N’y voyez aucune flagornerie de ma part, ni aucune mise en avant … Mais je tenais à partager deux jolis messages reçus à la suite de l’atelier d’écriture. J’avais dit aux participants qu’ils pouvaient, s’ils le souhaitaient, faire un retour écrit sur ce week-end. Les réponses ont été tellement belles, touchantes et bien tournées que je ne pouvais pas ne pas les partager ici.
Merci encore pour ce joli regard porté sur les hommes. (Il ne devrait en être qu’ainsi.)
Et puis, comme il faut ancrer les belles choses …
Claude :
« Longtemps je me suis couché de bonne heure… », « …sauf samedi dernier… » aurait ajouté Proust s’il était venu au week-end Brica Book. Quel moment ! J’avais une image des ateliers d’écriture qui devait dater une peu : celle d’un maître écrivain aux cheveux longs bouclés, doté d’une lavallière, avec une main sur le piano et l’autre chargée d’une liasse jaunie de manuscrits raturés, écoutant les ânonnements soporifiques de quelques béotiens en mal de gloire dans les salons littéraires. C’était sans compter sur Leiloona, la princesse mystérieuse de Brica Book et Pierre Raufast, écrivain talentueux, dont le dernier ouvrage « La Baleine Thébaïde » garde encore la chaleur des gondoles de grandes librairies. Nous étions huit dont moi, le doyen, cinq femmes et trois hommes réunis à deux cents kilomètres de Paris, dans une grande maison aux multiples pièces où j’attendais un crime, fréquent entre auteurs de polars. Il n’aura pas lieu, hormis celui de l’ennui.
A peine arrivés : café. Nous nous sommes racontés autour d’objets personnels que nous avions apportés et de portraits chinois hétéroclites sensés dévoiler nos intimités ; puis Leiloona a présenté Pierre ; Pierre a remercié Leiloona ; et nous avons entamé le vif du sujet, dans un climat d’attention qui a dû faire rêver les enseignants qui composaient la grande majorité du groupe.
Pierre Raufast dont j’avais lu avec bonheur ses trois romans a tellement su partager son enthousiasme en nous exposant deux techniques américaines de conception de scénarios, que je me suis rapidement pris pour un grand auteur de film à côté duquel Spielberg ferait office de Louis Lumière. Hélas, mon rêve n’est pas resté intact longtemps. Un exercice imposé par Pierre autour d’une photo a suffi pour faire s’évanouir chez moi toute prétention ; seul un vague espoir tente aujourd’hui désespérément de subsister.
Lors de la restitution des travaux personnels, guidés avec bienveillance par le maître, je me suis rendu compte de la pauvreté de ma création face à celles de mes collègues partis pour des histoires passionnantes dont j’attends impatiemment maintenant la mise en forme et la publication. Occasion de découvrir mes compagnons d’atelier : des gens bien, cultivés et pas mal doués, chacun ayant une personnalité forte qu’un auteur de roman se plairait sans doute à décrire.
Le blog de Leiloona, l’organisatrice de ces journées, la décrit comme une « épicurienne culturelle ». Effectivement, le moment fut conforme au dépliant, surtout au vu de nos agapes vespérales. La desserte croulait sous les victuailles ; encore mieux qu’entrée-plat-dessert, un foisonnement de différentes spécialités préparés ou amenées par les participants à l’atelier autour de vins et champagnes qui coulaient à foison dans nos verres toujours vides. L’imagination créatrice doit laisser une place sérieuse aux plaisirs palpables : ils se nourrissent l’un l’autre. Là, à table, j’étais nettement plus à mon aise ; dans mes longues années, j’ai dû probablement passer plus de temps à manger qu’à lire et écrire.
Entre deux cakes aux olives, Leiloona annonça à ma grande surprise le moment des jeux. Rien d’une fin de mariage avec la danse du balai ou d’une animation de patronage et ses courses en sac. Non, des jeux intellectuels dont la découverte des réponses charment autant que le plaisir de gagner. La rapidité cérébrale et la culture de l’assistance m’ont laissé pantois. Pierre, le meneur, avait peaufiné les questions en allant rechercher des citations subtiles de génies de la littérature. Rien n’y a résisté. Le hasard m’ayant intégré à l’équipe d’Isabelle aux connaissances étonnantes, je pus m’enorgueillir des lauriers d’une victoire sans avoir tiré une salve.
