Il n’est si longue nuit qui n’atteigne le jour. Macbeth
Ils sont 4 sur scène, et cela fait dix ans qu’ils ne se sont pas croisés. Là, dans un hôpital à veiller Manou, leur mère adoptive sur le point de mourir, ils se remémorent leur passé. Il y a Sarah, Samir, Tékitoi (alias Emmanuel) et Pierrot. Quatre orphelins écorchés par les guerres, le massacre ou l’abandon. Tous des résilients.
L’un vient de Palestine, l’autre d’Israël, un autre encore du Rwanda, et le dernier d’Aubervilliers. Une misère affective qui éclate dans leur histoire respective qui ne serait rien ou presque, si d’affreuses images ne venaient pas en plus polluer leurs rêves d’enfant. D’ailleurs sont-ils encore des enfants avec leur vécu ? A l’instar de Tékitoi qui ne parvient plus à dire « je » et bégaie ? Comment en effet employer la première personne quand on se sent mort, parce que la faucheuse a trop rôdé autour de nous, que des cadavres nous sont tombés dessus, que le bruit des mitraillettes résonne encore dans cette église, que des têtes coupées roulent encore devant nos yeux ?
Toutefois, tous se sont plus ou moins construits, à travers leurs larmes. La course, l’engagement, la fuite : la résilience se trouve en chacun d’eux.
La pièce de théâtre effectue alors un va-et-vient entre le présent dans cet hôpital et ce passé toujours d’actualité. Des réflexions d’adulte émaillent le parcours des enfants, et de leurs anciennes guerres intestines naîtra le pardon.
Douceur et mystère de Sarah, résilience ahurissante de Tékitoi, gouaille perforatrice de Pierrot, délicatesse de Samir, tous apportent une touche à cette peinture d’âmes écorchées. Un faible pour le personnage de Tékitoi, son bégaiement, sa volonté de se dépasser, de courir, de vivre chacun des moments présents, d’apaiser les tensions, car lorsqu’on a vécu le pire, nous sommes déficitaires de bonheur, alors nous savons reconnaître et glaner sur notre route toutes les pépites que nous dénichons.
Un sujet fort, rythmé par un texte porteur, nimbé de phrases qu’on voudrait pouvoir retenir et griffonner. La scénographie est quant à elle ponctuée par des touches de magie, tel ce ballon rouge, qui tisse des liens entre le passé, le présent et leur futur.
Force des êtres, de la résilience, des liens fraternels : la pièce montre la survie de ces hommes aux cicatrices béantes, mais qui trouvent en eux, grâce à l’amour qu’on le porte aussi, l’énergie de devenir des adultes au coeur vaillant.
Terrible et magnifique à la fois.
Un extrait :
Après une si longue nuit. Trailer. from ZD Productions on Vimeo.
Après une si longue nuit
De Michèle Laurence
Mise en scène : Laurent Natrella, Sociétaire de la Comédie-Française nominée au Molière du comédien pour son rôle dans les Enfants du Silence
Assistance à la mise en scène : Laure Berend-Sagols
Scénographie et costumes : Delphine Brouard
Lumières : Elsa Revol
Avec : Maxime Bailleul, Olivier Dote Doevi, Slimane Kacioui, Elodie Menant
Dans le cadre d’une résidence de création au Théâtre de l’Ile de Nouméa, au Sel de Sèvres
Coproduction ZD Productions, Compagnie Carinaé, Hyperactif créations, Coq Héron Productions Théâtre de l’Ile / Nouméa, Théâtre Montansier / Versailles.
Avec le soutien de la SPEDIDAM et de l’ADAMI.
Merci infiniment pour ce bel article qui me touche sincèrement…Il n’est pas signé, hélas ! Je suis donc condamnée aux remerciements anonymes ! Michèle LAURENCE
Merci de votre passage ici !
J’écris ici sous le nom de Leiloona (Alexandra K). 😉
je l’avais déjà notée dans mes premiers repérages pour Avignon, tu confirmes mon envie de découvrir cette pièce!
Ah oui, cours-y les yeux fermés et ouvre les pour voir la pièce ! 😀