Comment ne pas être curieuse avec un tel titre qui nous fait penser à une certaine Virginia Woolf ? Peur des femmes … photographes. Effectivement, une belle problématique féministe derrière.
Si à notre époque, elles semblent vraiment intégrées dans ce domaine artistique (depuis les années 70), quid des débuts de la photographie ? Comment ce domaine réservé aux hommes au départ s’est-il ouvert au « sexe faible » ? Qu’a-t-il apporté à cet art ?
En deux volets, l’un au musée de L’Orangerie, l’autre au Musée d’Orsay, tentons de comprendre de phénomène …
Au musée de L’Orangerie : 1839 – 1919
On commence l’exposition sous l’égide des îles britanniques. Comme la Reine Victoria est friande de photographie, des femmes se mettent à la pratiquer : elle devient alors un loisir comme un autre. Les femmes bourgeoises sont avides de se représenter, de prendre en photo leur entourage : les photographies témoignent d’une époque, reflètent la société et montrent leur supériorité financière. La femme se fait alors gardienne de la mémoire familiale et confectionne des albums en photo-collage qu’on pourrait comparer de nos jours à du scrapbooking.
On ne sort que très peu en effet du cercle de la maison. Portraits des femmes, mais aussi portraits d’enfants, voire même d’une thématique proche de la Vierge à l’Enfant … La photographie met en avant le rapport maternel, le porte aux nues.
Toutefois, très rapidement, les femmes détournent ces images proches d’une certaine mystification. Le désir voit alors progressivement le jour. Les femmes acquièrent une certaine indépendance (notamment grâce à la formidable bicyclette qui leur donne une autonomie inespérée), se masculinisent, et bafouent les frontières du genre.
On voit bien au travers des photographies que la femme s’accapare de plus en plus son corps, apprend à le connaître, grâce justement à l’image qu’elle peut donner de lui. Le nu, le corps désirable est dompté. Ce sont les femmes enfin qui peuvent se montrer comme elles le souhaitent.
Premières femmes exploratrices, professionnalisation du métier de la femme photographe, un virage vient d’être pris qui sera bien entendu renforcé par la première guerre mondiale …
Au musée d’Orsay : 1918-1945
Le visiteur change de lieu, d’époque, de scénographie. Plus aéré, plus contemporain, le virage est bel et bien amorcé, nous entrons dans la modernité.
Bien entendu, les femmes photographes continuent leurs genres de prédilection : portraits et nature morte sont toujours sur le devant de la scène. Toutefois, le regard différent porté à l’objet change la photographie. De la fantaisie, de la délicatesse, les femmes ne tiennent pas leur appareil comme une mitraillette. Et cela se voit inévitablement … On retrouve alors des artistes qu’on a déjà croisées au Jeu de Paume : Eva Besnyö, Diane Arbus, Florence Henri ou encore Dora Maar … On voit bien que les expositions s’entrecroisent, des ponts sont tissés entre chacune et entrent en résonance.
Le XXè siècle est forcément marqué par la nudité féminine. Interdit au XIXè, le nu se développe et se place comme une transgression nécessaire pour l’indépendance des femmes. Comme pour un peintre, bien photographier un nu est un passage obligé pour être reconnue … Mais là encore un jeu apparaît : les femmes préfèrent brouiller le genre jouer avec les masques et le travestissement.
Le Moi et la quête identitaire au centre des interrogations.
La femme joue en fait sur les conventions et tout est prétexte pour sortir du carcan enfants / famille / joies de la vie domestique … Une déconstruction indispensable pour se reconstruire in fine.
Et effectivement, la femme photographe acquiert alors une réelle place.
Les femmes utilisent alors la photographie comme un vecteur de connaissances : exploratrice, reporter, journaliste … L’émancipation a bien eu lieu. On les retrouve alors forcément aussi sur le front lors de la seconde guerre mondiale, puis sur le devant de la scène politique, sans oublier le domaine de la mode …
Deux lieux différents pour une exposition foisonnante, avec plus de 400 photographies qui retracent l’historique de ces femmes photographes : ne boudons pas notre plaisir de les (re)découvrir.
Jusqu’au 24 janvier 2016
Musée de l’Orangerie : première partie
Musée d’Orsay : seconde partie
Vue et bien aimé, même si j’ai trouvé qu’à l’Orangerie, la légende et la photo n’étaient pas toujours bien disposées.
ces photos sont magnifiques et l’expo doit regorger de talents. Quel dommage que je ne sois pas plus près
Oui, je comprends … Effectivement très très joli choix de photos ! Et belle scénographie !
Expo vu aussi, passionnante mais j’ai préféré la première partie au musée de l’orangerie !
Ah comme quoi ! 😉 Les deux sont sublimes, mais une préférence pour la 2de partie !
Expo que j’avais notée, mais que j’ai malheureusement dû sacrifier…
Tu m’étonnes … moi aussi j’en sacrifie, alors que je suis sur place … :/
Et bientôt une expo sur les femmes dessinatrices de BD, les grandes oubliées cette année…..