Passe l’hiver, passent les jours (atelier d’écriture)

@Kot
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Le carrousel de voitures continue inlassablement son ballet, la guirlande de phares ajoute de la féerie à cette période bénie de douceurs en tous genres. Quelques klaxons détonnent dans ce cocon presque parfait. Je traverse la Ville Lumière, et mes pas mouillés me portent, m’emportent et laissent des empreintes sur le sol. Vite effacées.

La fresque de plusieurs vies derrière moi me ramène en arrière. De l’amour, de la tendresse, la candeur d’un enfant, son émerveillement, sa candeur. Souffle de vie inestimable, cadeau précieux à déballer chaque jour. Je souris mais peine à y croire. Des images d’Épinal pour adultes sages, des bons points, pourtant, qu’on aimerait détacher et rapporter chez soi.

Le froid pique mes lèvres, mes doigts bleus enserrent le parapluie qui menace de se retourner au premier coup de vent. J’accélère mon pas. Autour de moi le monde tourne toujours, mon pas m’emporte et me porte, je travers la Ville Lumière sans savoir vraiment si ce ballet sans fin n’est pas un tourbillon vain.

© Leiloona, le 7 décembre 2014

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Le texte de Ludovic :

Mythique soirée

Il a voulu la raccompagner, mais elle a préféré marcher. La soirée avait été agréable, ils avaient beaucoup parlé, de tout, de rien, de leur vie d’avant, de la vie d’aujourd’hui, puis du temps qui passe, et de ce qu’ils attendaient pour demain.

C’est Sophie qui l’avait poussée jusqu’ici, au prix d’un lobbying incessant. Elle avait fini par dire oui. Depuis le départ précipité et inattendu (pour elle en tous cas!) de Marc, elle était devenue moins jolie, s’était enfermée sur elle même, flétrie, manquant d’amour, de quelqu’un qui la regarde et la trouve belle… Alors, pourquoi ne pas essayer ces nouveaux moyens modernes de rencontre auxquels elle était au départ opposée, finalement…?

Elle avait scrupuleusement rempli son profil, tout d’abord… Honnête, elle avait annoncé ses petits défauts! Résultat : Aucun contact sérieux, juste des plans d’un soir, des types qui ne veulent que le plaisir et refusent de s’emmerder avec les petits soucis du quotidien.

Alors, elle avait un peu modifié sa fiche. Pas vraiment de mensonges, mais des petites omissions… Est ce important de dire qu’on est maniaque, un peu jalouse et parfois colérique?

Elle correspondait avec Pierre depuis plusieurs semaines, par mail d’abord, puis par téléphone, pendant parfois plusieurs heures. Ils avaient évidemment échangé leur photo, et elle le trouvait plutôt mignon…  Ils avaient des idées en commun, une façon proche de voir la vie et de gérer ses aléas. Elle sentait que, peut être, il pourrait se passer quelque chose.

 Elle avait donc préparé ce premier rendez vous, minutieusement. Elle avait passé un temps conséquent à choisir sa tenue, ni trop provocante, ni trop simple. Et comme Bridget, le choix des sous vêtements avait été cornélien… au cas où! Puis l’endroit : pas trop loin, qu’elle connait, pour le coté rassurant, mais où l’on a peu de chance de tomber sur des collègues de boulot…

 Bref, tout était prévu, rien ne pouvait échouer.

Le repas s’était divinement bien passé, la complicité née de leurs longues conversations téléphoniques se confirmait, ils avaient des milliers de choses à se dire, à se promettre, alors qu’elle avait eu si peur de ne pas savoir quoi lui raconter…

A la fin du repas, il lui avait donc proposé de la raccompagner.

« Je ne t’invite pas à la maison, ma femme et mes enfants ne sont finalement pas partis en weekend… »

Elle a ravalé sa fierté, s’était retenue de le gifler, et avait prétexté une envie de marcher…

 Et voilà qu’il se mettait à pleuvoir… Foutue soirée !

