2015
J’ai crevé de t’aimer, et c’est toi qui meurs.
Deux ans après l’enterrement de son père, Paul refait surface. Pour supprimer à tout jamais ces rétroviseurs qui l’empêchent de regarder vers l’avant, voici qu’il revient sur différentes époques de sa vie. En d’incessants allers et retours, il tisse alors le portrait d’un père à la fois solaire et étouffant.
Comme le dit Jules Renard en exergue :
Un père a deux vies, la sienne et celle de son fils.
Deux ans de béquilles chimiques aux doux noms se terminant par -ac, -ine, ou encore -pran. Mais grâce à l’amitié indéfectible d’Oscar, Paul saura se détacher de cette figure paternelle omniprésente. Combien d’hommes sont réellement nés une fois leurs parents morts ?
Retour en arrière, nous sommes à la fin des années 70, et Paul fait la connaissance d’Oscar. Un lien se tisse, et deviendra vite indestructible. Ce garçon est un pilier pour Paul, face à sa famille unie en apparence seulement. Le père aime plaire et part très souvent en voyage d’affaires … Un père « carte postale », construit en pointillés voit alors le jour. Paul a beau vouloir l’épater, rien ne semble pouvoir étonner Jean-Paul.
Les années passent, Oscar est toujours là. Fidèle en amitié, il n’en est pas de même en amour. Gay libre et indépendant, il croque la vie à pleines dents et pour rien au monde n’arrêterait cette course … En parallèle, Paul vient de rencontrer Ava, une belle hôtesse de l’air. Une fois les enfants nés de cette union, et contre toute attente, Jean-Paul se révélera un grand-père extrêmement aimant …
La roue peut-elle vraiment tourner ?
Chronique douce-amère d’une vie d’homme encore en devenir, Que ton règne vienne surprend par son ton caustique du début. Face à son défunt père, Paul n’a aucune émotion. Sa petite vengeance fut même de lui payer un cercueil bon marché comme dernière demeure.
Voici qui attise la curiosité du lecteur : comment peut-on en arriver là ?
S’étalent alors des années de filiation, ou de non-filiation. Ce père n’a pas transmis, il a écrasé son fils. Jamais trop bien pour lui, souvent parti, le père éclate par son absence. Il est le père idéalisé, celui qu’on aimerait tant épater un jour, ombre d’un poids ambivalent, il en faudra tout de même beaucoup pour le haïr à sa juste mesure …
Le début de la narration m’a laissée à l’extérieur du récit : n’est-ce pas une thématique récurrente en cette rentrée littéraire de janvier ? Le dernier Philippe Besson, La Maison atlantique n’est-il pas construit sur la même problématique ?
La suite du roman m’a pourtant touchée. Là où le Besson s’essouffle, le de Moulins prend son envol. Loin de ne se concentrer qu’exclusivement sur cette figure paternelle, la narration fait aussi de la place aux amours féminines de Paul, mais aussi à cette belle amitié avec Oscar.
Le récit se fait alors chronique de ce monde où la femme active laisse davantage sa place à ce père auprès des enfants, chronique de ce monde où les homos veulent obtenir les mêmes droits que les hétéros, ont recours à ces « femmes sacs à dos » pour avoir la joie de devenir parents.
L’orientation sexuelle ne change pas l’aspiration à la route. Homme-femme, homme-homme, femme-femme, rien ne change finalement, puisque tout le monde veut la même chose. De la lumière, un point d’appui pour ne pas crever seul. C’est pourtant seul et dans l’obscurité que tout s’achève.
Voici un texte à l’humanité débordante. Paul nous touche et nous émeut par son histoire, par ce regard qu’il porte sur la vie, mais aussi par ces expressions criantes de vérité. Et de cet albatros claudiquant sortira un joli coquelicot, à la fois fragile de son passé, mais bien enraciné grâce à l’amitié.
