tu viendras.

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends

Quand grondent les sages

Et les justes images

Sur le pont Mirabeau

Je sais que tu seras beau.

 

Mille ans, mille ans

Que je t’attends

Quand viennent les partages

Et les jolis messages

Sur le pont Saint Michel

Je sais que tu seras belle.

 

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 Le texte de Morgane : 

Sur Le Pont

10H15 – Cela fait trois quart d’heure que j’attend ; que je l’attend … Les mains moites, le ventre noué, les larmes prêtes à couler … Et s’il ne venait pas ?! Et si cette promesse était passée depuis longtemps aux oubliettes pour Paul ; si j’étais la seule à m’y accrocher comme à un radeau en pleine mer … Les aiguilles de ma montre tournent, mes pieds ne tiennent plus en place, j’ai envie de hurler ! Je me penche vers la Seine ; nous sommes amies toutes les deux : elle m’a tant de fois tendu ses bras froids et envoûtants … … Dix ans que je patiente, que je rêve à ces retrouvailles en savourant les derniers instants merveilleux d’il y a 10 ans. De nombreuses fois pourtant je me suis dit que ma vie méritait d’être vécue différemment qu’en m’agrippant à de vieux souvenirs de premier amour et à une ancienne promesse qui n’a peut-être plus son sens initial aujourd’hui.
Notre histoire est restée clandestine faute à nos parents et à leurs douloureux souvenirs de guerre : la famille Juive de Paul qui vivant dans l’horreur du passé familial et moi Aude, enfant d’un occupant et d’une jeune fille tombée éperdument amoureuse pour être finalement tondue par ses compatriotes et oubliée par le bel Allemand … Trop de souffrance, de rancœur et pas assez d’espoir pour le lendemain ont fait de notre enfance un chemin silencieux dénué de fantaisie et de tendresse. C’est sans doute pour cela que nos deux solitudes nous ont rapproché Paul et moi. Du temps de notre enfance, notre amitié était tolérée mais l’adolescence passée, les parents de Paul ont vite fait de le mettre au parfum du chemin qu’ils avaient tracé pour lui : une gentille petite épouse choisi par leurs soins et une carrière d’avocat. Il s’est exécuté sans broncher en m’offrant une seule et dernière nuit inoubliable et en me faisant promettre de venir sur ce pont que nous avons si souvent emprunté pour revenir de l’école main dans la main : « Dans 10 ans jour pour jour à 10H00. »
Alors je suis là … Je suis là puisque rien d’autre ne compte finalement … Pas de gentil mari pour m’accueillir le soir, pas même un chien d’ailleurs … Rien, le néant … Même mon job est alimentaire …
« Aude ? » Je détache mon regard de l’eau en contre-bas en entendant la voix de Paul ; cette voix rauque et chaude qui m’a tant manqué durant ces 10 dernières années … Je me retourne et c’est mon Paul qui me fait face ; à la fois le même et différent à la fois : plus mûr évidemment et plus grave me semble-t-il … Il n’ose pas s’approcher ; il affiche un sourire franc et me scrute avec un air mi étonné mi amusé. Quand il prend enfin la parole, c’est pour me dire qu’il s’est trompé, qu’il n’aurait pas dû me laisser, qu’il aurait dû affronter son père quand il était encore temps … Mes oreilles bourdonnent et mon cœur s’emballe. C’est à demi asphyxiée que j’entend les mots « partir-Manhattan-nouvelle vie-tous les deux » … Paul s’approche enfin, pose ses mains sur mes hanches et m’embrasse doucement, délicatement … Il plonge ensuite ses yeux sombres dans les miens clairs mais rougis par l’émotion et me demande : « Veux tu vivre avec moi ? » C’est un OUI aigu et étranglé que je prononce en prenant la main qu’il me tend pour quitter ce pont en courant.
N’avions nous pas raison, enfants, d’appeler ce pont celui des amoureux

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 Voici les liens vers vos textes : 

Stephie 

– Cardamone : Exil

 

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