Interview de Sarah Gastel libraire de Terre des Livres

Dans le dernier numéro de Page, spécial Polar, j’ai énormément aimé la chronique de Sarah Gastel, libraire à Terre des livres (à Lyon), sur le dernier Dario Franceschini (Lisez le premier roman de cet auteur, si ce n’est déjà fait : Dans les veines ce fleuve d’argent est un pur délice de narration lente … un véritable moment suspendu. (chronique de 2008 ! Ouch !)
Aussi ai-je voulu en savoir plus sur son parcours … Alors, comment est-elle devenue libraire, quels livres conseille-t-elle ?

C’est parti pour l’interview (deuxième rencontre sur ce blog avec une libraire indépendante) :

Comment êtes-vous devenu libraire ?
Après un master de lettres modernes, je me posais de sérieuses questions quant à mon avenir. Comme j’habitais à côté de la librairie, j’ai demandé à faire un petit stage d’observation. Et là, l’évidence. Aujourd’hui, cela fait sept ans que j’y suis. Plus concrètement, j’ai eu une chance folle de tomber au bon moment et c’est une année d’apprentissage qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier et d’être embauchée.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ? (Racontez-nous aussi une petite anecdote)
La raison d’être de la librairie et ce qui me porte avant tout, c’est l’échange, l’ouverture et la découverte. J’ai bien conscience que ma réponse n’est pas inédite, seulement là est l’essentiel à mon sens. Les librairies sont de formidables lieux culturels et militants à l’heure du virtuel et du tout « dématérialisé » (à ce sujet, il y a sur notre site un petit texte qui me tient à coeur intitulé « Pourquoi des petites librairies ?). Et de pouvoir évoluer dans un tel lieu au quotidien est une grande joie. La profession est loin d’être moribonde. Je pense notamment à ce monsieur qui tenait absolument à nous prendre en photo afin d’immortaliser une profession en disparition. Que nenni ! Nous poursuivons ces moments de partage avec un programme dynamique de rencontres autour des sciences humaines et de la littérature. Nous participons aussi à des événements extérieurs comme la Fête du Livre de Bron chaque année où nous mettons en avant notre fonds spécialisé Afriques et Mondes arabes. L’ouverture encore !

Quelle dernière lecture vous a le plus marqué ?
Nous avons arpenté un chemin caillouteux de Sylvain Pattieu aux éditions Plein jour, le récit d’un destin hors du commun : Jean et Melvin McNair, deux afro-américains devenus pirates de l’air par désespoir. Un récit socio-historique intelligent, intense et extrêmement prenant sur l’intolérance et l’oppression qui fait un bien fou en ces temps confus.

Quel livre de l’actualité littéraire conseillerez-vous pour se faire du bien ?
Yan Lianke sans hésiter ! Et notamment son dernier livre paru en France aux éditions Picquier, Un chant céleste. L’histoire dans un petit village de You Sipo qui élève seule ses quatre enfants idiots de naissance. Et qui découvre un jour comment délivrer sa descendance de ce terrible mal. C’est une superbe fable insolite sur l’amour maternel et la différence, profondément humaine, dans une langue à la fois extrêmement poétique et cru. Surtout, l’auteur chinois manie l’humour avec un talent fou.

De quelle manière participez-vous à la revue et pourquoi ?
J’écris régulièrement des articles pour Page des Libraires depuis 3-4 ans. Le fait d’essayer de donner envie m’amuse beaucoup et je fais de nombreuses découvertes. Je participe aussi à la réunion de présentation de la rentrée littéraire qui aura lieu cette année le 29 mai à la BNF devant des librairies et des bibliothécaires.
Non seulement, cela me permet de prolonger les échanges en dehors de la librairie mais aussi de discuter avec des confrères que je vois finalement très peu. Le fait de se dire qu’on participe et appartient à une communauté de passionnés dans toute la France me plaît bien.

Le livre que vous lisez en ce moment …
Un oiseau bleu et rare vole avec moi de l’auteur marocain Youssef Fadel aux éditions Actes sud. Une radiographie du pays durant les « années de plomb » à travers l’histoire d’un couple Aziz et Zina séparé par l’arrestation et l’emprisonnement d’Aziz durant dix-huit années. Le sujet est fort, l’écriture cinématographique, une belle découverte .
Sinon, dans le cadre de la présentation de la rentrée littéraire, je suis en pleine lecture de titres à paraître. J’ai 20-25 livres qui attendent. C’est très grisant et j’ai déjà déniché une pépite !

Ailleurs, Dario Francheschini
Au seuil de la mort, lourd d’un terrible trop-plein de non-dits, le notaire Ippolito dalla Libera, prisonnier d’une existence trop rangée, dévoile à son fils un grand secret. C’est alors les prémices d’un tourbillon fou qui emportera Iacopo dans un quartier populaire de Ferrare, un monde de voleurs et de putains, où chacun est libre de choisir son prénom. Loin du « langage froid des actes notariés », le jeune homme part ainsi sur les pas de son père et découvre les couleurs lumineuses de la vie en compagnie de Mila, une prostituée belle comme un fruit défendu.

À travers une farandole de personnages truculents et profondément émouvants, Dario Franceschini esquisse des chemins de traverse pour une autre vie, toute de passions et de rêves. Ailleurs, dont l’écriture oscille entre réalisme et magie, a la beauté du désordre mais comme le dit justement la lumineuse Mila, « si tu écoutes une histoire et si tu la trouves belle, tu ne dois pas te soucier de savoir si les choses se sont réellement produites ».

Leiloona
Épicurienne culturelle, je sillonne villes, pays et musées, toujours un livre dans mon sac ... Chaque lundi, je publie mes textes dans un atelier d'écriture que j'anime depuis plus de 5 ans, basé sur une photographie. Museo geek l'hiver, sirène l'été. J'aime les bulles, le bon vin et les fromages affinés. View all posts by Leiloona →

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