Torture de l’âme (atelier d’écriture)

metro paris kot

© Kot

Cette petite mèche qui tombe, qu’elle remettra derrière son oreille, ces sourcils froncés qui forment cette petite ride du lion, ce dos un peu voûté quand elle est fatiguée …
Je la connais tout entière. Et pourtant elle est déjà devenue une étrangère.

Le hasard a voulu que je la retrouve là, à quelques mètres de moi. Elle ne m’a pas vu. Je l’observe.
La revoir, toujours la même, mais déjà une autre. Une torture délicate que je plais à perdurer.

En fermant les yeux, je pourrais même m’imaginer son parfum. Sucré, des petites notes de fleurs blanches … Son odeur. Celle qui me rappellera toujours ces moments que nous avons passés tous les deux.

Cela fera bientôt six mois que je n’avais plus aucune nouvelle.

J’avance, je voudrais que cet instant dure éternellement, mon coeur bat la chamade, mes jambes ne sont que coton, une goutte de sueur perle sur mon échine.
Que faire ?
Oser l’aborder ? Attendre le métro ? Et elle ? Que dira-t-elle ? S’attend-elle à me revoir, ainsi au dépourvu ? Et que pourrais-je lui dire ? De sombres banalités qui ne feront qu’accentuer cette abysse que le temps a jetée entre nous ?

La torture s’immisce à travers tous les pores de la peau. Le brouhaha des gens, ce roulement sur les rails, la tête qui me tourne …

Elle relève ma tête, me fixe. je reste interdit. Cette femme qui vient de relever la tête n’est pas Hélène.

Mais comment ai-je pu me tromper ?

© Leiloona, le 1er décembre 2013

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Le texte de Balaline (sois la bienvenue ! :) )

Aux abonnés absents

Loin de l’orage, loin de la vie,

Me réfugier sous terre

Agrippée à mon rêve

Tout suintant de délices

D’audaces fugitives

De peintures naïves

Là, dans l’antre glauque

Des ombres fantomatiques

Pianoter, encore et encore

Sans voix, sans peur

Peut-être sans espoir

Un nom

Ton nom

Au visage

Qui s’enlise

Se heurte

Aux abonnés absents

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Le texte de Morgane :

M’évader

Tranquillement installée, pour oublier la foule bigarrée, j’attrape mon i-phone adoré.
Envolé bruit, odeur, chaleur, je tape mon code avec bonheur.
Petite merveille de technologie, tu es devenu mon meilleur ami.
Je pianote, je prends des notes et surtout je textote.
Je ne perds jamais le lien avec les miens : ils partagent mon quotidien.
Une photo par ci, une anecdote par là, c’est ma manière d’être toujours là.
Pour mon amour chaque jour, pour maman évidemment, pour ma sister des smileys à cœurs, pour mes amies des photos des petits, idem pour belle maman : ça vous surprend ?!
Mes collègues me parlent de tocs mais je m’en moque.
Ma Bretagne est si loin de mon destin Parisien … C’est ma façon de maintenir le lien.
C’est à mon tour de m’engouffrer dans un wagon une nouvelle fois bondé.
Mes écouteurs enfilés, les yeux fermés, je laisse la musique m’emporter : ma compilation de bagadoù m’inonde de binious …
Le sourire aux lèvres je me relève.
Je quitte le sous terrain ma coque lapin crétin au creux de ma main.
Je balance un texto au dirlo lui annonçant que je ne serais une nouvelle fois pas très tôt …

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Le texte de Jacou :

A toi, ma vie

 

Sommeil volé,

Matins trop tôts,

Interminable lassitude.

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Le texte de Loredana :

Ma démarche d’handicapée ne m’a pas empêché d’aller flâner en ville cette après-midi. Mon ego va si mal que j’avais sérieusement besoin d’aller montrer ma gueule. Résultat des courses, j’ai pris l’auto de maman et je suis partie. J’ai abandonné la voiture près d’un arrêt de métro pour faciliter la tâche du parking. J’ai vite regretté mon geste précipité. J’avais oublié que prendre les transports me donnait envie de mourir. J’avais oublié qu’il était davantage intéressant de  chercher une place de camion pendant une heure et demi dans le centre-ville plutôt que d’être entourée  de toutes ces tronches de cake.  J’avais oublié les odeurs sinistres des gens, les mauvais goûts de certains et toute la crasse qui l’encombrait.  Une barre aussi grasse qu’un pot de vaseline, un passant qui bouscule, des pieds sales dans des sandales en plastique transparente, un homme aux yeux de merlan frit qui t’obnubile, un enfant qui crise, une façade délaissée, entrevoir des chaussettes blanches sur un pantalon bleu marine, Sean Paul dans les oreilles d’une sourdingue en chaleur, un vieil homme qui racle le fond de sa gorge malade, le rouge à lèvre sur les dents d’une femme presque trop chic, un baraki d’kermesse qui hurle au téléphone, des rideaux déplorables à une fenêtre, un double menton dans le champ de vision, se ramasser un touffe de cheveux décrêper dans le visage, qui forcément pue le cheveux. La liste est surement encore très longue mais je préfère m’arrêter là.

