Dis, c’est encore loin ? (Atelier d’écriture)

Courir dans le sable, déployer nos rires cathédrales vers l’Océan béni, sauter par delà les brindilles, oublier écorchures et griffures, tomber, rouler, jouer.
Se regarder, toucher de nos cils cet élan infini, et croire un instant en l’éternité.

Oublier pour un temps les miroirs aux alouettes, l’hypocrisie collet monté, les sourires muselés et les oreilles traînantes ; ranger dans la remise nos mines chiffonnées de grisaille. Redonner aux choses leur vraie valeur.

Sentir le ressac sur nos joues, nos cheveux frisotter d’un bonheur salé. Là, sous nos pieds, du sable crépite et pique, des crabes prennent tout de travers et la poudre d’escampette, et des rigoles d’eau forment de fraîches farandoles.

Souffler : l’été est arrivé.
Il est temps de refermer ses cahiers.

© Leiloona, le 5 juillet 2015

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Le texte de Nady :

Rendez-vous avec la Mer

Liberté, sérénité et évasion :

voilà ce que m’inspirent,

ton immensité et ton horizon,

dans mes plus beaux souvenirs.

Terrain de jeux de mon enfance,

tu as su être le doux paysage de mon adolescence :

quel immense bonheur de t’apercevoir au loin,

pendant les longues heures d’entretiens

avec la philosophie et la physique,

avant les cours de gymnastique.

Je te dois certainement l’inspiration de mes dissertations

et les secondes salvatrices de pause entre deux équations.

L’âge adulte m’amène loin de toi…

Mais même entourée de tours tu restes gravée en moi.

Tu es mon autre, mon Paradis,

même si parfois tu te transformes en tsunami.

Comme tu peux être belle quand tes vagues se déchaînent,

pour le plus grand bonheur des surfeurs qui n’aiment pas les chaînes,

même si ta faune parvient parfois à s’emparer de quelques uns d’eux.

Tu m’émerveilles aussi quand tu te maries avec le feu

et tu m’apaises quand tes vagues viennent caresser le sable chaud.

Tu es une de mes priorités vitales, aussi importante que l’eau.

Je te suis fidèle car il ne se passe pas une année où je ne te vois pas.

Pas  mal de continents ont déjà été le siège de mon panorama.

Ta couleur, ta température, ta profondeur, ton TOI

ont un « je ne sais quoi » de différent à chaque fois.

Tu es mon rêve éveillé…

Mais tiens, d’ailleurs, il me faut terminer et me préparer

Pour venir te voir sur ce mois d’été.

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Le texte de Ludo :

Cécile

Elle attend. Quoi? Qui? Elle ne le sait peut être pas elle même… Elle est venue sans réfléchir, lassée de sa vie qui va trop vite, lassée d’être la femme au foyer, la mère de quatre enfants, l’épouse modèle, la maman d’élève investie, la bénévole qui donne de son temps. Lassée de cette vie lisse ou plus personne ne la regarde, ne la désire, où elle remplit le rôle qu’on attend d’elle sans jamais un bruit, sans un espoir de renouveau, sans une surprise…

Alors elle a pris la voiture, a roulé sans réfléchir, sans penser, sans plan de route, ni perspectives pour ce week end. Juste pour fuir. Elle n’a pas  prévenu Bernard, et peut être même qu’il ne remarquera pas son absence avant quelques heures, avant l’heure fatidique du repas et du fameux « qu’est ce qu’on mange? » Mais il allait devoir se débrouiller pour ce soir!

Elle a laissé les enfants chez sa mère et avait pris la route pour nulle part!  C’était aussi ça qu’elle trouvait excitant ; ne rien prévoir, se laisser happer par le hasard, accepter l’inconnu et ne rien refuser! Joli programme finalement!

