Nulle part sur la terre, Michael Farris Smith

S’asseoir sur la véranda, regarder le jour décliner et le soir tomber sur la terre comme une couverture descendue la border pour la nuit.

Le roman s’ouvre in medias res sur un acte barbare, inhumain ou paradoxalement terriblement humain. L’ambiance est sombre, glauque, l’échappatoire ne semble pas être au goût du jour. Puis, la page d’après, une petite lueur d’espoir traverse le chemin de ces personnages. En vain. La chape retombe toujours du même côté, comme une tartine beurrée.

On peut être rapidement hypnotisé par cette étrange cruauté : Nulle part sur la terre est un endroit à part, là où se retrouveraient peut-être des âmes damnées. Un huis-clos digne d’une tragédie sur les rives du Mississipi. Là se jouent tous les drames du passé, comme si leurs lianes résonnaient encore dans chacun des jours à venir.

Alors il y a Maben, mère aux allures de Don Quichotte tant elle voudrait éloigner sa fille de la malversation du monde. (N’est-ce pas ce que chacun des parents fait pour les siens ?) Et puis Russel hanté par un accident qui lui valut de la prison. Cet endroit lave-t-il de tous les crimes ? D’après la justice humaine oui, mais chacun sait qu’il n’en est rien.

C’est sombre, à l’état brut, et rien n’est épargné. L’univers poisseux des bars, leur ambiance électrisante et leurs dérives. Toutefois la lueur d’espoir est toujours cachée, même sous un tapis poussiéreux, ou dans l’éclat de la crosse d’un canon.

Il était allongé sur le dos et elle se trémoussait sur lui en plaquant les épaules au sol et puis, tandis qu’elle se penchait vers lui et qu’il la tenait par la taille et sentait ses seins contre son torse nu, il se mordit les lèvres pour s’empêcher de fondre en larmes et la pensée lui traversa l’esprit que s’il existait un autre homme sur cette planète qui à cet instant était plus heureux que lui, alors il ne savait pas comment ce salopard faisait pour le supporter.

Un roman comme un film noir : des descriptions de visages muets qui disent beaucoup, des dialogues lents qui souvent ne mènent nulle part avant de rejaillir par la suite.
Cependant, si l’intrigue serre son lecteur, comme pris dans un étau inextricable, il en est de même pour la syntaxe plus qu’aléatoire de ce roman … Des phrases longues comme mon bras, des conjonctions « et » placées à la pelle et perdent le lecteur en cours de route. Une mauvaise traduction ? Le style de départ ? Pour toutes ces raisons, Nulle part sur la terre est à lire pour son scénario proche de la Route de McCarthy (le monde post apocalyptique en moins) car l’auteur a l’art de poser des travers, une cruauté sans fards, sans rebuter son lecteur, en l’attachant presque à ses personnages. Il m’a toutefois manqué un véritable travail sur la langue et le style : les phrases se délayent et perdent son lecteur là où elles auraient dû être percutantes. Et c’est bien dommage : un polar ne tient pas seulement à son intrigue haletante. Du moins, pas à mes yeux.

ISBN papier : 978-2-35584-609-0
ISBN numérique : 978-2-35584-623-6
Nombre de pages : 400
Prix public papier : 21 €

Leiloona
Museo geek l'hiver, sirène l'été. Je lis et j'écris durant les 4 saisons. J'aime le bon vin et les fromages affinés. View all posts by Leiloona →

12 commentaires

  1. Coucou,
    la langue et le style sont pour moi aussi très importants même dans le genre polar.
    Bises et bon dimanche

    Répondre
    1. Voui … Et je suis en train de me demander si ce n’est pas pour cette raison que je délaisse ce genre … (outre le fait d’avoir des choses glauquissimes.)

      Répondre
  2. Bonjour Alexandra,
    Je viens de le recevoir, remporter à un concours FB des Editions Sonatine. Si cela fait penser à du Cormac McCarthy, c’est tout bon … mais dommage pour la langue, peut être en effet une mauvaise traduction … en tout cas, hâte de m’y plonger !
    Bises
    Marie-Laure

    Répondre
    1. Hum. Alors biiiiiiiien en dessous de la route hein … rien à voir même, mais j’ai retrouvé des accents du monde perdu et incapable de la moindre lumière. Tu me diras ! Des bises aussi ! 🙂

      Répondre
    1. Passionnante, je ne dirais pas cela non … disons que la rencontre entre les deux personnages tend à tarder, et après je trouve que cela ressemble plus à un pétard mouillé. Mais bon … les personnages restent attachants oui. 🙂

      Répondre
  3. j’ai adoré, je regrette presque de ne pas en avoir fait un coup de cœur mais certaines lourdeurs et maladresses vers la fin… Quant au style, j’ai trouvé qu’il collait bien avec l’univers décrit : simple et brut de décoffrage. Et d’ailleurs, pour moi, ce n’est pas juste un polar…

    Répondre

Commentaire :

%d blogueurs aiment cette page :