D’elle je ne connaissais rien, et pourtant lorsqu’une amie m’a proposé d’aller à la rencontre de Niki de Saint-Phalle, j’ai tout de suite accepté, et j’ai bien fait.
Belle, féministe, révoltée, torturée, de nombreux qualificatifs pour cette femme protéiforme. Une brève biographie fait comprendre d’emblée au visiteur que l’exposition ne sera pas de tout repos.
De la jeune femme lisse qu’elle aurait pu être : mariée, deux enfants, une carrière de mannequin, Niki de Saint Phalle va passer par plusieurs phases de métamorphose. Diagnostiquée schizophrène, soignée par une série d’électrochocs, c’est un portrait torturé qui s’étale sous nos yeux. Quasi hypnotisant, quand nos yeux se posent sur l’ultime révélation, l’inceste, le viol d’un père, nous savons que de ses créations sortiront une transfiguration et une mystification du réel.
Commence alors le parcours. Un art violent fait de clous, de marteau, de scie et de vis. Là, des mariées presque cadavériques, d’elles n’émane aucune joie, seulement de la souffrance. On retient notre souffle, impressionnés, hypnotisés par l’émotion qui plus de 50 ans après s’échappe encore de ses oeuvres.
Rejet des conventions, de la société, du consumérisme aussi, le thème de la métamorphose est récurrent et quasiment glaçant.
Très rapidement, on passe à une nouvelle période : celle de ses « Nanas ». Exit les jeunes femmes asexuées, place à la démesure et à la couleur. Une nouvelle métamorphose vient d’avoir lieu.
Le rêve de Diane, oeuvre monumentale, montre alors à quel point se superposent deux réalités, entre onirisme et cauchemar.
Une autre période, encore, commence, celle des « dévorantes », les mères qui dévorent génération après génération leurs enfants.
Là encore, formes protubérantes, des couleurs extravagantes, mais toujours en arrière plan un détail qui dénote et interpelle, à l’instar de la balade du dimanche où un couple promène une araignée.
Déra(n)geant (je laisse ma coquille qui en dit long …) aussi, à l’image de ces funérailles du père :
L’avant dernière partie glisse vers ce qui lui valut l’entrée chez les nouveaux réalistes. Un art « coup de poing », un art de la rage, un art qui déconstruit à la carabine pour créer une oeuvre d’art. Des vidéos choisies ressort une rage proche de la folie, visage tendu, membres durcis, Niki crée en tirant sur ses oeuvres. Un art de la carabine.
La fin met en évidence cet art trop volumineux pour rester enfermé. Le Jardin des Tarots montre alors l’aboutissement de l’art de Niki de Saint-Phalle : une consécration réalisée avec Jean Tinguely, sculpteur et mari de l’artiste.
Exposition dont on ne peut sortir indemne. Une claque, une grosse, un amour aussi pour cette femme, une envie de la découvrir un peu plus.
En revanche, beaucoup d’enfants à cette exposition : on oublie souvent que Niki, ce n’est pas seulement les Nanas très colorées, mais c’est surtout cette âme torturée et animée d’une immense rage. Pour ma part, je n’y emmènerai pas mon enfant. Trop perturbant.
Mon coup de coeur expo de cette année, assurément.
Pour terminer, admirez ce visage si parfait, si doux aussi, mais animé d’un feu ardent, d’une rage qui ne s’éteindra jamais.
L’art naît-il forcément de la souffrance ?
Présentation et informations pratiques :
Niki de Saint Phalle (1930-2002) est l’une des artistes les plus populaires du milieu du XXe siècle, à la fois plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice de films. Si elle est surtout connue du grand public pour ses célèbres « Nanas », son oeuvre s’impose aussi par son engagement politique et féministe et par sa radicalité. Le Grand Palais propose la plus grande exposition consacrée à l’artiste depuis vingt ans et un nouveau regard porté sur son travail.
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais
7 Septembre 2014 – 02 Février 2015
Tous les jours de 10h à 22h (fermeture à 20h le dimanche et lundi)
Fermeture hebdomadaire le mardi
Vacances de Noël (20 décembre – 3 janvier) :
Ouverture de 9h à 22h sauf le dimanche 4 janvier de 9h à 20h
Fermeture hebdomadaire le mardi
Fermeture le jeudi 25 décembre 2014
Fermetures anticipées : mercredis 24 et 31 décembre à 18h
Dernier accès à l’exposition : 45min avant la fermeture des Galeries.
Fermeture des salles : à partir de 15 minutes avant la fermeture des Galeries.
TARIFS : Plein : 13 € Réduit : 9 € Gratuit pour les moins de 16 ans Tribu : 35€ (4 personnes dont 2 jeunes 16-25 ans)
Merci pour ton billet très intéressant, je ne connaissais que Les nanas. Elle a un superbe visage sur cette photo
Oui, il y a pas mal de photos d’elle, de magazines, car elle était mannequin aussi …
Je ne connais pas grand chose de cet artiste mais cette expo m’a permis d’en savoir un peu plus en faisant parler d’elle. Faire connaître au grand public des artistes et des œuvres, c’est aussi l’intérêt de toutes ces grandes expos parisiennes.
Oui, c’est une superbe rétrospective, en effet.
Et avec Paris, je n’ai que l’embarras du choix. 😀
C’est l’une de mes artistes préférées. Je suis d’accord avec toi pour le jeune public: je n’ai montré à mes enfants et à mes élèves que les Nanas… Très beau billet, merci!
Ah oui, je comprends … Je me vois mal expliquer certaines choses à Gabriel …
Et merci ! 😀
Ce fut un énorme coup de coeur.
