L’obscurité nous a enveloppés, et nous avons continué de babiller. Apparemment, corbeaux et pigeons avaient regagné leurs nids. Enlacée dans les bras fermes et nerveux du maître, j’avais envie de rire et de pleurer tout à la fois. Mais je n’ai pas ri, je n’ai pas pleuré non plus. Je suis restée simplement dans ses bras, sans vouloir en bouger, comme si j’avais trouvé ma place.
Il est des fabuleux hasards qui mettent sur leur route deux personnes qui jamais n’auraient dû se croiser. Un soir, comme à son habitude, Tsukiko pousse la porte du café. Elle y boit son verre de saké. Mais ce jour-là, une silhouette ne lui est pas inconnue. Ne serait-ce pas son ancien professeur ? Voici qu’ils lient conversation. De tout de rien, une reprise de contact. Mais cela n’en reste pas là. Un frêle trait d’union se crée. Leurs conversations sont faites de silence et de beauté. D’essentiel presque. Ces petits riens du quotidien qui forment en réalité le bonheur. La cueillette des champignons est l’occasion de revenir sur le passé du professeur, quant aux cerisiers en fleurs, leur vénusté parle d’elle-même.
Nous suivons le parcours de ces deux êtres, la jeunesse de la jeune femme, l’évanescence de ce professeur pourtant tellement présent… et toujours cette volonté de faire naître le fondamental d’un rien. D’une commode dans laquelle ranger ses plus jolis souvenirs, d’un ciel étoilé, d’un chant d’oiseaux quand l’aube arrive, voire même de cette nature qui semble nous dire « viens, viens » et nous attirer dans ses filets.
L’homme peut apprendre beaucoup de choses quel que soit l’endroit, vous savez, à condition d’y mettre le coeur.
Des instants suspendus. Ne cherchez pas d’actions ou de suspens, vous seriez déçus. Ici il est question de rencontre, d’équilibre du monde, de lisières avec le fantastique, de mort, de vieillesse, de vie, d’éther et de profondeurs, de shintoïsme aussi …
Une beauté simple, qu’on effleure de la caresse d’un sourire, un roman profondément sensuel car tous les sens y sont invoqués. Une envie de manger, de boire, d’aimer, et de profiter, toujours, de l’instant présent. L’écriture possède, elle, la tranquillité d’un lac dans lequel dormiraient les rouleaux fougueux de l’âme.
Les années douces déploie ses ailes de pages comme le ferait un origami modelé de plis vallées et de plis montagnes. Vous voyez bien, la nature est partout, même dans les objets.
Voilà près de deux ans que j’ai ce roman dans ma bibliothèque. Pourquoi avoir retardé sa lecture malgré l’évidence ? Il est des chemins que nous ne devons pas croiser trop tôt afin de mieux les savourer et de les laisser se déployer en soi à leur juste valeur.
De là naîtra la quintessence.
Hiromi Kawakami
Les années douces
Elisabeth Suetsugu (Traducteur)
ISBN : 2877307654
Éditeur : EDITIONS PHILIPPE PICQUIER
(03/02/2005)
284 pages
7 € 50
C’est beau hein! Yueyin m’a tannée des années pour que je le lise et j’ai traîné… alors que j’ai adoré quand je l’ai lu!
On devrait toujours faire confiance aux conseils d’amis, oui ! 😉
Une lecture qui a l’air très douce.
Ah ah, ah ! Oui ! En effet, et le titre est un bon indicateur.
Typiquement la littérature japonaise que j’aime.
Oui, tu ne connais pas encore ? Alors lis-le ! 🙂
J’ai adoré, il fait partie des romans que je lis et relis !
Oh j’ai déjà du mal à lire tous les livres que je souhaiterais découvrir, alors la relecture, c’est seulement pour mon boulot. :/