Les choses ne sont que des condensés d’histoires. De la matière brute avec laquelle on façonne les souvenirs, véritables piliers soutenant nos misérables vies.
Il est des romans qui me tiennent particulièrement à cœur, pour différentes raisons : Le cerbère blanc en fait partie. Aussi, pour fêter la réouverture des librairies, j’avais envie de partager ce livre symbole avec vous.
Tout avait bien commencé pour Mathieu et Amandine, une enfance idyllique, une sorte de ligne droite bien confortable, mais les dieux s’agacent souvent de cet épanouissement qui frôlerait presque le divin. Alors ils frappent au hasard, sans but, un coup sec : clac ! Des corps calcinés et un garçon orphelin. L’esprit de l’enfant s’emballe, tente de comprendre en vain cet accident qui a ravi des êtres chers et développe malgré lui une forme de résilience. Après tout, il faut bien continuer de vivre, non ? Pour Mathieu, cela se transformera en lutte contre la déchéance du corps humain : vouloir coûte que coûte retarder la mort, voire même la défier. Mais peut-on le faire impunément ? Les mythes disent que non …
Le Cerbère blanc, cinquième roman de Pierre Raufast, possède une narration subtile effectuée en alternance : les voix de deux âmes sœurs que le destin a éloignées s’entremêlent et s’imbriquent par d’infimes échos : malgré l’éloignement et la cassure de la ligne droite, le lecteur perçoit alors l’intrication (quantique) de ces âmes. Mais là encore, cela suffira-t-il pour qu’elles se rejoignent un jour ?
Carrefour de vies, dilemme cornélien, lâcheté humaine, vengeance, culte du paraître au détriment de l’être, jusqu’où faut-il aller pour trouver un semblant de sérénité ? Et si elle venait d’ailleurs, d’une métamorphose que nous portons en nous sans le savoir ?
Pierre Raufast ici ne joue pas avec une narration imbriquée, mais ce n’est que pour mieux la déplacer : en chacun de ses personnages, les bifurcations sont là. Tous portent en eux le chemin des possibles. Et là, est à mes yeux la force de ce roman. Avoir non plus fait des poupées gigognes qui s’imbriquent de façon macroscopique, mais bien de manière microscopique : Mathieu, Amandine, Barnabé, Claude possèdent tous en eux ces histoires gigognes que le lecteur perçoit explicitement ou à la faveur d’une confidence.
Le fameux « Et si ? ».
A nous, lecteurs, d’écouter encore une fois le talent de conteur de ce romancier, voire même d’oser nos métamorphoses. (Le tout sous l’égide éternelle des mythes qui peuplent ce roman.)
Tu le vends bien. On a envie d’y aller….
Tout ces mythes ont dû te plaire.