« L’Autre » de Florian Zeller ou comment en 9 saynètes l’amour est disséqué, décortiqué et soupesé. Le couple avait pourtant tout balisé pour échapper au quotidien. On ne dormira jamais ensemble, le corps se relâche et montre ses travers lorsqu’il est assoupi, on ne mangera pas ensemble non plus, là encore le corps ne se montre pas sous son meilleur jour …
Pourtant, pourtant le quotidien vient assombrir la passion du début. Cette femme et cet homme sur un petit nuage au début tombent aux Enfers : jeu de séduction avec le meilleur ami de l’homme, coucheries avec lui, adultère, sentiments bafoués, vie malmenée, pertes des repères, souffrance, séparation … La vie de couple se déconstruit sous les yeux des spectateurs.
C’est diablement efficace, on se reconnaît tous dans ces portraits de couple. Une pièce au vitriol, fichtrement réaliste. Les comédiens fonctionnent alors en véritable miroir de nous-même, nous permettant sans doute d’atteindre la fameuse catharsis antique : voir sur scène, à distance, de la souffrance, les pires passions et pouvoir ainsi les mettre à distance, poser sur ces récits un regard critique et réfléchi dans le but de vivre avec plus de facilité notre propre vie. A moins que cette pièce ne soit que le constat sceptique que l’amour (la passion) ne dure que trois ans. A vous de le déterminer en fonction de votre avis sur la question.
En tout cas, les trois comédiens sont excellents dans leurs différents rôles. Mention spéciale à la délicieuse et charnelle Carolina Jurczak, parfaite dans ce rôle de femme séductrice et enjôleuse. Mais les 2 autres ne sont pas en reste non plus, notamment Benjamin Jungers, ancien pensionnaire de la Comédie Française.
Ça tourne bien et le spectateur ne peut qu’assister impuissant aux scènes de la mise à mort d’un couple. Le cynisme frôle malheureusement dangereusement avec la réalité,et, au moment où on s’y attend le moins le ton devient plus drôle, et la pièce frôle avec l’absurde de Jarry. Quand le tragique et le comique se confondent et se répondent …
Efficace, bien mené, on ressort de là le coeur chamboulé. Oups.
Certains critiques comparent Zeller à Beaumarchais : la psychologie humaine est en effet ici diablement sondée. Quand on sait que la pièce a été écrit quand il avait 22 ans, on ne peut que s’incliner face à ce regard perçant sur le couple.
Des extraits pour vous donner le ton ?
« L’Autre » au théâtre de Poche Montparnasse du 1er décembre 2015 au 28 février 2016
avec Jeoffrey Bourdenet, Benjamin Jungers et Carolina Jurczak
dans une mise en scène de Thibault Ameline
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h.
Tarifs 24€
Cela fait longtemps que je n’ai pas vu une des ses pièces, je suis une grande admiratrice de Zeller, j’aurais aimé l’avoir comme prof, le talent n’a pas d’âge. Tu m’as donné envie.
Ah chouette alors ! 😀 Je n’avais jamais vu une de ses pièces encore, mais ce ne sera pas la dernière ! 🙂