Elle est assise sur cette plage où elle a arrêté sa voiture. Autour d’elle ce n’est pas encore l’effervescence de la pleine saison. Seul un couple de retraités promène leur chien et leur années  sur cette plage. Le chien est tout petit et a peur de l’eau, l’homme le porte donc, sa femme accrochée à son bras comme à une bouée. Elle les trouve beaux, ils ont l’air de s’aimer tendrement, de vivre pleinement le peu qu’il leur reste. Plus loin, un groupe d’une dizaine de jeunes ados s’essaient à l’amour. De la musique s’échappe d’une guitare, des rires et des cris résonnent. Ils se découvrent, éprouvent leur premier sentiment amoureux.

Elle se souvient de sa rencontre d’adolescente avec Bernard, leur premiers frôlements sur une plage un peu comme celle ci. Elle soupire et remarque alors un homme qui s’est assis près d’elle alors que la plage est déserte. Il est grand, brun et mal rasé. Sa peau est tannée, usée par des années de soleil, halée par des heures de travail dehors. Il la regarde, lui sourit ; elle remarque alors ses yeux, d’un bleu à rendre jalouse la mer. Il est musclé sans que ce ne soit trop, juste assez pour que l’on se sente bien au creux de ses bras, la tête enfouie au creux de son épaule. Elle lui rend son sourire ; il engage la conversation.

Elle ouvre les yeux, vérifie l’heure sur le réveil près d’elle. 10h37. Doucement elle revient à la réalité ; la plage, cet homme, le restaurant, la nuit d’amour. Tout est silencieux. Elle est seule dans cette chambre d’hôtel. Plutôt heureuse malgré la culpabilité qui devrait la gagner. Elle a trompé Bernard cette nuit. Christophe a été parfait, lui a fait oublier sa petite vie sans ambition, il l’a regardée, désirée, aimée, lui a fait sentir à quel point elle était une femme, ce qu’elle avait à donner et surtout le plus important, ce qu’elle avait à recevoir! Elle n’a pas pensé à Bernard. Mais elle ne s’en veut pas, se sent revivre. Très vite pourtant les questions affluent : que faire ensuite? Que dire aux enfants? Comment revenir dans sa petite vie bien rangée? Elle repousse les réponses à plus tard, enfile une robe et descend retrouver Christophe son amant d’une nuit pour le petit déjeuner.

Dans la salle vide de cet hôtel dont la saison n’a pas encore commencé, l’hôtelier lui indique une table. Christophe n’est pas là, mais un énorme bouquet de roses rouges trône sur la table. Elle en sort la carte en souriant.

Dans un coin du restaurant un homme l’observe, dissimulé derrière un journal. Cécile ne l’a pas vu, trop absorbée par les mots de Christophe et les empreintes encore chaudes sur son corps.

L’homme se lève, s’approche, Cécile l’aperçoit, le reconnaît et en tombe, assise, sur sa chaise!

Bernard la rejoint. Pas de scène, des larmes dans leurs yeux, un silence, et Bernard qui promet d’être plus souvent Christophe…

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Le texte de Manue Rêva :

Il y a le ciel, le soleil et … la mer !

Les gouttes d’eau ruisselèrent sur son visage. Elle sentit le goût du sel sur la peau de sa joue jusqu’à la commissure de ses lèvres. Et cela l’emporta loin, très loin.

Les yeux fermés, elle se dirige sur le chemin des baignades de son enfance. Seau, pelle et râteau remplacés par un bouquin, des lunettes de soleil et son téléphone. Il est long le sentier qui mène à son anse mais il sent bon les vacances et la crème solaire. Sous ses paupières se déroule un écran de cinéma : la dune changeante, les herbes folles et en contrebas, la plage, la sienne. Celle qui a vu grandir ses châteaux de sable et plus tard abrité ses premiers émois. L’horizon est lointain et invite au rêve. Le film projeté finira bien, c’est sûr !

Les yeux fermés, elle se laisse porter par le courant. Le sable chaud lui avait brûlé la plante des pieds mais l’eau un peu fraiche de ce début d’été l’avait soulagée rapidement.  Elle avait dû courir à travers la dune pour arriver la première sur sa plage, déserte … comme elle l’aimait ! Très vite, elle s’était débarrassée de sa robe d’été et avait plongé dans l’eau claire, en culotte.