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Le texte d’Hermione : 

LA NUIT OÙ J’AI COMPRIS

C’était un soir. La pluie avait enfin cessé. J’étais sortie de chez moi avec mon parapluie pour aller faire des courses. Je suis arrivée dans une rue déserte. Je me sentais seule, très seule. Quand soudain, je me suis arrêtée. J’entendais une voix dans ma tête qui me disait : « Regarde le mur à ta gauche, Zoé, regarde-le ! » Alors j’ai tourné la tête, et j’ai vu un mur blanc où des gens avaient dessiné. Je me suis approchée. On voyait des gens qui marchaient, regardaient un bateau ou qui couraient. Et dans ma tête, j’ai eu l’impression que ce mur voulait me donner un message. Et soudain, j’ai remarqué que personne n’était seul sur ce dessin. Tout le monde était avec quelqu’un : un enfant, un ami, un mari… et alors, j’ai compris le message du mur. Il me disait de faire comme les gens du dessin, de ne pas rester fermée au monde, mais de me faire des amis.

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Le texte d’Evy : 

La passante : 

Tous les soirs, en prenant mon service de gardien de nuit dans cet hôtel miteux de banlieue, je la voyais passer, de son pas décidé et souple à la fois. Avec ses cheveux longs et bruns, sa peau d’ébène, je l’avais surnommée pour moi seul « ma panthère noire ».

 Bien des fois, j’ai pensé l’accoster, lui proposer d’aller boire un café, mais quelque chose m’en a toujours empêché : la timidité, la peur d’être rejeté, d’être jugé pour ce que je ne suis pas, jugé sur les apparences surtout…

 Chaque soir, je m’imaginais ce que devait être sa vie, où elle allait… Etait-elle mariée ? Avait-elle des enfants, un mari aimant ? Ou au contraire vivait-elle seule, dans un modeste appartement, ou encore chez ses parents ? Quel âge pouvait-elle avoir ? 20-25 ans, tout au plus ?

 Je tentais de deviner son intérieur : coloré, certainement, avec des tentures et des bibelots ethniques venus de son pays. Mais de quel pays pouvait-elle bien venir ?

 Ce soir-là encore, je la regardais passer, un peu courbée sous son parapluie, à lutter contre le vent qui tentait de le retourner. Il pleuvait si fort, la pauvre petite… Je lui aurais bien dit de venir s’abriter, mais l’hôtel était si minable qu’elle se serait enfuie à toutes jambes. Je suis sûr qu’elle aurait pensé que je voulais la draguer. Si elle avait su à quel point elle comptait dans ma vie triste et solitaire…

Elle a traversé comme à son habitude, mais plus rapidement peut-être, à cause du mauvais temps. Je n’ai pas pu crier. Je n’ai rien pu faire depuis mon fauteuil roulant, quand j’ai vu arriver la voiture qui l’a renversée devant mes yeux horrifiés.

 J’ai trouvé le courage d’aller la voir à l’hôpital cette fois. J’ai tellement eu peur de la perdre…

Je l’ai soutenue quand elle baissait les bras et qu’elle voulait en finir. Je lui disais de ne pas abandonner, que la vie est belle malgré tout, qu’ELLE était belle. Je venais à toutes ses séances de rééducation, la motivant et l’encourageant quand elle avait trop mal. Jour après jour, nous avons tissé des liens très forts et je lui ai enfin avoué mon amour. Doucement, il est devenu réciproque.

Cette histoire est la nôtre, à Noura et à moi. Nous vivons ensemble aujourd’hui et j’ai quitté mon emploi dans ce sinistre hôtel. Nous avons un « bébé panthère noire » : Perla, notre perle d’amour à tous les deux et nous roulons plus que nous marchons, la tête haute, fiers d’être vivants.

