Ecrire. Faire le portrait d’une révolutionnaire. Sans trop de recul. Là, dans le vif. Creuser, puiser, prendre les sources. Toutes. Ecrire, broder, rester au plus proche de la vérité. Être obnubilé par cette personne, la voir partout. Une absente omniprésente. Justine Augier dans De L’ardeur partage alors cette obsession qui est devenue la sienne.
Qui est Razan ? Cette avocate syrienne qu’on a enlevée une nuit ? Justine Augier a voulu combler les blancs, les vides, fixer de sa plume le portrait de Razan. Femme forte, femme amazone au regard et à la bouche d’Antigone, Razan en impose. Elle est là, souvent en retrait, mais avec une aura si importante qu’elle domine. Razan agit, Razan fait.
Vive défenderesse des prisonniers politiques, elle monte très vite une association en faveur des Droits de l’Homme. Pourtant rien ne prédestine cette jeune femme blonde et fragile à entrer en guerre.
Rien, si ce n’est la foi en la liberté.
De l’ardeur possède un sujet fort. Une femme à l’aura incroyable. Cela perce sur les photos que l’auteur décrit. Pourtant, je suis restée en marge. C’est terrible à écrire. En attendais-je trop ? Voulais-je y lire une femme mythologique et iconique moderne ? Razan possède en elle cette aura, et j’aurais voulu que cela transparaisse dans le documentaire. Sans doute à travers une écriture plus incisive, sans entrelacs de labyrinthe.
Une écriture complexe, qui mêle d’autres voix (non identifiées) à celle de la narratrice, de temps à autre la voix elle-même de la narratrice, le tout sur un sujet lui aussi complexe. Peut-être ai-je manqué d’éclaircissements ? Peut-être ai-je été troublée par ces faits mêlés de réflexion personnelle, par l’oscillation entre une certaine objectivité et une empathie normale ?
La démarche de l’auteur est louable : en mêlant les différentes voix et les différentes sources, la voici au coeur même de la vérité, afin de tracer presque au compas le portrait énigmatique de Razan. Toutefois, pourquoi autant de complexité dans la narration ? A elle seule la figure de Razan portrait le récit. C’est assez terrible en effet d’être passée à côté d’un tel documentaire…
Prix Renaudot Essai 2017.
De l’ardeur – Justine Augier – Actes Sud – Septembre 2017
En lice pour le Grand Prix des Lectrices ELLE.
Jostein aussi est restée sur la même rive que moi.
Très belle chronique qui résonne en moi car je viens de terminer le livre.
Nous sommes effectivement en phase sur nos ressentis.
Ce document donne au moins envie de lire autre chose sur ce sujet brûlant. Trop dommage de rester si loin d’une femme aussi engagée.
Merci pour le lien
Merci ! 🙂
Oui, c’est exactement ça … Et en refermant le livre, on garde en tête ce parcours particulier …
Elle a peut-être ses raisons de ne pas faire simplement une « hagiographie » linéaire et chronologique… J’irai jeter un coup d’oeil pour me faire un avis, je n’arrive pas à croire que Justine Augier ait simplement raté son sujet !
Elle l’explique oui, au début du livre.
La chronologie est respectée. Les différents éléments utilisés m’ont rendu le livre trop confus. Et ce, dès le début. Alors qu’il existe par grappe de très beaux passages, mais l’arborescence finale ne m’a pas convaincue.
Toutefois dans le jury, d’autres ont adhéré et adoré.
Ça arrive parfois. Dans un tout autre genre j’ai commencé il y a quelques semaines « La conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole et je n’ai pas accroché avec le style même si l’histoire semble intéressante. Du coup je l’ai laissé de côté. Je verrai plus tard…
Ah celui-ci, je l’ai dans ma PAL depuis pfiuuu … Je le recommande d’ailleurs, sans l’avoir lu. A tort peut-être ? En tout cas, l’histoire de l’auteur est ma foi bien particulière … Cela rend le roman attachant. (Bon il faudrait que je le découvre un jour.) 🙂
En effet, pourquoi complexifier les choses à l’envie ?
Cela faisait partie d’un objectif, je ne peux que louer sa démarche, mais suis restée à l’extérieur. 🙂