Malgré les écrits formels, les souvenirs physionomiques sont trop vagues, je les regardais sans vraiment les voir, les yeux pleins de vides, effacée, la tête dans les reflets imprécis des vitres, mais pas suffisamment embrumer pour que je puisse les oublier entièrement.

En rentrant, je décide d’envoyer un texto à maman, qui à préférer abandonner les pots d’échappements de la ville pour l’iode de la mer du nord. Chaque jour je lui envoie un message pour lui rappeler que je suis en vie, que parfois je fabule, mais que toujours je pense à elle.

Maman,

Alala si tu savais…

Dans le centre j’ai parcouru les boutiques. Je suis tombée amoureuse d’un petit pull marine à 310 euro que je n’ai pas pu m’empêcher d’essayer. Que je n’aurais pas dû essayer. Forcément.  J’ai eu un problème de synergie avec mon ego parce que le vêtement tombait bien. J’achète ou je n’achète pas. C’est le genre d’achat que tu t’obliges à contrôler. Parce que ça c’est de la vrai folie, de la folie pas permise.  Alors dans ma tête c’était pire que la bataille de Waterloo,  un truc absurde. Une représentation flottante du joli pull était empreinte avec en prime deux voix qui s’entrechoque. La voix A, puis la B. A :Un peu d’abstinence. B : Putain, la pénitence. A : Et maman, t’a pensé à maman. B : Elle comprend les folies. A : Maman devrait approuver par une signature.

 J’ai constaté qu’à chaque fois que tu pars je dois m’astreindre pour ne  pas faire une connerie. C’est souvent des histoires capillaires. La dernière en date tu te casses en croisière, ta fille chavire en blondasse. Résultat en six mois de temps ils ont pris cinquante millimètres. D’où mes soirées Doctissimo.com, d’où les cures de zincs, etcetera. La connerie humaine quoi…. Comme tu es à la mer c’est surement un signe ce petit pull marine !  Mais je m’abstiendrai jusqu’à ton retour, je te promets.

Bisous.

 

Et voici vos liens :

Cardamone : Un couple presque parfait

Mamido : Scène de vie parisienne

Stéphie

Yosha : Erreur de destinataire

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21 comments

  1. Morgane says:

    Je trouve que ton texte décrit d’une manière très délicate ce manque devenu habitude et ravivé par une soudaine apparition ; c’est justement car son absence est omniprésente qu’il (ou elle) se trompe de personne : L’envie de la revoir est trop forte !!!
    BRA-VO !!! J’aime – J’aime – J’aime

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    • Leiloona says:

      Roohh, je vais rougir, du coup (bon, c’pas grave, personne ne me verra ! :P) Merci de vos commentaires, ils me sont précieux.

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  2. Cardamone says:

    @ Leiloona: une écriture juste et touchante

    @ Balaline: J’aime ce beau poème sombre

    @ Jacou: Tes mots résonnent juste et fort! J’aime beaucoup!

    @ Loredana: J’aime beaucoup la belle énergie, la force de ton écriture.

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  3. Yosha says:

    @ Leiloona : je suis entièrement d’accord avec Morgane, c’est vraiment très juste et prenant ! Ah ces fantômes du passé qui nous torturent… On se torture un peu tous seuls finalement !
    @ Jacou : j’aime tout ce qui se dégage de ce poème concis
    @ Balaline : beau poème plein de spleen…
    @ Morgane : un texte léger mais qui m’a fait réfléchir… J’aurais tendance à diaboliser tous ces smartphones auxquels tout le monde est collé et dont on se passait vraiment très bien avant ! Mais tu as raison, il en existe un usage intelligent 😉
    @ Loredana : argh cette description du métro… j’espère que ce n’est pas ton ressenti 😉 J’ai pris le métro aérien aujourd’hui, il y avait un musicien qui jouait d’une espèce de petit piano aux notes cristallines et chantonnait en même temps. C’était doux et agréable, le temps était comme suspendu. Bon mais je reconnais qu’aux heures de pointe ce n’est pas l’expérience la plus zen qui soit !

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  4. Leiloona says:

    @ Balaline : c’est étonnant comme cette femme a fait naître en nous un sentiment d’abandon … Sois la bienvenue par ici, j’espère que tu as aimé participer ! N’hésite pas à commenter ! 😉

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  5. Leiloona says:

    @ Morgane : J’aime bien le mélange des tons : le fond est mélancolique et nostalgique, mais malgré tout ton personnage reste léger. J’aime beaucoup.

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    • Morgane says:

      Donc là c’est à mon tour : Je vais rougir … Mais je m’en moque puisqu’il n’y a personne devant moi !
      Tu la trouves mélancolique ? Je m’efforce pourtant d’écrire gaiement et d’éviter les drames ces temps ci …

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  6. Leiloona says:

    @ Loredana : ça c’est du texto ! 😀 Bon, j’aime le métro, ses odeurs qui me donnent aprfois la nausée, je peste du monde, et pourtant, pourtant, je ne me vois pas quitter cette ville, c’est terrible. Même pour ma normandie. 😉

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