La supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, de Svetlana Alexievitch est un recueil de voix polyphoniques : des témoins de la catastrophe, des résidents autour de « la zone » sans autorisation, des médecins ou des scientifiques. Ces voix sont en réalité une, tel un choeur antique, elles psalmodient leur peine quotidienne et chantent leur fatalité.
Ces hommes et femmes ont vécu l’horreur, le feu, l’explosion, les flaques de boue jaune et verdâtre, la pluie noire, la forêt rousse, la peau qui se détache du corps, les cheveux qui tombent par poignées, ces corps malades radioactifs. Des héros qui ont combattu le feu, ont colmaté la propagation de la radioactivité, ou ont creusé autour du réacteur une chape protectrice … des hommes qui sont revenus de cet Enfer sur Terre avec les yeux de la Mort, des hommes condamnés pour avoir sauvé le reste de l’Europe … mais aussi des quidam coupables d’avoir seulement leur maison autour de la centrale …
La supplication de Svetlana Alexiévitch est un recueil tombeau, une sépulture pour ces hommes qui ont vu leur vie cisaillée et à jamais rompue. Cette femme qui a accompagné 14 jours durant son mari vers la mort, avec dans le ventre un bébé qui ne survivra pas, ce scientifique véritable compteur Geiger qui est allé au devant des réacteurs, ces hommes et femmes qui ont continué de vivre sur cette terre irradiée, la leur. Pourquoi aller ailleurs ? Qui voudrait d’eux alors que même leur famille leur ferme la porte au nez. Et puis, c’est leur Terre, leur patrie, leur âme.
Des témoignages apocalyptiques d’une humanité perdue. Aujourd’hui encore, quelles seront vraiment les retombées ? Quelle vie pour les générations futures ? Des bébés avec une fente pour bouche et sans oreilles, des hommes malades juste bons à recevoir une prime dérisoire et à s’asseoir sur des tribunes présidentielles, des jeunes filles résolues à enfanter des bébés mal formés, des chiens loups et des chats sauvages qui ont repris leurs droits et n’ont plus peur de l’Homme, une terre radioactive toujours cultivée ?
La Supplication est un livre choc. Certains diront qu’ils ne voudront pas lire de telles horreurs. Mais il s’agit juste de la réalité abominable d’un pays européen à deux heures d’avion … Nos cousins, nos frères, ma famille.
Auteur Svetlana Alexievitch
Editeur J’ai Lu
Date de parution août 2004
Collection J’ai Lu, numéro 5408
Format 11cm x 18cm
EAN 978-2290343609
ISBN 2290343609
Illustration Pas d’illustrations
Nombre de pages 249
Je n’aurai certainement pas le courage de lire ce livre, mais quand on pense qu’un telle horreur n’a pas empêché ce type d’incident de se reproduire ailleurs des dizaines d’années après ça en dit long sur l’humanité et ça file un méchant frisson.
Oui, l’auteur a d’ailleurs prononcé un discours vibrant après Fukushima … Le courage, hum … je suis certaine que tu l’aurais.
Merci Leiloona. Noté.
Merci Keisha.
Merci de parler de ce livre. Je reste en relation avec une jeune ukrainienne, qui avait 4 mois lors de l’accident Tchernobyl. Chaque fois qu’elle évoque un « bobo » concernant sa santé, j’ai toujours peur du pire.
Malheureusement, il est des Tchernobyl, pas du tout spectaculaires, qui font autant de dégâts, sans que nous le sachions.
Oui, tout à fait, le recueil le dit aussi … il est des souffrances invisibles … et parfois les morts ne semblaient pas atteints.
Une auteure à découvrir , je le sais, je vais attendre le bon moment.
Sabine : En effet, on ouvre ce livre en connaissance de cause, ce n’est pas un « feel good », mais … mais … un essentiel oui. 🙂
Hier dans le train du retour, un homme lisait ce bouquin. Je ne savais pas de quoi il parlait, mais à l’état du roman, on se doutait qu’il avait été beaucoup lu, relu et trimballé. Un livre avec du vécu, quoi.
Etrangement, je me dis « Steph, retiens le titre, tu le liras » Et puis ce matin, impossible de m’en souvenir.
Et miracle, il est sur ton blog.
Oh j’adore ton histoire autour de ce livre. Dire que c’est un miracle, une synchronicité me touche tout particulièrement. Je pourrai te le prêter si tu veux … un tel livre doit vivre, doit dépasser la catastrophe humaine qui a eu lieu en Ukraine.
La littérature tournée vers la vie … Merci.
J’ai vraiment envie de l’acheter 😉
Epouvantable mais nécessaire lecture. Je lirai cet ouvrage.
Des amis de mes parents accueillent chaque année un enfant de Tchernobyl pour l’été, je suis toujours touchée par cette catastrophe.
Je t’embrasse!
Une lecture marquante et nécessaire. Pas si choquante que cela.
Encore une fois (déjà dit sur ta page FB), cette chronique est magnifique. Comme tu le dis, avec raison, on n’a pas spécialement envie de lire ce livre…
Mais, il n’est pas sans rappeler ce texte poignant que tu as écrit, il y a quelques semaines, à l’occasion de l’atelier en ligne, á propos de l’Ukraine.
Je l’ai lu et je ne regrette pas car cette lecture aide à comprendre, à voir ce qu’on ne peut même pas imaginer!!
C’est un livre qui avait été conseillé à ma fille par sa prof de français lorsqu’elle était en seconde. Toute une liste facultative de livres « ébouriffants » qui changeaient des listes à lire habituelles.
Je le lirai, Leiloona. Merci pour ce billet.
Merci Brize.