Fermer les yeux
Être happé
Par d’autres sons
Lointains, et pourtant cristallins
L’oud, la derbouka …
Dodeliner de la tête
Être ailleurs
Que dans cet enfer
Siège rétractable et éjectable
Au cuir déchiqueté.
Partir
Être de nouveau moi-même
Ce pincement au coeur
Ce soleil qui chatouille mon crâne
J’étais l’étranger
Je suis le vieillard
Mon exil passé
Sera mon paradis artificiel.
© Leiloona, le 27 avril 2014
Voici le texte de Ludovic :
Jean s’assoit et ferme les yeux sur ce monde bruyant, sans aucun répit sonore ou visuel, ou chaque espace est occupé par un produit à acheter, un film à voir, un groupe à écouter…
Il est fatigué par ce monde qui l’entoure, qui va trop vite, qui ne prend plus son temps. Jean a connu le monde sans téléphone, celui dans lequel on se parlait vraiment, on se voyait, on se touchait. Alors pensez bien que cet internet qui enferme les gens un écran à la main…
Il a aussi connu un monde sans pollution, où l’on cultivait pour se nourrir, sans avion pour déchirer le ciel, un monde dans lequel on pouvait sans crainte se baigner dans la petite rivière en bas de chez Mémé… Un monde éclairé à la bougie le soir autour du poste qui racontait des histoires.
Jean est d’un autre monde, d’une autre époque. Et pourtant, aujourd’hui Jean est là, dans ce métro. Ses derniers amis sont partis depuis longtemps, sa très chère Élise l’a quitté depuis presque 15 ans.
Restent ses deux fils et leurs enfants, une fois de temps en temps, le dimanche, mais toujours trop vite, toujours trop pressés…
Alors, seul, dans ce métro d’un monde auquel il n’appartient plus, Jean ferme les yeux, comme pour effacer ce monde, ce qu’il est devenu, comme pour mieux retourner dans la Normandie de ses jours heureux et insouciants, celle des plaisirs simples, autour d’une table pleine d’amis et d’amours.
Jean attend la fin… Il n’a plus grand chose à espérer de ce monde, et il est tellement impatient de retrouver son Elise, dans un ailleurs que lui a promis le prêtre chaque dimanche de son enfance. Mais Dieu semble l’avoir oublié… Pourquoi? « Vieillir est un naufrage… » disait le grand Charles, mais vieillir seul est une souffrance…
Qu’est ce qu’elle fout la mort?
En écho à la chanson de L Lemay : La centenaire.
Voici les liens vers les autres textes écrits à partir de la même photo :
Jak : Désespoir d’une sombre journée
Dame Mauve : Je ferme les yeux
Jean-Charles : Réflexion dans le métro
Sarah : Terminus
@Leiloona : encore un joli texte sur le thème de l’exil !
@Ludovic : effectivement, attendre la mort est parfois la seule chose qui reste à faire pour certaines personnes très âgées. Les rares plaisirs qui ponctuent les jours et semaines ne suffisent plus…
Merci ! 😀
Pas inspirée, cette semaine, miss ? 😉
Il y a une erreur pour le lien de Jack, c’est le même que pour Eva.
Bisous
Décidément … merci de me l’avoir signalé. 🙂 Je lirai vos messages demain, là je manque de temps. :/
j’aime beaucoup le texte de Ludovic mais triste quand on attend la mort.
Bisous
@Leiloo : On n’est jamais chez soi ailleurs ? J’ai du prendre le dico pour découvrir le nom d’instruments connus.
@Ludovic : Cette photo n’éveille pas forcément quelque chose de gai et sûrement que vieillesse et solitude se conjuguent ensemble.
Ah oui, ce sentiment d’être en exil perpétuel, je crois que je le tiens de ma famille … sans être non plus une bohémienne. 😉
Quant aux instruments, hum, j’ai un CD avec ces deux-là que j’aime beaucoup. 🙂
Tu exerces un métier qui semble mettre fin à un quelconque sentiment d’exil, pourtant !
Toujours l’exil… mais on est tous exilé de notre jeunesse…
– Jean médite et revoit sa vie… nous avons un peu le même thème !
Ah oui, la jeunesse est une terre fertile qui s’éloigne jour après jour … 😉
Deux jolis textes mais alors vous me filez le bourdon 🙂
Oops, oui, c’est vrai … la prochaine photo se veut plus joyeuse volontairement ! 🙂
Leïloona, tu exprimes si bien ces moments si durs.
Ludovic, ton texte me fait penser à ma mère. Avec la vie qui rallonge, mais dans quelles conditions, cela vaut-il la peine de vivre.
Merci Jacou. Tu n’as pas été inspirée cette semaine ?
En effet, pas d’inspiration; et les petits enfants…
@leiloona la vieillesse est elle un exil? On laisse tant derrière nous… A te lire, j’ai envie de répondre oui! Jolie façon de l’exprimer en tout cas! Que de mélancolie dans cette photo et les textes qui en sont sortis.
Merci, Ludovic. Oui, cette photo nous a inspiré des textes très mélancoliques, voire douloureux. Mais forts aussi …
@ Ludovic : j’admire la sérénité de certaines personnages âgées (dont ma grand-mère) qui attendent la mort de façon calme, car ils ont bien vécu … quelle paix en soi cela doit être !
J’arrive un peu après la bataille, désolée…
Moi je n’ai pas été très gentille, avec ce pauvre homme!
http://mespetitesrecres.blogspot.fr/2014/04/terminus.html
J’ai été très touchée par ton poème Leiloona, surtout lorsque j’ai découvert les 4 derniers vers… je suis sensible à ce thème de l’exil, et j’avais d’ailleurs participé à l’écriture d’un scénario de film sur l’exil, projet resté à l’état de projet… Il y a beaucoup trop de gens qui ne savent rien de la souffrance de l’exil et disent des paroles, ont des regards insultants sans savoir.
Bon 1er mai
J’aime beaucoup la nouvelle photo, là on est projeté dans une ambiance totalement opposée.
@ Ludovic : ce texte m’a également beaucoup émue. Je ne suis pas encore centenaire mais j’ai connu ce monde sans internet, même sans téléphone (mes parents l’ont eu tard, même moi, c’était pas donné il y a quelques années encore…) ; j’ai par chance été sensibilisée aux problèmes de notre environnement, j’essaye de me débrouiller avec toutes ces (r)évolutions technologiques, me disant de plus en plus souvent, sans être toutefois dans la nostalgie, qu’on n’est pas vraiment plus heureux. Le silence, la lenteur, l’espace sont devenus des symboles de luxe, des choses presque inaccessibles… on est submergé par cette société et on rêve d’autre chose, à mon âge je n’attends pas encore la mort… et je n’aurais pas pensé que cet homme n’attendait plus que cela… on peut au moins avoir un regard de compassion sur certaines personnes. C’est bon de se le rappeler et sortir de notre individualisme. Bon 1er mai.