– Souvent, dans vos albums, on retrouve des lieux existants et/ou des références artistiques, picturales, qui ancrent l’album dans la réalité malgré l’apparition du « surnaturel ». Qu’en est-il ici ? L’île des Orléandes vous a-t-elle été inspirée par une île existante, ce phare relié à son rocher mouille-t-il dans un océan lointain ou dans une œuvre de musée ?
Le rocher, le phare et l’Orléande viennent d’un monde lointain, imaginaire, perdu dans une sorte de futur en ruine tel qu’on peut le voir dans certains jeux vidéo des années 90 comme Myst ou Riven. L’idée était de développer une histoire en huis clos dans un décor qui se développe autant en horizontal qu’en verticale, à la façon de Jeu de piste à Volubilis. Le décor reste souvent pour moi le point de départ des histoires.
– Comment naît l’idée de la porte secrète qui mène vers une aventure ? Un rêve de votre enfance ? On pense à Alice, à Jules Verne, à Robinson… Quelles sont vos sources d’inspiration pour cette histoire ?
L’idée de la peinture panoramique qui mène vers un autre monde m’est venue alors que je réfléchissais à une possibilité de mise en scène théâtrale d’un spectacle jeunesse. Un décor fixe qui évolue au fur et à mesure qu’on arrache le papier peint de la chambre d’un enfant. Je me suis ensuite laissé entraîner par le récit. Pour l’aventure au-delà du mur, je voulais un système scénaristique d’histoires imbriquées. Il fallait que mon héros se place comme le lecteur, à l’écoute d’une histoire encore plus grande, mais très classique dans sa structure. Ce système de flashback qu’on trouve dans le cinéma ou la bande dessinée (exemple : Tintin, Le secret de la Licorne) permet lorsqu’on revient à l’histoire initiale, de créer un effet de réel, il peut alors entrer en action. J’ai toujours aimé les robinsonnades et Jules Verne m’inspire beaucoup dans la faculté qu’il a à faire voyager ses lecteurs dans des récits incroyables et pourtant crédibles. Je voulais également une dimension épique qu’on peut retrouver dans des films tels que L’histoire sans fin ou Narnia. J’aime qu’un album jeunesse puisse plonger le lecteur dans une dimension cinématographique.
– Vous savez que la fin, très ouverte et ne donnant pas les clés, est très frustrante ?
Comme dans L’Ange disparu, j’aime l’idée qu’on soit entre rêve et réalité. Je ne donne pas de clé pour faire ressortir deux éléments très importants de cette histoire, la peinture panoramique et la relation retrouvée entre Timothée et sa sœur.
À Emmanuelle Beulque
– Comment avez-vous découvert le travail de Max Ducos sur cet album, avez-vous reçu une histoire complète ou des fragments de l’album en cours de création ? À quoi êtes-vous d’abord sensible dans son travail : le texte ou l’illustration ?
Je publie Max Ducos depuis ses débuts, à sa sortie des Arts Déco de Paris, en 2006. C’est donc une longue histoire entre nous ! Max me soumet ses idées, ses projets et nous réfléchissons ensemble à chaque album.
En général, il me propose une idée (un bon livre, c’est d’abord une bonne idée), un schéma narratif et un synopsis. Il me raconte l’histoire oralement en détail, je l’écoute, je rêve déjà ! Nous en discutons. Et puis il réalise souvent une image complète, pour me donner l’ambiance et situer le décor. Il a une intelligence très visuelle, aussi.
Et c’est parti ! c’est le travail habituel sur l’album : travail du texte, chemin de fer, story-board, croquis noir et blanc, peinture, etc.
Je suis d’abord et avant tout sensible à l’intelligence du récit chez Max : tout se tient, aucun détail du texte ou de l’image n’est là par hasard, il a tout réfléchi. C’est l’articulation du texte et de l’image qui m’intéresse, ce qui fait la spécificité de l’album. Max sait comme personne parler à l’intelligence d’un lecteur de 7-10 ans. On dirait qu’il joue avec elle ou lui. Les enfants ne s’y trompent pas : ce sont les meilleurs supporters de son travail ! C’est pour eux qu’on fait ce travail, et c’est donc très important pour moi. Lecture plaisir, lecture profonde, lecture qui dure et laisse de belles traces.
Avec Max, on découvre toujours un petit quelque chose qu’on n’avait pas vu avant : c’est tellement riche ! C’est rare. Il y a plusieurs « couches » narratives et l’ensemble forme un tout indissociable. Comme une chanson réussie : paroles et musique.
Et bien sûr, il y a les cadrages, toujours très cinématographiques, la beauté des peintures à la gouache, les couleurs, la générosité du travail aussi : Max n’est ni avare de son temps ni de son talent. Il n’hésite pas à donner deux ou trois vues sous des angles différents de plusieurs instants d’une même scène, et tout cela à la gouache, technique exigeante (on ne peut pas retoucher, si on s’est trompé, il faut tout refaire ! des heures de travail) et dans un très grand format. Les originaux sont de vrais tableaux, au format impressionnant !
– Les histoires « possibles » sont nombreuses dans l’album ; le texte est dense et l’imaginaire est très sollicité. Quel a été votre rôle dans la création d’un album aussi riche et à quel public le destinez-vous ?
C’est l’univers de Max qui est riche. Ses références, ses expériences, son vécu. Il transmet tout cela à ses lecteurs, de 8 à 12 ans le plus souvent.
Mon rôle est de l’orienter quand il en a besoin, de repérer les redites textuelles ou narratives, de lui indiquer les passages à développer, éclaircir, ou au contraire à resserrer pour le bon rythme de l’album. Je l’accompagne aussi sur le travail du texte, l’écriture, les nuances stylistiques. Nous nous connaissons bien, depuis 9 albums ensemble ! Nous nous faisons confiance, c’est un travail passionnant et très enrichissant. Dans un seul but : que l’album soit le plus réussi possible !
#CONCOURS : trois albums sont à gagner ! Dites en commentaire que vous participez et je tirerai 3 noms au sort.
J’aimerais participer au concours 🙂
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Moi je veux bien le gagner cet album, riche en couleurs et en références, et dont l’histoire vous emporte ! Je connais deux ou trois enfants ici qui adoreraient!
Tu me renvoies ton adresse, Ludo ? 🙂
Sophie dit :
Un magnifique album ou l’on retrouve Max Ducos au grand air, dans une aventure fantastique mêlant pirates et chevalerie.
Bonjour. L’interview de Max Ducos m’intéresse beaucoup parce que j’aime beaucoup lire à propos d’un artiste. On l’imagine dans son atelier. J’aime beaucoup aussi l’interview de Emmanuelle Beulque, l’éditrice j’imagine car elle nous parle de la façon la naissance d’un album entre un auteur et elle. La littérature jeunesse est ma grande passion alors merci pour cet article. Je serais très contente de gagner ce bel album.
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