Voici quelques extraits qui m’ont touchée … Les deux extraits concernent à chaque fois le sentiment amoureux …
Auteur(s) : Xavier Moulins (de)
Titre : Que ton règne vienne
Editions : JC Lattès
Collection : Littérature française
Date de Parution : 02/2014
Code EAN/ISBN : 9782709645744
Hachette : 4563169
Prix public : 18.00 €
Format : 130 mm x 205 mm
219 pages
Clara est plus réservée.
Je n’ai jamais lu cet auteur… Ce roman pourrait me plaire je pense…!
Je ne l’avais jamais lu non plus. 😉
Les extraits que tu nous donnent à découvrir sont très beaux.
Hé hé, je lles ai choisis exprès, tu t’en doutes ! 😛
Je passe en coup de vent te souhaiter une bonne soirée, car aujourd’hui, je manque de temps.
Bises.
Pas de souci, belle journée du coup ! 🙂
L’écriture fait mouche mais je suis restée quand même mitigée…
Marrant car pour moi ce n’est pas l’écriture qui a fait mouche, mais plutôt toutes les belles valeurs mises en avant et ces personnages touchants.
J’ai aimé de nombreuses expressions, très belles, très imagées, mais le style dans son ensemble, non. 🙂
Tu as beau être convaincante, je ne suis toujours pas tentée !
😆
Le propos ne te séduit pas ?
Je ne connais pas non plus l’auteur mais le sujet m’intéresse, je note!
J’ai aimé sa façon de le traiter, et j’ai été surprise par le bon enchaînement des problématiques soulevées : il n’est pas resté coincé dans la relation entre le père solaire et le fils passif, déjà vu et revu.
En fait, c’est surtout ton enthousiasme qui me donne envie de découvrir alors que sinon…
😆
Je crois, sauf erreur de ma part, que tu partages pas mal les idées véhiculées dans ce texte … Après le style, eh bien, il faut le lire, car cela est trop personnel. J’ai eu du mal au début, puis un lien avec les personnages masculins s’est crée.
Je te l’emprunterai après mon déménagement alors 😉
Stéphie m’oblige à venir te le dire ici en personne et en clavier propre, alors je m’éxécute, je trouve ton billet magnifique ! Xavier des Moulins progresse de roman en roman, il n’a pas bonne image et c’est idiot : c’est un vrai auteur. Je trouve que ce troisième roman est réussi, je n’ai pas pu le lâcher 🙂
😆
On doit te menacer pour venir jusque ici ? Eh ben ! 😮
Merci de ton commentaire … Je viens de voir sur facebook qu’Anne disait qu’il faisait débat. (Pour quelles raisons ?)
J’ai lu ce roman, sans savoir par exemple que ce journaliste avait reçu un Gérard pour sa voix et son intonation. Et c’est tant mieux, car j’ai pu lire ce roman sans l’image qu’il peut renvoyer. Là nous ne sommes pas dans le paraître, mais dans l’écriture, c’est différent.
En fait, je me fiche vraiment des ragots, des histoires de fesses des uns et des autres. Je prends un livre pour ce qu’il est : une histoire, un style… Le livre fait débat pour quelles raisons, d’ailleurs ? Je ne comprends pas très bien.
Autant le début m’a laissée à l’extérieur, autant j’ai été emportée par la suite, parce que l’auteur a su créer un lien avec les personnages, ils nous touchent par leur humanité. Là où Besson reste en surface, là il y a une belle analyse de l’âme humaine.
Nan mais tu sais ce que c’est, j’ai lu ton billet depuis mon tel, pas pratique pour laisser un comm, et puis après on oublie 🙂
Anne parle de débat parce que la plupart des commentaires que j’ai eu faisaient état d’une réticence, liée le plus souvent à des a priori, mais pas que, il est bien normal que certains aiment et d’autres pas.
Ne t’inquiète pas, je te taquine.
(Je fais la même chose dans le RER.)
Comme je ne regarde pas la télé, je ne sais pas vraiment qui est cet homme, ni quelle émission il présente … Je suis donc partie en terrain vierge d’a priori.