Les yeux fermés, elle oublie tout. Le bruit des bateaux à moteur, au loin. Celui des mouettes, plus proche. Elle perçoit juste les battements de son cœur. Ses pensées semblent diluées. Ses angoisses dissoutes dans beaucoup d’eau salée !

Les yeux fermés, son corps flotte, allégé de la pesanteur qui l’habite depuis des semaines, des mois, des années. Ne plus sentir le poids des responsabilités qui pourtant la font grandir est une vraie délivrance, comme un renouveau, une renaissance.

Les yeux fermés, chaque été, elle reprend vie. Beaucoup de sable, un peu de vent et l’océan.

Les yeux fermés.

Et presque à regret, elle les rouvrit, essuya ses larmes et replongea dans son quotidien.

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Le texte d’Adèle :

La mer aime les enfants qui s’aiment.

Le soir tombait, le vent avait cessé. J’étais enfin apaisée.

Quand ils sont arrivés, se tenant par la main.

Etait-ce un garçon, était-ce une fille, je n’ai pas bien vu, la lumière rasante éclairait à peine leurs formes douces.

J’ai vu l’amour qui se promenait avec eux, là, à petits pas prudents.

Ils marchaient tous les trois, entre les herbes folles de mon dos, glissant en riant sur le sable fin de ma peau blonde. L’amour et les amoureux, fille ou garçon, je ne sais pas.

La nuit sans bruit est venue les surprendre.

Il ou elle avait peur, un peu.

Lui ou elle le savait, a fait les gestes qu’il fallait.

Il ou elle n’a pas eu mal.

Et même que il ou elle a aimé cela.

Au milieu de la nuit, ils se sont mis à frissonner.

L’un a passé son bras autour des épaules de l’autre et ils s’en sont allés, tous les trois, l’amour et les amoureux, me laissant là, seule, avec l’envie au creux de mes vagues.

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Les liens vers les textes écrits à partir de la même photographie : 

Adrienne

Elora

Albertine

Saxaoul

Pierforest

Janickmm

Amandine

Marianne

Cécile

Sarah

Eva

Parlons littérature

une-photo-quelques-mots1

 

29 comments

  1. Leiloona says:

    @ Nady : J’adore ton texte : je partage tout à fait (ou presque) les souvenirs évoqués. Je suis une fille de la mer (la manche, rien d’exotique), et je ne peux m’expliquer l’attrait quasi magnétique que je possède avec la mer. Quand j’habitais encore à côté d’elle, y aller m’apaisait et me ressourcer.

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    • Nady says:

      Merci leiloona. Entre 2 plongeons dans la mer entourant Tenerife et de longues pauses sur le sable noir (surprenant ;)), je profite de ma demi heure de connexion pourj’ai lire ton beau compliment et ton texte où je retrouve en effet notre point commun avec la mer de nos années d’insousciance 😉 bises des Canaries 😉

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  2. Leiloona says:

    @ Ludo : Chapeau bas, l’ami ! Si tu te mets à transcrire parfaitement ce que ressent une femme (très Delacourt, d’ailleurs, oui, comme point de vue, je perçois la référence et je suis bluffée aussi de la distance que tu as sur ton écriture), alors tu es prêt pour écrire un roman qui aura autant de succès qu’un Delacourt ! 😛
    (Et je dirai : il est un temps où Ludo écrivait à mon atelier …) 😛

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  3. Leiloona says:

    @ Manue Rêva : un texte emprunt d’une mélancolie amère … on aimerait que ce personnage garde ses yeux fermés et reste ainsi un peu plus heureuse …

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  4. Leiloona says:

    @ Adèle : j’adore cette phrase et l’image qu’elle fait naître en moi : « J’ai vu l’amour qui se promenait avec eux, là, à petits pas prudents. »

    Une belle allégorie de l’amour qui est souvent sans le faste qu’on lui donne.

