La Version Browning, Théâtre Poche Montparnasse

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Le rideau s’ouvre et nous plonge dans les années 40. Nous sommes en juillet, et l’éminent et rigoureux professeur de grec Crocker-Harris a convoqué un élève recalé chez lui, en vue de le faire travailler.

Là, dans son salon, en huis-clos, se jouera en quelques heures la vie de cet homme, craint de ses élèves, mais aussi trahi par sa femme depuis de nombreuses années … Tout cela grâce à une traduction de l’Agamemnon d’Eschyle : la version Browning.

Portrait d’un homme bafoué

Pourtant, rien ne prédestinait ce professeur à se rebeller, à entrer en accord avec lui-même. Cela faisait des années que ses élèves se moquaient de lui, sous un hypocrite masque de vénération, des années que sa femme le trompait et avait cessé de l’aimer, des années que l’administration ne l’honorait pas comme il aurait dû l’être … Un homme bafoué, seul. Un taiseux face à des absurdités honteuses, un homme brillant réduit en miettes par les autres qui n’ont eu de cesse de ne pas le considérer.

Mais, quand, à la veille de partir de son collège, en « retraite anticipée », un élève lui apporte une traduction de l’Agamemnon d’Eschyle, un déclic se fait en lui, un rouage ne tourne plus de la même façon. Il laisse alors éclater sa verve et toute sa tristesse contenue.

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Huis clos tragique ?

« La version Browning » est un huis clos haletant. La pression monte jusqu’au feu d’artifices final. Nous sommes peinés face à ce personnage silencieux dont la souffrance transpire de tous ses pores. Corcker-Harris se meut lentement, souffle, sa peine du coeur égale sa souffrance. Chaque respiration semble devenir pour lui un effort surhumain. Il y est question de soi dans cette pièce, de la continuelle recherche identitaire, du mensonge de la société, de ce que l’on tait en espérant aller mieux, de l’ambiguïté des relations amoureuses, de ce qu’on inflige à l’autre, mais aussi à soi à rebours …

La fin de cette journée aurait pu sonner le glas de ce professeur vieillissant, elle sera au contraire le début de quelque chose, une révélation. Ce temps où l’on dit stop pour enfin vivre. Non, il ne deviendra pas Agamemnon, et ne sera pas tué par son épouse Clytemnestre !

Une mention spéciale pour Jean-Pierre Bouvier : il EST Crocker-Harris, ce professeur de grec mal aimé et injustement considéré. Sur scène, sa transpiration est celle de son personnage. Combien de fois me suis-je demandé s’il n’allait pas vraiment tomber, là, sur scène ?
Nous nous attachons à ce personnage, car derrière le nom ridicule de « Himmler de la Seconde », se cache un monstre de gentillesse qui n’a eu de cesse de prendre en compte les autres au détriment de lui. Et ce, dans le plus grand silence de tous.

Une pièce de théâtre implacable, à l’image des tragédies grecques, si ce n’est qu’ici la révélation donne lieu à un retournement de situation. Le public tremble et ne peut que penser, en sortant de la pièce, à toute cette hypocrisie latente que la société nous impose. Laissons tomber les masques et avançons au contraire, comme a choisi de le faire le professeur Crocker-Harris !

La bande-annonce :

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Terence Rattigan
Adaptation et mise en scène Patrice Kerbrat
Avec Jean-Pierre Bouvier, Marie Bunel, Benjamin Boyer, Pauline Devinat, Philippe Etesse, Nicolas Krminac et Thomas Sagol.
Représentation : mardi au samedi 21h, dimanche 15h

Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse – Paris 6
Réservations : 01 45 44 50 21

Leiloona
Épicurienne culturelle, elle sillonne villes, et musées, un livre dans son tote bag ... Chaque lundi, elle écrit dans un atelier d'écriture qu'elle anime depuis 5 ans. Museo geek l'hiver, sirène l'été. Elle aime les bulles, le bon vin et les fromages affinés. View all posts by Leiloona →

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