Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style.
Au théâtre de l’Atelier, cinq soirs par semaine, Jacques Weber incarne Flaubert. Librement adaptée de sa correspondance, la pièce montre une image détonante du romancier.
Nous connaissons tous sa monomanie pour le style parfait, ses brouillons sont remplis de ratures, de gribouillis : un homme continuellement à la recherche de la perfection, un Graal bien compliqué à atteindre dans l’écriture.
La correspondance de Flaubert contient forcément ses réflexions à propos de la littérature. Incisif, mordant, sarcastique, Flaubert écrit sans retenue ( puisque les lettres n’étaient pas destinées à être publiées), et il balance sans vergogne, notamment sur Musset qu’il considère comme de la sous-littérature.
Toutefois, nous connaissons moins du romancier son côté cru et frivole.
Du sang, pas de la lymphe !
Et on peut dire que les extraits choisis envoient ! Du sang, du lupanar, des filles de joie, des fesses, des tétons ! Flaubert ne s’embarrasse de rien et surtout pas des sentiments. Le corps exulte, Flaubert prend le plaisir où il est, et livre aux spectateurs son coeur grand ouvert !
Un personnage entier, donc, porté par un comédien magistral. Près de 1 h 30 d’un tempo soutenu et enlevé interprété par un Weber bluffant. Des jeux de voix qui n’ont rien d’artificiel, une incarnation parfaite : Weber est Gustave, et tous ses pores de la peau transpirent le nom de Gustave.
Dans un faux monologue (il est accompagné d’Eugène un domestique qui ne prononcera qu’un mot durant toute la représentation), le spectateur reconnaîtra sans doute quelques réflexions qu’on retrouve dans Bouvard et Pécuchet ou encore dans Madame Bovary. En effet, il existe de troublantes correspondances entre ses lettres et ses romans. L’homme n’était pas si différent du romancier, même si Flaubert a toujours refusé être un personnage public.
Des accents résolument modernes aussi, avec des remarques sur la vie politique de son époque qui démontrent bien que rien n’a changé depuis deux siècles (malheureusement). Un regard mordant sur les gens, quels qu’ils soient. N’est-ce pas Flaubert qui dans sa lettre de rupture à Louise Colet a écrit : J’ai appris que vous vous étiez donné la peine de venir, hier, trois fois, chez moi. Je n’y étais pas. Et dans la crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part pourrait vous attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir : je n’y serai jamais. J’ai l’honneur de vous saluer.
L’ensemble est servi par un décor somptueux : on entre chez Flaubert dès les premières minutes. Parfois peu de choses suffisent : un mur à la chaux, une table, une chaise, un lit, une petite musique et de l’orage dans l’air … On passe plus d’une heure suspendu aux lèvres de Weber. Comment ne pas retenir le fabuleux faux discours à l’Académie française ?
Courez vite voir cette démesure d’une modernité troublante, portée par un Weber tonitruant !
Informations pratiques :
Théâtre de l’Atelier
1 Place Charles Dullin
75018 Paris
www.theatre-atelier.com
Jusqu’au 25 juillet 2015 à 21h00 (du mardi au vendredi) le dimanche à 15h30
Merci, ça fait envie ! mais nous sommes loin de Paris. Par contre, c’est marrant, nous avons eu vendredi un spectacle basé sur des lettres échangées entre Ivan Tourguéniev et le couple Viardot. J’aime les spectacles basé sur les correspondances.
Bon dimanche
Oui, c’est ce que je me disais aussi pendant le spectacle ! Et comme je suis dans un bouquin de correspondances (sur des lettres de rupture de grands romanciers), la boucle est bouclée ! 🙂
Très envie de me plonger dans cette pièce, avec cet acteur en prime! Mais bon, je suppose qu’elle ne sera pas jouée en juillet aout!!!
Ah oui, plonge, plonge et la pièce continue jusqu’au 23 août ! Tu pourras donc la voir ! 😀
ah si , je viens de vérifier!!!! Bon ya plus qu’à;…
Ouiiii, voilà. 😉
Comme c’était bien ! Et Weber, ah Weber !!
C’était la première fois que je le voyais « en chair et en os ». La magie et le pouvoir du théâtre. ♥
Oh, comme ça donne envie !
Oh que oui ! Si tu fais une virée parisienne avant le 23 août, fonce ! 🙂
place réservée pour le 26/07 😉 Merci Leiloona pour ton post qui m’a fait découvrir l’existence d’une telle merveille théâtrale ! Weber sur scène j’adore tellement il nous transporte, Flaubert je succombe à ses écrits alors 2 en 1, trop hâte 😉
ai vu la pièce ce jour car visiblement les représentations ont été écourtées. Superbe moment théâtral avec un Weber au meilleur de sa forme dans ce rôle qui lui va si bien ! Merci encore pour cette découverte ! 😉
Oh je suis contente que tu aies aimé, oui, Weber y est excellent et Flaubert est d’une modernité bluffante !
Merci pour le partage!
c’était vraiment superbe en effet et très enlevé!
Un grand ! 🙂