L’Homme qui plantait des arbres, Jean Giono

Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable.

L’Homme qui plantait des arbres est une nouvelle toute courte, un condensé de l’art gionesque. Une rencontre entre un homme et une nature désolée. Elle n’est plus qu’un squelette dépourvu d’âmes. Des maisons en ruine, un village abandonné. Pour tout vous dire, l’eau n’y coule même plus. Tout autour la sécheresse à perte de vue. Le pire, c’est que cela n’étonne même plus l’être humain que nous sommes, habitués à la destruction et impuissants devant ce désastre.

Mais c’est alors que la rencontre se fait. Une silhouette au loin, un berger ? Les deux hommes partagent alors l’essentiel : quelques gorgées d’eau, une bolée de soupe, du tabac. Le berger est un taiseux, un solitaire qui aime le silence. Alors que l’un fume sa pipe, l’autre déverse quelques glands devant lui et les trie un à un. L’instant est suspendu entre ces deux-là. Un lien se crée. Invisible encore. Le visiteur est curieux d’en savoir plus sur ce berger à la sérénité palpable. Qui est-il ? Quelle est cette force, cette puissance derrière la simplicité de son âme ?

Le lendemain, ils partent sur la route, et notre narrateur découvre alors la principale activité du berger : il plante des chênes. Les cent glands qu’il avait triés la veille. Voilà trois ans qu’il plante sans relâche… Sans connaître le nom du propriétaire de cette terre. Sans d’autre plaisir que de planter pour voir la nature reprendre vie.
Sans tambour ni trompette.
Dans un silence total où seule résonnerait, si on l’écoutait, la nature reconnaissante …

Il ne vous reste plus qu’à imaginer le nombre de chênes plantés quelques dizaines d’années plus tard, qu’à vous représenter cette luxuriante forêt devenue, avec tout l’art de Giono pour dépeindre cette nature retrouvée, car jamais Elzéard ne fléchit, jamais il ne douta de son entreprise. Beauté du geste, silence de cette acte éblouissant, alors qu’en arrière plan les hommes se déchirent sur fond de première guerre mondiale.

Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs : c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul qui pouvait avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d’une résurrection. 

Aussi, à votre tour, ouvrez L’Homme qui plantait des arbres, gorgez-vous de cette fable poétique aux accents bibliques dans laquelle se dessine le portrait de Giono, véritable pacifiste affirmé, plongez dans cette générosité à fleur de chlorophylle, de cette belle âme silencieuse qui, sans relâche, plante jour après jour ses graines pour que le monde retrouve sa beauté… Une sorte d’Arcadie retrouvée.

(A mettre entre toutes les mains, surtout celles des collégiens. A n’en pas douter, Giono est lui aussi un semeur de belles graines …)

96 pages
26-09-2016
Genre : Contes et légendes
Collège Classe de 5è
Thématique : L’homme est-il maître de la nature ?

Époque : XXe siècle
ISBN : 9782070794027
Gencode : 9782070794027
Code distributeur : A79402
2 € 90

Leiloona

Museo geek l’hiver, sirène l’été.
Je lis et j’écris durant les 4 saisons.
J’aime le bon vin et les fromages affinés.

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12 commentaires

  1. Il me faudrait tout relire ce que je devorais quand j’étais ado, j’ai tout oublié, ne me reste que le souvenir du plaisir que j’ai eu.

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    1. J’ai « la chance » de pouvoir relire pour mon travail des romans que j’avais adorés plus jeune, et de les partager (le summum pour moi. 😉 )

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  2. Sans doute une de mes nouvelles préférées.
    Son histoire est d’ailleurs tout aussi belle. Savez-vous que cette nouvelle – écrite pour le Reader Digest en une nuit – a d’abord été publiée en anglais avant de l’être en français ?
    (c’était la minute culturelle)

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    1. Ouiiii j’ai appris plein de choses dans mon édition scolaire …

      Le sujet du concours était même d’écrire sur « le personnage le plus extraordinaire que j’ai rencontré ».
      Sublime éloge écrit en une nuit (j’en connais d’autres capables d’écrire aussi en 5 minutes de superbes histoires. Cela s’appelle le talent, ou le génie. Je préfère le mot talent. Avec les génies, nous sommes limités à trois vœux.)

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    1. Voilà, moi aussi j’ai fait « oh » en lisant l’histoire …

      (Merci K de m’avoir laissé votre adresse mail, je file vous écrire, j’ai plein de choses à vous dire ! 🙂 )

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  3. une de mes lacunes, je me l’achète, quelques jours plus tard, je le trouve dans mon casier 🙂 Je vais m’y mettre, c’est sûr !

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