Je suis, tu es, nous sommes Charlie (Atelier d’écriture)

© Julien Ribot

© Julien Ribot

Entends-tu ce souffle
Jaillir de nos poitrines meurtries ?
Monter au-delà des toits de Paris
Et former pour un temps
Une union sacrée
Qu’on pensait démodée ?

Entends-tu ces pas
Scander silencieusement
Des idées républicaines ?
Regard levé
Visage uni d’une patrie
Aux mamelles trahies.

Entends-tu ces coeurs
Tous différents
Mais battant
La même cadence ?

Coeur verrouillé
Coeur attaché
Qu’on ne pourra déloger.

Entends-tu la liberté s’élever ?

© Leiloona, le  janvier 2015

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Le texte de Ludo : 

17h… Mercredi

Le réveil s’allume, la journaliste de la radio annonce des mots qui me chahutent, que je ne comprends pas… D’un direct à l’autre, je sors de mon sommeil et reçois comme un coup de poing. Quelque chose de grave vient de se passer, je pense le comprendre, mais encore endormi, je ne capte pas l’essentiel du message de la radio. Tout est confus. Je coupe la radio, et descends à la cuisine.

Un café dans la main, je m’installe face à l’écran de télé. Les yeux encore brouillés par le sommeil, je reçois les images brutales, sans vraiment les comprendre. Quand tout devient clair, l’horreur me submerge… le dégoût aussi… puis les larmes! Je ne peux me détacher de ce flot d’images, d’infos et de saloperies qui se déverse en moi comme s’il traversait mon écran de télé.

L’heure de mon départ pour le boulot arrive enfin, me libérant des images qui m’ont retenues tout le reste de mon après midi, comme hypnotisé par l’absurde…

Je dois rejoindre mon boulot, qui ce soir passera peut être inaperçu, tellement le pays est occupé… Parce que depuis plusieurs jours je suis hué, conspué pendant une bonne partie de la soirée… Je bosse pour la mairie, et depuis 5 nuits maintenant, j’ai pour mission de démonter les rambardes du pont des arts, d’en retirer les grillages croulant sous le poids des cadenas des amoureux, pour replacer des grillages neufs, jusqu’au prochain trop plein d’amour dont le poids en cadenas fera saturer le pont!  Alors évidement, les dits amoureux ne sont pas très compréhensifs, et me reprochent ce que j’y fais…

Ce soir, c’est plutôt calme, malgré ce que l’on pourrait croire…  Le rassemblement spontané occupe les parisiens plus loin, et je suis presque seul sur le pont… C’est d’ailleurs assez étrange. Une atmosphère de fin du monde.

Il est 23h, j’avance sur le pont. Je place mes oreillettes, option lecture aléatoire… Halleluya… Jeff Buckley… La vie est parfois ironique… Les larmes coulent le long de mes joues… je suis incapable de bouger. Les images de l’après midi me reviennent, s’impriment sur ma rétine, et je pleure… je ne peux rien d’autre…

Pas question de retirer des symboles d’amour ce soir… les gens que je croise en ont trop besoin, comme un rempart à la peur, un rempart à la barbarie… Je sors mon téléphone, appelle Fanny, pour lui dire, en larmes, combien je l’aime et combien elle compte pour moi… Puis je sors un cadenas de ma poche, y dessine un cœur, y écrit mon initiale et celle de Fanny, puis l’accroche sur le grillage neuf, que j’ai posé la nuit dernière, malgré l’interdiction…

Aimez vous, serrez vos proches dans vos bras, chaque jour, sans raison, et surtout dites leur que vous les aimez…

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Le texte d’Hermione : 

Le cadenas

Nous sommes le 7 janvier 2015. Michel presse le pas. Le soleil se couche. Il court et, enfin, arrive sur un pont surplombant la ville. Michel s’agrippe à la barrière du pont en métal et reprend son souffle. Puis il sort un petit objet métallique de sa poche. Soudain, une dame approche et lui demande :

– Que faites-vous, jeune homme ?

Michel lui montre le petit objet dans sa main.

La dame lui demande :

– Que voulez-vous faire avec ce cadenas ?

