Mes pas vont ailleurs, Jean-Luc Coatalem

Le roman s’ouvre sur la mort du poète et romancier Victor Segalen. Une plongée in medias res dans cette forêt à l’humus prégnant. La Nature s’offre à ce corps et devient un tumulus à la chinoise. Le texte continue alors à rebours et donne au lecteur le portrait d’un aventurier lettré et cannibale ivre de mots :

Il n’y a de réel sans imaginaire et vice versa.

N’être tenu par rien, qui entraverait ce désir d’aller et d’écrire. Une mentalité de marin, de nomade.

Les références bibliques pullulent, comme celles du paganisme. Saint-Lazare côtoie le cerf Cerumnos. Avec lui, nous voyageons au pays des extrêmes, aux confins du monde, des drogues et des rencontres aussi. Victor Segalen écrit comme il respire, commence des oeuvres, ne les finit pas, se tourne vers d’autres genres, passe d’une écriture à l’autre comme il passe de sa femme à sa maîtresse. Un rêveur éveillé d’une utopie mordante. Ainsi sa cartographie de la Polynésie sera-t-elle :

Moins le portrait d’un pays vrai que la poursuite d’un rêve intérieur. L’imaginaire ayant pris le pas sur le réel. 

Un homme qui n’est pas épris par les conventions, le médiocre et le fade sont à bannir de sa vie. Il faut vivre pour écrire, et surtout ne pas laisser passer ce temps futile car les minutes s’écoulent et ne reviennent jamais. Il rêve d’absolu, et ses amours sont elles aussi teintées de cette même veine. Un épicurien en somme.

Au fil des pages, le lecteur sent cet amour d’un auteur pour un autre, le narrateur plonge ses mains dans ce corps encore chaud et lui fait de nouveau (le temps d’un roman) battre son coeur. Nous entrons dans le quotidien éthéré de Segalen, de ses voyages, de ses correspondances, de ses deux amours. Voici le portrait d’un homme qui a vécu sa vie comme un roman et dont la mort est digne des plus grandes tragédies. Un Shakespeare à la main, là, dans la forêt magique de Huelgoat où des druides viennent invoquer Cerumnos.

Un roman à l’image de Segalen : lent, poétique, bourré de références littéraires. Quelques longueurs. J’ai refermé ce roman avec l’envie de redécouvrir Segalen. Un roman de lettreux ? Certains vont y perdre leur latin, mais d’autres plongeront dans une sensualité certaine des mots.

Collection : La Bleue
Parution : 23/08/2017
288 pages
Format : 140 x 215 mm
EAN : 9782234081178
Prix: 19.50 €

Rentrée littéraire 2017

Leiloona
Museo geek l'hiver, sirène l'été. Je lis et j'écris durant les 4 saisons. J'aime le bon vin et les fromages affinés. View all posts by Leiloona →

5 commentaires

  1. Huelgoat, ce n’est pas très loin de chez moi. C’est un endroit où se trouve une superbe librairie perdue au milieu de la forêt. On y mange de délicieux cakes. A Huelgoat il y a aussi un endroit qui s’appelle « l’école des filles » (c’est une ancienne école), où il y a des expositions de peinture et parfois des conférences. Segalen y est souvent à l’honneur. Pour autant, je ne suis pas certaine d’avoir envie de lire ce roman. Les longueurs et nombreuses références littéraires me font peur.

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