Voilà une expo que je regrette de ne pouvoir aller voir. Merci pour ce billet très enrichissant. Bises
De rien Dolly ! 😀
Elle s’arrête en février, qui sait, peut-être que tu pourras monter ?
Bisous.
très beau reportage d’une expo que je n’irais pas voir ..
autant je suis très sensible à une partie de son vécu ..et de sa resilience ..autant je n’aime pas trop ces formes torturées …c’est trop violent pour moi ..
Par contre je ne savais pas qu’on pouvait faire des photos à l’intérieur !
L’exposition exprime une violence non feinte, oui … Mais comment dire, on en ressort grandi, du moins pour moi. 😉
Les photos sont autorisées, oui, j’ai même relayé sur twitter et instagram ! 😀
#museogeek
et connais-tu l’expo de Sonia Delaunay ? j’ai gagné une entrée 🙂
à decouvrir aussi !!
Hum, un ami ne m’en a pas dit le plus grand bien … je ne connais que de nom, pas vu l’expo. 😉
Je me suis posée la même question que toi par rapport aux enfants, vu le propos très fort et engagé de l’artiste sur nombre d’œuvres, je me demande comment on le présente à un jeune public. J’avais vu un bon reportage sur elle il y a quelques années et il y a eu un documentaire intéressant sur France 5 au début de l’expo. C’était une femme assez extraordinaire.
Oui, extraordinaire, mais ô combien torturée … faut-il autant de souffrances pour sublimer le réel ? 🙁
Quant aux enfants, les parents devraient en amont se documenter, « art coup de poing » ce n’est pas pour rien …
La souffrance pour sublimer le réel :-/ je suis dubitative, même si l’art suppose une nature hypersensible au départ, cela ne peut en aucun cas être une justification. Une expo que j’aurais aimé voir, j’avais déjà admiré la fontaine devant Beaubourg mais Paris est loin…
Une exposition qui était sur ma liste, mais vu comme tournent les choses je ne suis pas certaine de pouvoir aller la voir.
Oh ? Comment ça ? Ton message m’inquiète …
Non, rien de grave, c’est juste que je ne pense pas venir à Paris avant qu’elle ne ferme, c’est tout (alors que j’espérais un peu faire un tour vendredi mais… je suis trop épuisée) ^^
J’y étais hier (pas le même jour que toi, je vois des parapluies sur ta photo, hier on se gelait, mais pas de pluie) dérangeant, troublant, je ne regrette pas (mais bon, Hokusai me va mieux au teint). Un gamin à côté de moi était fasciné par le film de tir à la carabine…
Ce que j’ai appris sur elle et son père ouvre des horizons (noirs noirs) sur cette artiste (mais qu’elle est belle, pfffou)
Tu as fait de chouette de photos. Pour ma part j’ai pas osé, du coup je me suis rabattue sur celles du Musée. La dernière salle est extraordinaire je trouve, je dirais presque reposante. Ses sculptures monumentales comme le jardin de tarots (dont j’avais entendu parler) m’ont vraiment impressionnée. Je connaissais déjà Niki de Saint Phalle. J’ai appris à mieux la connaître au travers cette expo extrêmement réussie. Il y a également un bouquin qui vient de sortir sur elle écrit par Elisabeth Reynaud intitulé « Il faut saigner la peinture ». Je ne sais pas ce qu’il vaut, il est dans ma biblio mais je ne l’ai pas encore lu. Je l’ai feuilleté…il paraît pas mal du tout. Affaire à suivre.
Hello !
Alors je suis en moins en moins complexée par la prise de photos dans un musée,ici il n’y avait aucune mention d’interdiction, et en plus à l’entrée tu avais même un hashtag pour relayer les photos sur les réseaux, je crois que cela est en train de se démocratiser … enfin, sauf pour Orsay, mais c’est une autre histoire …
La dernière salle est apaisante, j’ai aussi ressenti la même chose que toi oui. Je ne connaissais pas cette artiste, et j’ai été bluffée par sa création, mais ô combien destructrice aussi …
Merci d’être venue commenter. 😉
Je ne sais pas si l’art nait forcément d’une souffrance mais il permet au moins de la sublimer comme c’est le cas ici. Je ne pense pas avoir le temps de faire cette expo, d’autres sont premières sur ma liste et j’ai pris beaucoup de retard.
En tout cas, les artistes qui m’émeuvent le plus sont très souvent ceux qui souffrent … ils transfigurent le réel, et il y a un besoin d’urgence dans leur art …
Je n’ai pas vu l’expo mais j’ai lu récemment une biographie de Niki de Saint-Phalle, quelle artiste et quelle femme épatante! Merci pour ces photos.
Oui, j’ai lu un billet sur le livre hier, effectivement il a l’air pas mal fait ! 😉
Je suis allée voir l’expo à Bilbao le week-end dernier. Chez les basques, pas de photos autorisées…. Pour rebondir sur ta remarque au sujet des enfants, j’y suis allée avec ma fille. Je suis passé très vite devant la scène du viol, tu t’en doutes, et elle n’a pas vraiment apprécié certaines parties mais par contre elle a bien accroché sur les nanas. Je l’avais un peu préparé avec un livre destiné aux enfants qui propose des jeux autour de l’œuvre de l’artiste. Du coup, elle était contente de voir « en vrai » des choses qu’elle avait vues sur le livre. Juste après la visite, elle m’a dit que ce qu’elle avait préféré, c’était la tête de mort.
Oui, je crois que les nanas passent très bien avec les petits ! C’est chouette de préparer tes visites pour elle ! 🙂
Quant à la tête de mort, je peux comprendre, elle est superbe … TroGnon aussi adore les têtes de mort / pirates.