Sally Mann, Jeu de Paume

Sally Mann (American, born 1951), Deep South, Untitled (Scarred Tree), 1998, gelatin silver print, National Gallery of Art, Washington, Alfred H. Moses and Fern M. Schad Fund

Il y a de ça dans l’Art, un retour sur soi, une découverte parfois impromptue d’un pan intime qu’on ne connaissait pas forcément, quelque chose qui dérange et gratouille. L’art nous révèle. En écrivant cela, je ne révèle rien que vous ne sachiez déjà. Et pourtant … De plus en plus, l’être humain navigue, jette, kleenexe, ne s’arrête plus, zappe. Il ne permet pas à son cerveau de ressentir, de se poser, de s’imprégner de la force que peut dégager une oeuvre. Souvent avec mes classes, j’ai cette démarche. Lire, voir, ressentir, se poser, faire naître l’émotion. C’est mon travail le plus profond, loin des soporifiques accords du participe passé (encore que là, il y a des astuces pour rendre cette leçon amusante, mais passons là n’est pas le propos.)

© Sally Mann

Cette exposition m’a fait cet effet-là. Ressentir. M’arrêter devant certaines photographies, car elles avaient quelque chose à dire, à m’apprendre, voire à me révéler de moi-même.

© Sally Mann

Les photographies de Sally Mann sont parfois controversées. Par la nudité des corps de ses enfants qu’elle met en scène. Mais au mot nudité, je retiendrai plutôt le dernier : la scène. Cette artiste met en scène son quotidien, elle distord la réalité, la magnifie pour nous transmettre sa vision du monde. Il y a dans ses photographies tout un nouvel univers, celui de l’onirisme, ce rapport à la nature que possèdent les enfants, cette lisière que les adultes perdent un jour, fatalement, celui que certains artistes se forcent à renouveler par l’intermédiaire de leur art. Un retour à l’enfance, à ce qui peut sembler être un âge d’or. Il y a de l’Emerson chez elle. Sally Mann photographie les ruines, les arbres seuls, leurs cicatrices qui clament leur passé, comme un memoranda. De ces ruines s’échappent alors des histoires. Plus tard, comme le temps passe aussi pour les artistes, elle photographiera le corps souffrant de son mari. Elle fixe l’éphémère, distord la réalité, ajoute du grain, superpose, et montre non pas la réalité crue, mais une réalité sublimée. Ce torse hypnotique de son mari malade s’appelle « Hephaestus », Héphaïstos, Vulcain, le forgeron. Parfois, je me dis qu’il n’y a pas de hasard, mais seulement une multitude de chemins qui nous mènent tous au même endroit. Vers nous.

L’exposition se termine en septembre.

11 comments

  1. Nady says:

    je crois avoir vu passer un de tes posts sur FB pour cette expo. une chronique qui me rappelle que je dois de suite la noter sur ma Tovisitlist 😉

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    • Alexandra K says:

      Oui, un post qu’Instagram m’a d’ailleurs censurée… J’ai osé montrer un torse d’homme. (Le fameux Héphaistos). Les algo me font peur parfois …

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      • Nady says:

        ah oui c’était insta en effet car là je viens de voir ton post FB. Je m’y perds dans tous ces réseaux lol. Oui, j’ai été censuré d’un post aussi sur FB qui montrait le corps d’une femme sur un tabouret à Fluctuart avec un message d’avertissement sur des parties à ne pas montrer comme les seins ou femmes allaitant… je ne savais pas que les torses masculins étaient aussi censurés maintenant.. où va t on ??? pffff… ça va être pareil sur FB alors car insta appartient à FB depuis 2012. Merci de l’info, moi qui adore ces clichés de torse, vais éviter de me faire remarquer sinon ils m’ont dit qu’ils limiteraient mes publications… Des robots qui n’ont pas l’air de rigoler dans leurs avertissements en tout cas… Bel été à toi et Gab

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        • Alexandra K says:

          Exactement … Pour l’article, j’ai choisi la photo d’un arbre. Espérons que le bot ne confonde pas l’écorce avec un corps nu … 🙂
          Bon, en tout cas, sur bricabook je n’ai pas cette censure absurde.

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      • Thaelboost says:

        Incroyable ! On censure l’art ce n’est jamais très bon signe

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        • Alexandra K says:

          Jamais, en effet. C’est aussi ce que j’apprends aux élèves… On commence toujours par l’art. (Mais je ne voudrais pas être une funeste pythie…)

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  2. Matatoune says:

    Magnifique chronique sur une exposition qui m’a bouleversée aussi ( chronique à venir). De plus sa façon de photographier pour rendre compte des  » incertitudes  » du monde et bien évidemment, de soi ! Étonnant, je ne m’y attendais pas …

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    • Nady says:

      Votre retour d’expo fait se redresser les poils de mes bras et me donne encore plus envie de courir voir l’expo ! 😉

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  3. trezjosette2 says:

    un billet qui donne envie de courir voir ces photos
    je suis allée voir « Princ-esse-s au Palais de Tokyo une expo que je ne recommanderai pas quel gâchis !

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Commentaire :

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