Michel lui montre à nouveau le cadenas et la dame le regarde attentivement. Il est d’un métal jaune et dessus il y a dessiné un cœur noir. La dame se dit : « Ce garçon muet est en deuil. Mais qui est le mort… Oh ! »

Elle regarde Michel et lui dit :

– Je comprends que l’histoire des terroristes ce matin dans les bureaux de Charlie-Hebdo vous ait choqué et rendu triste. Bon, au revoir.

La dame descend le pont tandis que Michel ouvre le cadenas. Il le referme sur la barrière du pont et part chez lui. Sur le cadenas est marqué :

Je suis triste pour toi, mon meilleur ami, et je travaillerai aux bureaux de Charlie-Hebdo comme tu l’as fait.

Michel, ami de Stéphane Charbonnier aussi appelé Charb.

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Et voici les liens vers les autres textes écrits à partir de la même photo : 

Jacou : L’amour cadenassé

Adrienne : Comme je ne suis pas Charlie

Antigone

Saxaoul

Josette

Titine

Lady Marianne

Fred Mili

Myrtille

Insatiable Charlotte : La clé

Nos amis les mots

Sarah : Un jour

 Nath Choco : Ces idéaux qui éclairent le monde

Anne Véronique Herter

Stephie1 / 2 / 3 / 4

Pier Forest : La clé de toute l’affaire

Sabine : J’écris ton coeur, liberté

Danielle : Madeline

 

Et un petit lien vers une jolie chanson …

Jeanne Cherhal « Femme debout »


une-photo-quelques-mots1

 

55 comments

  1. nathchoco says:

    ah je n’ai aps du laisser mon texte au bon endroit. Le voici donc : http://www.unchocolatdansmonroman.fr/2015/01/ces-ideaux-qui-eclairent-le-monde.html

    Comme toi Leilooona j’ai choisi le vecteur de la poésie pour dire l’espoir qui doit nous animer et le poids des mots. J’aime bien l’image de Ludo : un rempart contre al peur et la barbarie et le cadenas comme symbole à jamais attaché d’Hermione.
    Merci de m’avoir permis de m’exprimer 😉

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    • Leiloona BricaBook says:

      J’ai aussi écrit un texte en prose, mais je ne l’ai pas publié, il sonnait moins juste pour moi … Et ce n’était pas du tout le même sujet … mais il fallait faire un choix ! 🙂

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  2. Sabrina says:

    Leiloona, j’ignorais que tu écrivais aussi des poèmes. Celui-ci st beau, fort, transmet le ressenti d’hier et de ces derniers jours !
    Quant au texte de Ludovic, la seconde partie est très émouvante, belle… et les dernières lignes, braver l’interdit pour quelque chose qui le dépasse, bravo !

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  3. milleetunefrasques says:

    Whaouh, trois très beaux textes ici !
    Leil et ton phrasé en vers qui prend encore plus sens quand il clame l’élan fraternel et de liberté.
    Ludo et cette jolie histoire de Monsieur tout le monde et cette idée qu’n l’on devrait appliquer chaque jour : s’aimer et se serrer les uns contre les autres
    Hermione : très bel hommage, il me file des frissons

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  4. titine75 says:

    J’aurais aimé réussir à créer une fiction comme Ludo et hermione à partir de mes émotions de la semaine dernière. Très beau texte Leiloona qui traduit bien ce que nous avons vécu hier dans les rues de Paris et d’ailleurs.

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    • Leiloona BricaBook says:

      A chacun, je crois, de choisir ce qu’il veut faire passer … la prose, pour moi, est moins forte, moins percutante qu’un poème. Sans doute pour cette raison que j’aime beaucoup le haïku …
      J’ai aussi dans mes brouillons une fiction, mais je n’ai pas réussi à en tirer ce que je voulais. J’ai donc choisi les vers. Et d’ailleurs cette forme que vous voyez n’était pas l’initiale. Il y eut un avant et un après la marche.

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  5. Philisine Cave says:

    Le temps me manque pour lire les autres textes. Sache, Leil, que le tien m’a touchée. Bisous et bonne journée à tous et à toutes.

