Nouvel Achéron (Atelier d’écriture)

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© Kot

Petite grue
Vêtue de ton armure
Il t’en faut de l’équilibre
Pour fouiller dans ces abîmes
De cuir mort depuis des lustres

Sans cesse tu remues
La boue et ton sang
Et souffles ton chant
Dans une langue inconnue
Que personne ne comprend

Majestueuse tu parcours
Le tunnel désert
Lumières blafardes
Souffle nauséabond
De la vie souterraine

Nouvelle Eurydice
Tu attends Orphée
Saura-t-il
Patienter et ne pas se retourner ?

© Leiloona, le 7 décembre 2013

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 Le texte de Jacqueline : 

Comment se rendre des INVALIDES à LOUISE MICHEL

 Je suis bonne pour les Invalides. Rester depuis tout ce temps dans la même position. Il m’avait dit : « Habille-toi comme Zazie dans le métro. » Alors j’ai cru qu’il fallait descendre à Raymond Queneau. Le temps de faire le Pantin pour un sculpteur qui habite à Pigalle, que je remonte les Grands Boulevards, je rencontre le sosie de Pablo Picasso à Bobigny.

Je me dis Bonne Nouvelle.

Heureusement que j’ai écouté la météo, avant de m’habiller, elle annonçait des températures pires que dans une Glacière. Il a râlé quand il m’a vue arriver dans cette tenue. Je lui ai répondu que s’il n’était pas content, il aille chercher une de ces Filles du Calvaire. Peut-être qu’il y en avait encore une pas loin du Père Lachaise, ou à la Croix de Chavaux.

Il m’a rétorqué, après avoir consulté sa Breguet, qu’étant donné la Porte de Choisy, nous n’avions pas de temps à perdre et que je n’allais pas en faire toute  une Pyramide.

Je pris donc la pose. Ce n’était pas un Michel Ange et je doute que son œuvre soit jamais exposée au Musée du Louvre, ni même à la Cité des Arts.

Mais j’avais besoin d’argent pour payer le loyer de mon Dupleix, et continuer à suivre des cours à la Sorbonne. Que son œuvre soit célèbre ou non, était le Cadet de mes soucis.

Il s’interrompit, laissant passer quelques Abbesses et toujours aussi peu aimable, vint corriger ma pose, m’intimant de me taire et de faire La Muette. Il sentait l’eau de Javel. J’aurais préféré le Jasmin.

Au bout de quelques temps tous mes membres commençaient à peser, tels des Boulets.

Je demandais une pause, disant que nous ne faisions pas les Olympiades.

Que nenni ; je fus vertement rabrouée ; son langage était pire que celui des Poissonnières. J’eus envie de rétorquer par le mot de Cambronne. Mais je lui tins un langage digne de Voltaire, parlant de Liberté et de droits du travailleur. Il se moqua de moi, me proposant d’aller me faire voir Avenue Emile Zola. Je lui rétorquais qu’il aurait bien besoin d’aller faire un stage à la Bibliothèque François Mitterrand. On était en plein Stalingrad. Il y eut un attroupement de touristes chinois. Je leur indiquais quel chemin prendre pour aller à la Porte Dorée. Du moins,  c’est   là que je croyais qu’ils se rendaient.

Pas du tout, ils cherchaient le Châtelet; croyant, à nous voir nous démener, qu’ils étaient arrivés, que nous étions chargés de faire la pub pour ce théâtre renommé. En ce moment on y jouait un arrangement des poèmes de Louis Aragon. Ils étaient un peu étonnés de notre prestation qui ressemblait plutôt à de l’Alexandre Dumas. Non, non, leur répondis-je, pas de pub, juste un besoin de nous réchauffer. Ils nous remercièrent, prirent quelques photos. Mon tortionnaire prit la pose de bon gré. Il pensait sans doute qu’être célèbre en Chine l’aiderait dans son Commerce. Cet intermède radoucit quelque peu son attitude. Il me raconta, qu’enfant, il aimait sculpter des légumes. Maraîchers, ses parents, admiraient ses sculptures et l’encouragèrent dans cette voie. Il sculpta et sculpta encore. Son œuvre la plus spectaculaire, était, paraît-il, la Maison Blanche, taillée dans une énorme betterave. Je n’osais lui dire que la Maison Blanche en violet…Il dut lire dans mes pensées, précisant qu’il existe des betteraves blanches. Au temps pour moi ; j’étais passée à côté de la coquille. Coquille, coquille Saint Jacques, j’avais faim, moi.

Mais il s’était remis à son travail. Donc la pause étant finie, je repris l’autre.

Je pensais à mon appart, à mes rendez-vous. J’écoutais en boucle la musique du ballet, dans lequel je dansais.  Je n’étais pas encore Etoile, juste danseuse surnuméraire. Mais un jour, j’en étais sûre, je danserai sur la scène de l’Opéra. En attendant de prendre le Chemin Vert, je trouvais des petits boulots, placeuse au Parc des Princes, danseuse à Porte des Lilas, la guinguette, j’enregistrais  des Goncourt pour les malvoyants. Je ne restais pas longtemps sans emploi. Je me souvenais quand même de quelques échecs. Quand après avoir fait tapisserie de longues heures devant Les Gobelins, on me dit que je n’étais pas Chaussée d’Antin. Je n’ai toujours pas compris. Ce jour-là, j’eus besoin d’un remontant, c’est la seule fois où je me suis retrouvée Ivry. C’est comme cela que les gens de chez moi appelaient mon père. Il s’appelait Yves, et était souvent ivre. La Concorde ne régnait pas souvent chez nous. Madeleine, ma mère, avait souvent les yeux rouges. Un jour, j’en eus assez et n’y allant pas par Quatre Chemins, je claquais la porte, emmenant ma mère avec moi.

Nous logeâmes Place des Antilles, où ma mère reprit le goût de vivre.

Elle se joignit à un groupe de Volontaires, s’occupant des Alcooliques Anonymes.

Moi, je tentais ma chance du côté du Palais Royal, ce nom m’avait toujours fait rêver, obtins un rôle de figurante dans une pièce de Courteline. Je fis encore de la figuration à l’Odéon. Je déménageais Place de Clichy. J’avais trouvé un emploi de danseuse dans un bar. Je n’étais pas Notre Dame des Champs, je le confesse, mais ce n’était pas trop mal payé.

Tous les jours je montais à Montmartre. Il fallait un Sacré Cœur, pour arriver là-haut sans être essoufflée. Mais c’est là que je fis la connaissance de ce monsieur Ségur, qui cherchait un modèle.

Et c’est comme cela que moi, Louise Michel, me retrouve plantée  sur ce quai de métro.

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 Et voici vos liens :

Jak : Temps perdu à jamais

K Mill : Ligne A, rame 47

Yosha : Le doute

Stephie

Cess : Mais il est où ?

 

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