« Déjà minuit et demi ? ». Tout le monde s’est alors séparé, éparpillé dans les chambres pour un sommeil court, à la sérénité ponctuée par des bruits étranges de rongeurs infiltrés dans les boiseries de la maison. Des rats de bibliothèques sans doute.
Huit heures : petit déjeuner. « T’as bien dormi ? » « Oui, et toi ? ». Et nous avons repris, peu après nos tartines aux confitures maison, le débriefing des travaux de la veille, non sans un léger trac dû à la présence d’un public averti et d’un maître incontesté. Mais les remarques, critiques, commentaires cherchaient à être bienveillantes ; il fallait être positif. Nous l’avons tous été.
Puis nous avons tranquillement échangé des titres de romans qui nous ont séduits, chacun son tour essayant d’expliquer sa passion, de faire aimer, de donner envie. J’ai tout noté.
J’ai eu alors l’impression que le temps s’accélérait. Au déjeuner, nous nous connaissions tous depuis longtemps. A quinze heures, il fallait se séparer alors qu’il nous restait tant à partager.
C’était bien court. Un goût de pas assez. Un envie de prolonger, de réitérer.
Arrivé chez moi, en feuilletant Télérama, je suis tombé sur une citation de Marguerite Duras : « Ecrire, c’est essayer de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait ». J’entends déjà mes partenaires de Brica Book reprendre à l’unisson : « C’est ben vrai !… »
Pierre, reviens ! Leiloona, on recommence ?
Isabelle :
Une longère perdue au milieu du fin fond de nulle part en terres chasseresses… huit participants venus d’horizons divers mais avec une passion commune, la littérature… un professeur fou qui les a fait pénétrer dans les arcanes des scenarii hollywoodiens… moult bouteilles… des fantômes, des rats-taupes dans le grenier. Tout était réuni pour faire une relecture d’Agatha Christie et Bret Easton Ellis. Ca aurait pu être dantesque… ce fut olympien. Venue là comme la vieille fille ingrate qu’on invite au mariage parce que bon… quand même… je suis repartie telle la jeune demoiselle d’honneur qui a attrapé le bouquet, légère comme des feuilles de turquette sur la raspoutitsa. L’accueil solaire de Leiloona, les leçons rigoureuses mais bienveillantes de Pierre Raufast ont su extraire la substantifique moelle de nos esprits. Un cours magistral (dans le sens non-péjoratif du terme) sur Truby et Vogler, les deux experts des blockbusters made in USA, et nous étions lancés dans la création de notre propre scénario, à partir d’une simple photo. Polar, dystopie, voyage initiatique, exploration de soi… nous fûmes féconds. Et les jeux littéraires imaginés par le maître d’oeuvre (baptisés et alimentés par une quantité astronomique de fromages, quiches, cakes, vins… oui, le séjour eût pu être plus long, rien que pour les provisions!) nous procurèrent de bons moments de franche et intelligente rigolade.
Merci à toi, belle Leiloona, et à toi, Pierre le cicerone, et à vous tous, camarades d’écriture, pour ce week-end fructueux à de nombreux égards. Et vivement la prochaine fois !
Vous êtes formidables. Et je suis sincère. Bravo pour votre engagement et vos mots drôles et émouvants.
Est ce que Claude et Isabelle ressentent aussi cette inhibition post week-end d’écriture que d’autres participants ont relaté sur Facebook ?
Inhibition ?? Ah non tout le contraire si je puis dire . Par contre je sèche complètement sur la nouvelle photo…
Claude quel texte magnifique, sensible et plein d’humour. Toi, quoi
2 merveilleux retours de cet atelier in situ qui donnent sincèrement envie de faire partie de la prochaine tournée ! Merci Iza et Claude.
@Claude : je te connais un peu dans la vraie vie, voire très peu, trop peu même mais je te suis une fan inconditionnelle ! Ta plume te décrit parfaitement dans l’humilité et la bienveillance qui te caractérisent et qui font nous sentir bien avec ton âme ! J’espère un jour acquérir cette sagesse à faire taire ma forte personnalité quand je me retrouverai doyenne dans un groupe 😉 En tout cas, j’apprends à ton contact 😉
@Leil : j’ai peur des rongeurs…. :,-( signé Caliméro qui commence à faire des siennes avant le prochain départ 😉