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    • Leiloona says:

      Je lis les autres aussi (pour une fois que je le fais dès le lundi matin !), et c’est vrai que ces textes sont bien sympa, encore plus envie d’aller en vacances du coup ! 😀

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    • Leiloona says:

      Oui, hein, je voue un culte à la mer … la manche et l’océan sont mes préférés, pour différentes raisons. 🙂

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  5. saxaoul says:

    @Leilonna : oh, ce que je me retrouve dans ton texte ! Bonnes vacances.

    @Nady : la mer ne faisait pas partie de mon quotidien quand j’étais enfant. J’habite juste à côté aujourd’hui et je comprends parfaitement ce que tu écris là.

    @Ludo : je n’avais pas du tout vu venir la chute ! Le début du texte ma fait penser à la BD « Lulu, femme nue ».

    @Manue Rêve : qu’ils sont tristes ces derniers mots….

    @Adèle : La personnification de l’amour est une idée intéressante. J’espère que ce « je » trouvera bientôt l’amour lui aussi.

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  6. Albertine says:

    @Leiloona : un parfait condensé du lâcher-prise des vacances !
    @Nady :belle déclaration d’amour à l’Océan !
    @Ludo : Très bien vu, ce sentiment de ne plus être une femme mais une « maman »…
    @Manue Rêve : L’enfance, comme une bulle de bonheur,comme je te comprends…
    @ Adèle :Très joli texte, poétique et d’une douce sensualité…

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    • Leiloona says:

      @ Albertine : oui, j’avais besoin de condensé aujourd’hui, et je crois que ça a super bien marché ! 😀

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  7. monesille says:

    Je reconnais que la mer en noir et blanc ne m’a rien inspiré du tout, cela ne m’empêchera pas de venir lire et commenter vos jolis textes !
    Bises

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  8. Ludo says:

    Mais qu’ai je donc commis pour avoir droit à un tel compliment?! Ton commentaire me touche beaucoup leiloona, surtout que je n’étais pas très satisfait de mon texte! Mais je suis heureux de réécrire ici, ça faisait trop longtemps! Merci vraiment, je suis rouge et souriant dans la salle d’attente du dentiste depuis laquelle je te lis!
    Ton texte est aussi superbe, les formules à l’infinitif permettent l’identification et tes images sont très poétiques! J’ai envie de les chanter, on dirait du tetes raides! J’aime beacoup!
    Le dentiste m’appelle je reviens lire la suite plus tard!

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    • Leiloona says:

      Alors, tu n’as rien fait (en fait j’ai envie que tu écrives toutes les semaines, donc je t’amadoue), non blague à part, le premier Delacourt que j’ai lu, j’ai eu ce sentiment que ce n’était pas possible que ce soit un homme qui tombe aussi juste à propos de la psychologie féminine, et là ça m’a fait la même chose. 🙂

      Et je te remercie à mon tour pour la comparaison : les têtes raides, ce n’est pas rien non plus (et je les adore.)

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  9. sarah says:

    Leiloona : un vent de liberté flotte sur ton texte, c’est très
    Nady : j’ai une préférence pour le début de ton texte, partageant les mêmes souvenirs d’enfance que toi.
    Ludo : j’aime la sensibilité qui se dégage de ton texte. Leil a raison, tu t’y prends bien avec le point de vue féminin!
    Manue Reva : Jolie délivrance que ce plongeon dans l’océan. J’aurais aimé en savoir plus sur les tracas du personnage.
    Adèle : mon coeur de bisounours a littéralement fondu en te lisant… j’adore! c’est tendre et poétique!

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  10. pierforest says:

    @Ludo: Bernard est impressionnant. Pas facile de pouvoir prendre ainsi du recul sans se sentir trahi, rejeté. Souhaitons leur que ça marche.

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  11. Ludo says:

    Nady: bel ode à la mer!
    Manue rêva: la mer comme point d’oubli de soi des autres, du quotidien! C’est étrange ce sentimnt que la mer apaise, régénère! Joli texte!
    Adèle: l’amour à la plage, vu par la mer elle meme! Chouette idée!

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