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Et voici vos liens :

Jacou : Au-delà des apparences

Vu de mes lunettes : Le coeur a ses raisons

PierForest : La petite croix bleue

Adrienne : Comme faire du Delerm

Sabine : Arts … de vivre

Jérémy : Eléonore

Olivia : Attends-moi

Cécile : Elle imagine, elle vit

Antigone

Les tribulations d’une lectrice : Souvenirs

Myrtille 

Fred Mili : Les corps tagués

Titine

Paikanne : Entourloupe

Stephie

Cess : Le mur

Monesille : Tous les matins

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Leiloona

Museo geek l’hiver, sirène l’été.
Je lis et j’écris durant les 4 saisons.
J’aime le bon vin et les fromages affinés.

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56 commentaires

  1. Bonjour !
    Je ne sais pas si vous avez eu mon mail hier avec mon histoire…
    @Ludovic : j’ai adoré ton texte !

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  2. La ville, la nuit, la pluie… voilà les sortes de méditations que cela génère 🙂
    (et chez Ludo, ooohhh la goujaterie ;-))

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  3. Un atelier qui souffle l’optimisme et le pessimisme ce matin.
    Leiloona: courir, courir, et finir par s’arrêter pour en questionner le sens. Encore une fois les images que tu utilisent fonctionnent à merveille a mi chemin entre le ravissement de la ville lumière, et la désillusion de la vie qui file! J’aime beaucoup!
    Hermione: belle idée que celle de voir des messages envoyés par la vie! Savoir lire l’espoir dans les p’tits signes!
    Evy: une chute pleine d’espoir également. On se demande longtemps les intentions du narrateur, c’est réussi!

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    1. Tu utilises… Désolé pour l’immonde faute de conjugaison… Je file prendre ma classe de cm2… Je pense qu’on va faire conjugaison!!! 😉

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      1. 😆 J’ai éclaté de rire quand j’ai lu ton commentaire … les élèves faisaient une recherche sur le fantastique, ils se sont demandé ce que j’avais. 😛

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    2. J’aime surprendre dans mes textes et faire passer le plus d’émotions possible. Merci pour le compliment, ça fait vraiment plaisir ! :))

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  4. Le tourbillon de la vie parisienne qui nous porte, nous transporte mais on ne sait pas trop où ! Très joli texte Leiloona !
    @Ludo : je sentais bien que cette jolie soirée allait mal se finir !

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  5. Je voulais laisser un commentaire sous le texte de Jérémy mais c’est compliqué. S’il passe par là, rajouter un item Nom/URL permettrait de commenter et s’identifier facilement.

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    1. J’ai modifié les paramètres en ouvrant au maximum l’accès aux commentaires. J’ai vérifié, on peut maintenant sélectionner plusieurs options d’affichage (compte google, wordpress, nom/url etc.). J’espère que ça résoudra le problème.

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  6. Bonjour Leilloona, Je vois que tu n’as pas eu le temps de repasser sur ton blog hier soir, il est vrai que je l’ai publié un peu tard, je rajoute donc mon lien ici.

    http://monesille.wordpress.com/2014/12/07/tous-les-matins/

    Noël amène toujours son lot de réflexion sur la vie et ton texte est très parlante, courir toujours, mais jusqu’où ?
    J’ai beaucoup aimé aussi, les autres texte en particulier celui d’Hermione.
    Bonne semaine.

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  7. @Leiloona un texte presque féérique. J’aime l’idée, des pas vite effacés.

    @Ludovic : Un habitué des réseaux sociaux peut-être ? Un texte qui évidemment décrit une dure réalité.

    @Hermione une belle interprétation.

    @ Evy : Quand le destin s’emmêle la fin est parfois inoubliable

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    1. J’ai essayé de faire une fin positive, pour une fois !! :))) Une note d’optimisme !

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  8. @Leiloona : ton texte est vraiment joli, un vrai cocon. La fin nous rappelle la triste réalité de la vie…. J’ai tendance à me dire qu’il vaut mieux ne pas trop se poser ce genre de question si on veut avancer.

    @Ludovic : quelle terrible chute ! Je me disais bien que tout cela était trop beau pour être vrai !

    @Hermione : voir des messages dans le monde qui nous entoure, c’est une chouette idée.