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  6. LADY MARIANNE says:

    je me voyais chanter la Marseillaise en lisant ton poème !
    j’ai apprécié ! pas facile cette photo suite à ces évènements tragiques-
    bonne semaine-
    je vais essayer de poster des coms en suivant les liens-

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  7. sabine says:

    Leil ….. merci à toi pour ce que tu as proposé cette semaine. Tu nous as donnée la force d’écrire, de laisser s’exprimer les mots, nos mots, la liberté d’exprimer ce que nous ressentions. Merci. A très vite.

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  8. saxaoul says:

    @Leiloona : je crois qu’on a un profond besoin de se réchauffer le cœur et de se rassembler en ce moment. Espérons que le mouvement ne s’arrête pas là.
    Je connais presque par cœur les paroles de cette chanson de Jeanne Cherhal mais je n’y ai absolument pas pensé ces derniers jours. l’entendre me fait un bien fou…

    @Ludo : je ne dormais pas mais j’ai mis aussi un certain temps avant de comprendre ce qui se passait réellement. Bravo d’avoir réussi à écrire une fiction !

    @Hermione :Il ne faut pas oublier les anonymes dans cette tragédie et tu as raison de le souligner.

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    • Leiloona BricaBook says:

      @ Saxaoul : Je doute qu’il n’y ait plus rien par la suite, vu l’élan, mais même s’il n’est pas public, chacun peut agit à sa manière, silencieusement, ou presque. 🙂

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  9. josette2 says:

    Comme tous ces textes sont beaux et émouvants, j’aime ton poème Leiloona , il est indispensable ; Ludo m’a fait trembler, Hermione c’est fort ce que tu as fait.

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  10. Anne-Véronique says:

    @ Leil : beau poème d’espoir, des questions restent en attente, mais je suis certaine que nous sommes beaucoup à avoir entendu…
    @ Ludo : tu as très bien raconté un bout de vie d’un anonyme, qui, à son niveau a voulu agir. Avec un beau message final. Personne n’est personne : tout le monde est Charlie…
    @Hermione : cette tragédie nous a tous blessé, mais va, je l’espère ouvrir des vocations et aider tout le monde à ne pas abandonner face à la violence. A ne pas avoir peur

    je vais faire un tour chez vous, entre maintenant et tout à l’heure, pour les autres 😉

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  11. pierforest says:

    @Leiloona: Ne laissons pas la haine et la peur dicter les règles.

    @Ludo: Parfois, les grilles et les cadenas sont les remparts de ce qu’on veut garder à tout prix.

    @Hermione: Muet ou à court de mots.

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  12. monesille says:

    Tu m’excuseras Leiloona de ne pas avoir eu le coeur cette semaine, l’écriture. Ton texte se lit d’un souffle. Espérons.

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  13. Ludo says:

    Merci pour tous vos jolis commentaires! J’ai écrit vite, sans trop réfléchir, un besoin! Et la fiction pour une mise à distance… Ca aussi un besoin! Mais le message n’en est pas moins personnel: aimons nous et disons le!
    Leilonna : d’habitude j’aime moins tes vers, mais ceux la sont très justes, décrivent au plus près les émotions de ces jours passés, et le rythme sert le propos, ce qui je trouve est le plus difficile a reussir! Bravo, c’est un très chouette texte!
    Hermione: bel hommage à charb, dont le dernier dessin prémonitoire est insoutenable, maintenant qu’il a pris un tout autre sens!

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    • Leiloona BricaBook says:

      Ah oui, tu aimes moins mes vers ? Pourtant c’est ce que j’écris le plus. Zut alors … 🙂

      J’ai aimé ton texte, Ludo, beaucoup … il m’a vraiment touchée hier soir. 🙂 Un élan du coeur. Oui, il faut le dire, et nous ne prenons pas assez soin, en général, de nos proches, nous vivons comme si nous étions éternels …

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      • Ludo says:

        Je te l’avais déjà dit je crois, j’aime quand tu développes des histoires plus longues, en prose. J’aime moins les vers, mais tu m’as fait mentir plusieurs fois, avec des poèmes forts et émouvants!

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