Poil de Carotte – Théâtre Nanterre Amandiers

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A travers des fragments du roman Poil de Carotte, Silvia Costa se réapproprie cette histoire d’un enfant rejeté et honni des siens.

A l’extérieur de la structure du théâtre des amandiers, nous entrons dans un atelier transformé pour l’occasion en cour de ferme : paille sur laquelle nous nous asseyons, lapins dans une cage, fil à linge et grains de maïs dans une bassine.

Nous rencontrons alors dans une première partie Poil de Carotte avec la nouvelle bonne Annette. Il lui décrit sa vie, avec la distance propre à tous ces êtres qui souffrent mais puisent en eux une distance nécessaire pour ne pas flancher en la racontant. Sous nos yeux horrifiés, cet enfant raconte ses affres et ses tourments avec une naïveté touchante. La gouvernante se demande alors où elle est réellement tombée.

La seconde partie nous plonge alors dans un maelström ininterrompu. La vie de Poil de Carotte à travers des épisodes marquants et fondateurs de sa déchéance. Un garçon aux prises avec ce qu’il y a de plus vil et de plus bas en l’homme : la méchanceté gratuite et consciente.

Poil de Carotte est une pièce politique, au sens étymologique du terme. Voir sur scène un enfant bafoué et rejeté des siens ne peut qu’interpeller le public, jeune ou moins jeune. Les comédiens, grimés tels des personnages issus d’un film de Tim Burton, font peur. Physiquement peur. Des pantins animés de vie et enclins au mal. Aussi quand madame Lepic débarque bord scène, à l’endroit même où le jeune public est assis, à 15 cm sur de la paille, son effet est on ne peut plus remarqué (euphémisme). Le public tremble, à l’instar de Poil de Carotte, caché dans un recoin de la ferme.

Je ne reviendrai pas sur les différents épisodes qui jalonnent la pièce. Nous les connaissons, et les raconter enlèverait leur force. Toutefois Poil de Carotte mis en scène par Sivlia Costa interpelle, fait parler les enfants, leur fait peur aussi … TroGnon fut dans mes bras la seconde partie de la pièce. Et pourtant, en sortant du théâtre, le choc était passé, il m’a interrogé sur plusieurs points, le premier était bien entendu la raison de la méchanceté des parents face à leur enfant …

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©Silvia Boschiero

« Poil de Carotte » est une pièce à la scénographie plus qu’étonnante, à la lisière du fantastique : les toiles noires s’enchaînent, la robe en amphore de madame Lepic est tout droit sortie d’Alice au Pays des Merveilles de Burton, les comédiens évoluent sur scène  grimés de blanc et noir, comme sortis de nos cauchemars les plus terribles. Nous tremblons avec Poil de Carotte et attendons, comme lui, la libération finale.

Nous assistons alors à différents fragments de vie, comme si nous parcourions un album photos de la famille ou un album jeunesse … Des feuillets plus que déstabilisants, mais tous portés par un charme étrange et décalé. Parce qu’en filigrane de toute cette noirceur se dessine déjà une résilience chez Poil de Carotte, notamment à travers l’écriture de lettres …

Une pièce à la poésie sombre et déstabilisante qui capte l’attention du jeune public. Celui-ci ressort avec mille et une questions en tête. La fonction première du théâtre, la catharsis, ici renouvelée.

Théâtre Nanterre-Amandiers • texte d’après Jules Renard • mise en scène Silvia Costa • avec Delphine Chuillot, Elise Marie, Agathe Molière, Marine Prunier, Alexandre Soulier • créatrice maquillage Corinne Blot • collaboratrice à la mise en scène Marine Prunier • création musique Lorenzo Tomio • Décors Maroussia Vaes • Costumes Laura Dondoli •

A partir de 7 / 8 ans  
45 min

Leiloona

Museo geek l’hiver, sirène l’été.
Je lis et j’écris durant les 4 saisons.
J’aime le bon vin et les fromages affinés.

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