Le Grand Incendie, Gilles Baum et Barroux

Je n’ai rien. 
Ni rêve ni chien.
La nuit, je m’endors la tête vide, dans les bras silencieux de maman. 
Les Mots nous manquent …

Il existe des albums jeunesse qui nous serrent la gorge, nous peinons à les lire tant l’émotion nous traverse … L’enfant perçoit cette intensité et pose à son tour sur le livre un regard perçant. Quelque chose se noue alors entre le livre, l’enfant et l’adulte. Un lien sacré porté par le son des paroles et les couleurs des illustrations …

Ecoutez l’histoire de ce petit garçon qui peine à vivre : dehors, le Sultan impose sa tyrannie. Les hommes courbent le dos, prient et obéissent. Mais un matin, une page sauvage se pose devant l’enfant. Une page aux bords brûlés. Il marche alors vers le ciel noir et comprend que le Sultan brûle les livres.
Un grand incendie déclaré à cause de la main d’un seul homme.
Un homme, aux yeux remplis de haine, ivre de pouvoir.

A chaque seconde, les soldats jettent des pages et des pages dans le feu, de là haut le Sultan jubile : il pense que, par cet acte, le peuple pliera définitivement … Des hommes tentent de se jeter dans les flammes afin de récupérer certains livres, les femmes les retiennent … Que peut-on faire face à la folie d’un homme ?

A la fin, quand tout a brûlé, l’enfant s’embourbe dans une mer de cendres. Le sol est jonché de papier brûlé. Est-ce que tout est parti en fumée ? L’enfant lit alors sur un papier la citation :

Ô merveille, un jardin parmi les flammes ! 

Alors, le petit garçon prend un bout de charbon au sol, et ne peut s’empêcher d’écrire  cette toute petite phrase sur les murs du Palais  … Les hommes, incrédules, se joignent bientôt à lui, et écrivent chacun une citation d’un livre.

Ce sont eux le jardin parmi les flammes, eux qui redonneront aux futures âmes ce que le Sultan a voulu arracher.

Que dire de cet album … C’est une rivière de métaphores toutes plus belles que les autres. Un rythme particulier s’élève de cette histoire, un chant rédempteur et infiniment beau. Oui, grâce aux hommes la culture ne pourra s’éteindre. Et aussi infime sera l’acte, il aura une portée immense.

TroGnon, 6 ans et des poussières d’étoiles, ne comprenait pas bien entendu ce qu’était un autodafé. Je lui ai alors expliqué. Pourquoi des hommes commettaient un tel acte, quel était à leurs yeux l’intérêt d’agir ainsi … Il a eu peur qu’on puisse alors faire des montagnes de cendres comme dans cet album. Je lui ai alors expliqué que d’autres personnes protégeaient ces livres, comme les personnages du livre qui renversent les murs du Sultan grâce au poids des citations écrites et gravées …

Comment ne pas vouloir mettre cet album jeunesse dans toutes les salles de classe primaire ? Comment ne pas vouloir engager avec les plus jeunes un dialogue sur l’importance des livres, mais aussi sur les obscurantismes qui n’ont de cesse de bafouer la culture ?

Le Grand incendie possède la grâce des plus grands. Le style n’a rien à envier à la littérature blanche, et les illustrations nous invitent à rentrer dans l’univers du conte : elles nous emportent vers ces hommes qui, charbon à la main, chantent chacun leur amour pour les histoires, car n’oublions jamais que :

Nous serons à jamais ce jardin parmi les flammes.

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Avec le soutien d’Amnesty International

LE GRAND INCENDIE AUTEUR : GILLES BAUM
ILLUSTRATEUR : BARROUX
EDITEUR : LES ÉDITIONS DES ÉLÉPHANTS
Septembre 2016 – 14 Euros
Album à partir de 7 ans
ISBN : 9782372730266
THÈMES : HISTOIRE, LIVRE/LECTURE, LIBERTÉ, DICTATURE

Noukette : Une merveille. Les mots de Gilles Baum réveillent et soufflent l’espoir au cœur de la tyrannie. Le dessin de Barroux, saisissant de simplicité et de rage, crie la nécessité de s’unir contre la barbarie. Beau et essentiel… ♥