    @Evy : dommage qu’un évènement si cruel soit nécessaire pour que deux êtres se rencontrent mais la vie est parfois ainsi faite.

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    1. Merci ! J’ai voulu justement faire d’un événement négatif une fin positive et pleine d’espoir.

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  9. @Leiloona : Je me demande ce qui lui est arrivée ! A-t-elle tout perdu ?
    @ Ludovic : Arff ! Je ne m’y attendais pas ! 🙂 J’ai les « boules » pour elle 🙁
    @ Hermione : Parfois il nous faut un petit signe pour nous sortir de l’eau. C’est chouette de penser que l’art, sous quel forme que ce soit, puisse nous « sauver » 🙂
    @ Evy : Très fort ce texte !

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  10. @ Jeremy: tout comme Stephie, impossible de laisser un commentaire. Il faut en effet que tu ajoutes l’option Nom/URL.
    Mais voici ce que j’avais mis :
    « On ressent beaucoup de sensualité dans ce texte et dans ses descriptions.
    Descriptions si précises que l’on s’imagine sans peine les moindres détails de cette scène. Bravo 🙂 »

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    1. Merci beaucoup beaucoup!

      J’ai regardé les paramètres, j’ai modifier un truc, j’ai ouvert à tous les commentaires mêmes anonymes, en espérant que cela règle le problème.

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  11. @Leiloona: Très joli texte. « La guirlande de phares », quelle belle expression, qui ramène à la vie qui va trop vite, comme lorsque l’on prend un cliché et que l’on capte uniquement le mouvement.

    @Ludo: On hésite parfois à se montrer tel que l’on est, de peur de ne pas être à la hauteur, mais au fond, embellir la réalité fini toujours par nous rattraper. Vaut mieux jouer franc-jeu, dès le départ, même si ça limite les possibilités….Elle aurait dû le giffler, il l’a bien mérité le vilain Pierre.

    @Hermione: Il faut rester alerte aux messages que nous envoie la vie.

    @Evy: Quelle magnifique histoire.

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    1. Le lien que tu avais donné ne marchait pas, je sais bien que tu as donné ton lien puisque je l’ai inséré … mais ton blog est un vrai labyrinthe et l’article n’apparaissait pas dans les derniers publiés.
      Mais si tu publies avant tout le monde, cela ne m’étonne pas que je ne puisse pas le retrouver.
      Serait-il possible de respecter la seule règle du jeu que j’impose ?

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  12. le texte d’Hermione est touchant …
    Ultramoderne solitude de nos grandes villes …

    ps cela me fait penser à ces sites amicaux qui sont plus un boulevard de rencontres ..et de sorties en accéléré ..que de vrais liens amicaux et sur le long terme …
    on bouge à cent à l’heure, on fait plusieurs sorties à la suite, on passe d’une personne à une autre sans jamais s’y attarder …

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    1. Mhhh … une vraie amitié est rare, et si sur des sites (amicaux ? forum ?) on peut aussi trouver de vrais amis, si si … mais comme partout ailleurs, cela est rare. Comme dans la « vraie » vie quoi.

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  13. Je prends enfin le temps de lire posément les textes et de les commenter …

    @Leiloona : j’aime ta façon de mettre des mots sur le quotidien, on marche, on file, on ne s’arrête que trop rarement et pendant ce temps, la vie défile …

    @Ludovic : ooooh cette chuuute ! Je ne m’y attendais pas du tout, j’espérais que le romantisme allait l’emporter. Rah les hommes, tous les mêmes ^^

    @Hermione : J’aime beaucoup ta vision. C’est tellement réaliste … il suffit d’un pas pour s’ouvrir aux autres, pour apercevoir enfin le bonheur. L’important c’est de le comprendre ! Et en quelques lignes, on a l’impression de trouver la solution. Merci pour ce texte 🙂

    @Evy : oooh ton texte est tellement triste, et pourtant si beau en même temps. Tout en finesse, en émotions et en pudeur … j’adore !

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